DOSSIER

CANNES 2008 – Semaine de la critique: Des courts métrages enchanteurs


Avant chacun des films de sa compétition, la Semaine internationale de la critique propose un court métrage, lui même en compétition pour une distinction. Revue des troupes 2008...

SCHIZIEN
Niveau +4

Un homme, allongé sur un divan, explique à son psy, que depuis qu'une météorite est tombée sur son immeuble, il vit... avec un décalage de 91cm ! Récit d'une folie calculatrice et obsesionnelle, « Schizien » fait preuve d'un bel humour, aussi absurde que touchant, que seul le dessin animé pouvait retranscrire. Le héros redessine son appartement avec les cm de décalage, pour pouvoir vivre normalement. Et la 3D (à l'exception des visages et des ciels, magnifiquement travaillés dans la simplicité) se prête à merveille à l'exercice. Un film grave et « décalé » à la fois, comme la folie.

ERGO
Niveau +4

Un petit bonhomme à la combinaison intégrale, capuche comprise, se déplace dans le vide sur un plan horizontal, chacun de ses pas créant une colonne de terre, jaillissant depuis une sorte de mer de sable, située bien en dessous, et émettant à chaque fois, la même note sonore... Difficile de décrire ce magnifique dessin animé en 3D, qui met en scène la rencontre de ce bonhomme, avec un autre, à la logique de déplacements (et musicale) différentes (il crée les colonnes avec ses mains, et elles restent en place). Plongé dans un joli ton sépia, ce conte musicale fait preuve d'une envoutante poésie.

NEXT FLOOR
Niveau +3

Choc. « Next floor » se concentre sur un groupe d'humains, marqués du sceau de la richesse (voir leur parures, bagues...), tous attablés à manger à grands bruits. Les serveurs amènent les plats, un à un... jusqu'à ce que le groupe atteigne le poids fatal, et traversent le plancher: « Next floor » crie alors le maître d'hôtel, entraînant avec lui l'ensemble des serveurs et sommeliers. Effrayante parabole sur la destruction du monde par les plus riches, inconscients et prêts à tout pour « se gaver », ce petit film extrêmement politique, jouit de beaux changements de rythmes et d'une direction artistique soignée, et d'effets sonores travaillés (déglutitions, mastications...), qui créent un univers délicieusement macabre. On se régale.

NOSE BLEED
Niveau +2

« Nosebleed », avec David Arquette, est un film qui secoue autant qu'il amuse. Alors qu'il est en train de manger de la viande, un homme se met à saigner du nez. Hormis la formidable inventivité du personnage, prêt à tout pour stopper le saignement (il utilisera notamment du papier toilette, de la glue ou du mastic, une balle de revolver...), ce huis clos fascine par son esthétique et son sens de l'absurde. Après cela, vous ne regarderez plus jamais vos sacs plastiques utilitaires de la même façon.

LA COPIE DE CORALIE
Niveau +2

Film français, « La copie de Coralie », se distingue par sa plongée progressive dans la comédie musicale. Histoire d'un reprographe installé par amour dans la ville de celle qu'il a aimé, mais jamais retrouvée, il s'agit d'une jolie fable sur l'aveuglement amoureux (ici la Joconde est plus belle en photocopie). Les quelques tentatives de communication ou contact entre des personnages aux élans réprimés sont amenées avec poésie. Notons enfin l'importance des coloris, les personnages principales étant, elle, tout de rose parée, et lui, faisant grise mine. Une séduisante peinture d'un renoncement qui ne peut durer éternellement.

A ESPERA
Niveau +1

Un vieil homme, dans un décors d'intérieur cosi, attend la mort. Ce court métrage frappe part sa direction artistique soignée et tout en symboles, à commencer par la présence dans quasiment tous les plans de peaux aux murs, ou d'animaux empaillés, presque à l'image du personnage lui-même, enfermé dans son quotidien muséifié. Lent, répétitif, ce récit de l'ennui réussit à déranger, lorsque par exemple l'homme lustre son propre cercueil ou avec sa scène de fin. Le son, fait de grillons et bruits de frigo, a également une importance fondamentale dans la création d'une ambiance singulière qui vire au malsain.

I HEAR YOUR SCREAM
Niveau -1

Plan fixe à contre jour, sur un homme assis sur une chaise, devant une maison. Dans la pénombre, on suit la sonorité de la scène: lamentations, puis chants lors de la sortie du cercueil en procession. Lenteur assumée, minimalisme, il y a là tout du film d'auteur extrémiste... ou du fainéant sans grande idée de mise en scène.

Hors compétition: moyen métrage

LES PARADIS PERDUS
Niveau +2

Une jeune fille fuit, dans un Paris animé par les sirènes d'un Mai 68 tourmenté. A son arrivée, sa mère et son père décident de l'emmener de force à la campagne. Entre les cinq première minutes du film, caméra furtive, image sombre, et la suite, dans une campagne lumineuse, calme, le contraste est fort. Le décalage se transmet alors au niveau des dialogues, chaotiques et enflammés, entre une fille effervescente et une mère sourde à sa jeunesse. La révolte fait peur. Posé, le film bascule vers la fin de par une surprenante révélation, qui permet intelligemment de poser la question de la décence et de la rébellion face à une société qui n'accepte pas les marges ni l'évolution des moeurs. Surprenant.

Olivier Bachelard

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