DOSSIER

CANNES 2008 - Semaine de la critique: place aux jeunes


Depuis l'automne 2007, abusdecine.com, site lyonnais du cinéma et le lycée St Exupéry de Lyon – Croix Rousse, ont signé une convention pédagogique concernant les élèves de l'option cinéma. Ainsi, les critiques de ceux-ci sont publiées par le site internet, ce qui fut logiquement le cas durant le dernier Festival de Cannes, alors qu'une équipe de quatre élèves intégra le jury de la Toute jeune critique, regroupant quatre lycées français et quatre lycées allemands.

Dans la section parallèle dénommée Semaine internationale de la critique, ils eurent ainsi à visionner les sept films en compétition, première ou seconde oeuvres de réalisateurs souvent prometteurs, et à remettre un prix, décerné cette année à celui qui était également notre favori: l'argentin « La sangre brota ». Cette violente et stylisée histoire, dans laquelle une famille confrontée à la faillite économique, se déchire, a frappé durablement les esprits par son chaos progressif, savamment orchestré, et par son interprétation sans faille.

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Côté surprises, « L'étranger en moi », film allemand, dans lequel une femme rejette son enfant et tente de se reconstruire a été plébiscité par les jeunes femmes. Le film fait preuve d'une facture esthétique cohérente et d'une construction pas si linéaire qui crée une certaine angoisse. Pour les quarantenaires au couple en crise, c'est plus « Moscou, Belgique » (doublement primé) qui a retenu l'attention. Comédie irrévérencieuse, ce récit du quotidien d'une mère fatiguée, ballotée entre un mari volage et un camionneur amoureux et spontané, séduit par un ton désenchanté dopé par une magie certaine. Enfin, le français « Les grandes personnes » a lui aussi touché par sa liberté de ton et sa fraîcheur. Ce portrait d'un père solitaire et de sa fille, embarqués pour des vacances suédoises prévues pour être détendues, doit beaucoup à Darroussin, qui excelle en égocentrique, professeur sur les bords, virant au pénible organisateur.

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Côté déceptions, l'anglais « Better things » peine à toucher malgré un sujet propre à la compassion: la solitude. Traitant de trois destins parallèles, son approche esthétique glacée et photographique va à l'encontre du propos. De même, l'hystérique caméra à l'épaule du russe « Ils mourront tous, sauf moi » dessert ce conte d'une jeunesse sauvage et trop pressée, qui lorgne du côté de « Kids » de Larry Clark, sans en atteindre les fulgurances. Enfin, « Snow », pourtant primé cette année, souffre d'une évidente absence de tension, pourtant promise par son sujet même. On a du coup bien du mal à s'émouvoir du destin de ces femmes d'un village bosniaque, en mal du deuil des hommes disparus, qui doivent se décider à vendre leurs terres et faire face à un ennemi reconverti.

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Pour finir, malgré la grosse déception que représenta « Desierto Adentro », pénible fresque du réalisateur du pourtant excellent « La zona », la semaine de la critique présenta également quelques perles. Ce fut le cas des « Sept jours » (sortie le 02 juillet), film choral israélien, bavard, grave et drôle, à l'image de la famille qu'il dépeint, et qui, en plein deuil, voit ressurgir ses démons quotidiens: argent et désamour. Les règlements de comptes les plus vils y côtoient des questions religieuses et intimes, dans une oeuvre résolument moderne. Enfin, rayon de soleil de cette quinzaine, le loufoque et poétique « Rumba » (10 septembre) des belges Abel, Gordon et Romy (« L'iceberg ») a permis à ses auteurs de se moquer intelligemment de tout, même du handicap, physique comme mental. Un vrai régal d'humour graphique, de générosité et d'espoir affiché, qu'il est bon de retenir en ces temps moroses, où les festivals alignent les visions déprimantes. Vivement l'année prochaine.

Olivier Bachelard

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