DOSSIER

CANNES 2008 - Amour et destruction

Source inépuisable d’inspiration pour les scénaristes, l’amour fait tourner le cinéma d’hier et d’aujourd’hui. Une comédie, un film d’action ou un polar font rarement l’économie de quelques scènes romantiques ou sexuelles qui viennent pimenter l’intrigue et relever l’attention du spectateur. Les films présentés à Cannes cette année n’échappent pas à la règle, néanmoins on observe un certain penchant des cinéastes pour une vision sombre de l’amour. Exit le romantisme et le sentimentalisme, place à l’amour compliqué, à l’attraction malsaine ou à la relation autodestructrice.

Woody Allen est passé maître dans l’art de traiter des sujets graves sur le ton de la comédie. « Vicky Cristina Barcelona », son dernier opus, narre ainsi le parcours initiatique de deux amies (Scarlet Johansson et Rebecca Hall) en proie aux mystères de l’amour et de l’attraction. Le déclencheur des bouleversements qui affectent la vie de ces jeunes filles est un peintre charmeur et sensuel, fraîchement divorcé d’une femme qui tenta jadis de le poignarder. Cette anecdote plutôt burlesque (la furie est interprétée par une Pénélope Cruz survoltée) s’ouvre en fait sur un aspect du film plus sombre qu’il n’y paraît : celle d’un couple qui ne sait pas s’aimer sans se déchirer. On est alors proche de la psychanalyse : ce n’est que lorsqu’une tierce personne vient faire intrusion dans leur ménage que les amants terribles parviennent enfin à retrouver leur sérénité.

Ce cocktail explosif d’amour et de haine prend des proportions encore plus importantes dans « Ocean flame », thriller érotique de Liu Fen Dou présenté dans le cadre d’Un certain regard. L’intrigue repose sur la relation passionnelle et tumultueuse des deux héros : d’un côté un bad boy charismatique et incontrôlable, de l’autre un ange magnifique prêt à se sacrifier pour rester auprès de l’être aimé. Leur rencontre improbable donne lieu à une liaison chaotique et sulfureuse, totalement irrationnelle, aux effets dévastateurs. L’amour est exprimé à travers l’asservissement et la violence, la soumission et la perte de dignité. Inexorablement, la passion finit par avoir raison des amants.

L’expression « s’aimer à la folie » prend tout son sens dans le dernier Philippe Garrel, « Les frontières de l’aube », qui met en scène une idylle entre Laura Smet et Louis Garrel. Bien que réciproque et partagé, le sentiment amoureux ne provoque pas les mêmes réactions chez les deux amants. A l’apogée de la relation, la femme bascule dans la dépression, rongée par sa passion et ses incertitudes. L’homme, impuissant, devient alors simple spectateur d’une folie amoureuse dont il a su s’extirper à temps. Vécu par des personnalités fortes (Pénélope Cruz dans le film de Allen) ou au contraire fragiles (Laure Smet), l’amour affiche ainsi son pouvoir destructeur.

C’est sans compter que le danger vient parfois de l’extérieur. Dans le film « Delta », du Hongrois Kornél Mundruczo, un frère et une sœur apprennent à se connaître après de longues années de séparation. De cette nouvelle rencontre naît une relation ambiguë, que les habitants du village voient d’un mauvais œil. Pourtant les deux êtres sont comme des étrangers, innocents et sincères, que la fragilité et la solitude unissent envers et contre tous. Pour eux aussi, l’amour suscitera violence et destruction. Un regard sombre et pessimiste, d’autant plus tragique qu’il est aussi une façon de célébrer la beauté.

Sylvia Grandgirard

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01-01-1970

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