Loin des préoccupations maternelles, les héros cannois se sont distingués par leur goût pour la lutte, souvent armée, au nom d'un idéal ou d'un pays. Ouvrant la section Un certain regard, et récompensé au final de la Caméra d'Or (meilleur premier film), l'anglais Steve McQueen nous a livré un portrait aussi percutant que déroutant d'un activiste de l'IRA voué à mourir de faim: Bobby Sands. Prisonnier au quotidien peu ragoûtant, meneur dans la grève de l'hygiène et des couvertures, ce dernier devient progressivement le sujet central du film « Hunger » (19 novembre). Une oeuvre éprouvante dans ses scènes chocs et sanglantes, comme dans un merveilleux plan fixe de près de 20 mn, opposant verbalement un prêtre au meneur, dans une tension à son paroxysme.
Du coup, le « Ché » de Soderbergh (octobre et novembre) paraissait presque palot. Très engagé et orateur hors paire, Ernesto Guevara, figure emblématique d'un communisme généreux, trouve en Benicio Del Toro (prix d'interprétation) un interprète à sa mesure. Tout en puissance, l'acteur excelle dans une première partie un peu bancale, du fait d'un mauvais équilibre en révolution cubaine et flashs-forward de quelques années, explicitant au travers d'interviews, sa philosophie et sa tactique imparable. Mais c'est dans la seconde, brillant requiem, où il est plus en retrait, qu'il convainc définitivement par sa prestation sobre et presque animale, de bête traquée.
Loin de cette icône, les enfants guerriers du Liberia décrits dans « Johnny Mad Dog » (05 novembre), conditionnés au racisme et au sacrifice pour une nation dont ils ne savent rien, apparaissent comme bien moins légitimes. Fougueuse, la caméra de Jean Stéphane Sauvaire ajoute au chaos ambiant, déjà bien personnifié par les gamins, dont les cris et l'agitation agace autant qu'elle impressionne. Récit de l'amorce d'une pacification d'un pays qui se cherche encore, le film divise, forcément, parce que comme les hommes, fiers, il ne fait pas de concessions.
Olivier Bachelard
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