Du côté des histoires dites « linéaires », il se dégage nettement deux tendances : des films qui permettent d’immerger le spectateur, en lui donnant seulement la possibilité de bouger à minima, et les films où le choix du point de vue, plus vaste, lui permet de percevoir l’action d’une toute autre manière. Entre une percutante poursuite en moto, une balade nocturne dans les rues d’un camp où la prostitution fait rage, une plongée en sous-marin et l’immersion dans des cas signalés à la police, c’est clairement cette deuxième veine qui fait mouche.
Des histoires plus dirigistes :
« Mule » (3 étoiles)
de Guy Shelmerdine (Hors compétition)
Le réveil d’un homme ayant fait un malaise, passant d’une chambre de motel avec prostituée, à l’ambulance, l’hôpital, puis la morgue et l’enterrement. Assez inquiétant, un film postant le spectateur dans la même situation de paralysie, puisqu’il ne peut que bouger la tête. En bonus, quelques surprises en lien avec le titre du court métrage.
« The dream collector » (3 étoiles)
(Shi Meng Lao Ren)
de Mi Li
Cette jolie histoire que l’on nous propose de suivre en plusieurs chapitres, s’adresse plutôt à un jeune public. Découpée en plusieurs tableaux, on y suit un homme et son chien, recueillant différents objets, dans leur atelier, avec une belle vision des saisons qui passent, jusqu’à la surprise finale. Un film joliment poétique.
« Chromatica » (2 étoiles)
de Flavio Costa (Hors compétition)
Fiction italienne, « Chromatica » est une jolie bluette romantique, mettant en scène un voisin et une voisine qui se rapprochent. A partir d’une idée simple (les couleurs apparaissent lorsque le garçon joue du piano), le film est porteur de joie et de tristesse et utilise parfaitement la variété des profondeurs de champs.
« My name is Peter Stillman » (2 étoiles)
de Lysander Ashton
Une expérience quasi statique pour le spectateur, mais étrangement captivante. Mis à la place d’un homme (le héros du titre), assis à une table, face à une fenêtre, celui-ci voit le reflet du visage bouger avec ses propres mouvements. Et alors que le décors devient noir et blanc, c’est à une immersion flippante dans l’esprit torturé de cet homme que l’on nous convie.
« The Argos files » (2 étoiles)
de Josema Roig
Enquête via une immersion dans les souvenirs des morts façon Minority Report, « The Argos files » met le spectateur dans la position d’un agent infiltré. Offrant ainsi à terme de multiples possibilités pour d’autres histoires, cette première expérience nous plonge dans une fête underground, nous fait vivre une bagarre, descendre un toboggan, et nous extrait des lieux lorsque cela devient vraiment dangereux. Un film prometteur, qui mériterait cependant que le spectateur soit placé en position debout et non assise.
« Alteration » (2 étoiles)
de Jerôme Blanquet (Hors compétition)
Fiction dans lequel vous êtes un sujet d’expérience, plongeant dans une piscine avant d’être propulsé dans des souvenirs qui se brouillent peu à peu. L’effet de relief est saisissant et le trouble entre réalité et fiction rendu par des déformations de l’image à la progression maîtrisée.
« Proxima » (1 étoile)
de Mathieu Pradat
Une série de vues que l’on suit avec sagesse, depuis un homme dans une baignoire, qui suit une lumière flottante dans un couloir, jusqu’à une femme géante qui éteint celle-ci. Décevant.
Des découvertes liées aux points de vue :
« Dispatch » (4 étoiles)
de Edward Robles
Certainement l’une des mises en situation les plus éprouvantes que Venise VR nous ai proposé cette année, les 2 épisodes de « Dispatch » se composent chacun d’une action suivant un appel au 911, le spectateur se retrouvant plongé dans l’action (intrusion, intervention policière, agression…). Immersifs et profondément perturbants, ces films permettent de garder une salvatrice distance avec une représentation réaliste, grâce à un très réussi graphisme déstructuré où les décors sont faits de traits blancs, et les personnages de traits et nœuds bleus ou rouges, selon s’il s’agit de la victime ou de l’agresseur. Très prenant.
« Arden’s wake » (4 étoiles)
de Eugene YK Chung
Lion d’or du meilleur film en VR
Les 16 premières minutes d’un film d’animation qui s’annonce grandiose, avec un positionnement du spectateur au dessus ou en dessous de la surface de l’eau. On y suit l’histoire d’un père et de sa fille, dans leur maison en bois, située à la surface, après une introduction présentant la noyade de la mère, et jusqu’à une plongée en scaphandrier du père, tournant au drame. L’observateur profite d’une profondeur de champs assez incroyable, lui permettant notamment d’observer un chanteur venu en bateau, au travers des diverses fenêtres de la maison. Quant à la descente finale en sous-marin miniature, elle permet de découvrir, dans une obscurité grandissante, quelques créatures magnifiques ou inquiétantes (une raie, une tortue, un dragon…).
« Melita » (3 étoiles)
de Nicolás Alcalá
Un film qui offre à la fois de superbes paysages arctiques, des structures improbables (un pylône impressionnant, une station d’observation…) et une histoire futuriste de recherche scientifique et de lancement de fusée. Impressionnant par la diversité des situations dans laquelle est mis le spectateur (haut du pylône, câble suspendu, pirogue sur l’eau…), mais qui manque d’interraction.
« Gomorra VR – We own the streets » (3 étoiles)
de Enrico Rosati
Adaptation du film de Matteo Garonne, ce film propose de se retrouver au milieu de l’action, notamment en choisissant son point de vue lors d’une course poursuite sur un toit, soit en suivant les fuyards à la manière d’un travelling avant, ou au contraire en regardant en face les poursuivants, à la manière d’un travelling arrière. Un film qui offre quelques vues spectaculaires d’un quartier délabré et d’un entrepôt présenté comme un labyrinthe.
« Heal tomorrow » (2 étoiles)
de Romain Chassaing (Hors compétition)
Un amusant vidéo clip des Naive New Beaters, permettant au chanteur Esteban et à Izia (Higelin) d’évoluer à 360 degrés sans qu’on en perde une miette, le spectateur pouvant découvrir principalement 3 scènes différentes (la scène, les coulisses, un bar…) ou le ver les yeux aux ciels pour voir les membres du groupe, version géante, regarder à l’intérieur de cette sorte de cabaret. Rythmé et décalé dans le surjeu de la mégalomanie d’Izia.
« Bloodless » (2 étoiles)
de Gina Kim (South Korea, USA)
Prix de la meilleur histoire (linéaire)
A la limite du documentaire fictionnalisé, « Bloodless » propose une balade nocturne anxiogène dans les rues d’un camp de réfugiés asiatiques, dénonçant les exactions impunies des soldats US. Positionnant le spectateur aux côtés d’une prostituées dont on ne voit jamais le corps, le film joue intelligemment avec le son (bruits de pas, bouteille cassée…) et permet à celui-ci, dans son inquiétude, de choisir ses points de vue, que ce soit dans la rue ou dans la chambre lugubre où se termine l’histoire.
Olivier Bachelard
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