Quelques semaines après la fin de cette soixante-dixième édition du Festival de Cannes, il était temps de revenir sur sa sélection Un Certain Regard. Marquée par de nombreux rôles de femmes fortes et un engagement politique prégnant, elle a surtout été l’occasion de livrer différents points de vue sur la jeunesse, qu’elle soit heureuse ou sacrifiée, riche ou pauvre. Fascinant depuis toujours les cinéastes, cet âge transitoire et ces parcours initiatiques ont été particulièrement mis à l’honneur en cette année 2017. Pour preuve, la Caméra d’or au long métrage portant le titre explicite, "Jeune femme".
La jeunesse comme cristallisation des enjeux politiques
Si la naïveté et la légèreté de la jeunesse ont inspiré certains réalisateurs, d’autres ont décidé de la traiter comme d’un levier pour évoquer les inégalités sociales et les dérives de certaines sociétés. C’est ainsi que dans le film choc "La Belle et la meute", Mariam se retrouve seule face à l’injustice révoltante, celle d’une jeune fille violée traitée comme coupable dans un univers machiste où une femme en robe ne mérite pas d’être aidée. Poignant et insoutenable, le drame esquisse une Tunisie en perdition, dont le Printemps Arabe n’a permis la purge des policiers corrompus et d’un système archaïque. Pour son premier passage derrière la caméra, Karim Moussaoui ("En attendant les hirondelles") a décidé de traiter du pays voisin, l’Algérie, avec une œuvre chorale où les rêves impossibles de la jeunesse sont incarnés par le destin de la belle Aïcha. Dans "Directions", la voix de la jeunesse ne cesse de retentir dans les radios de ces taxis qui parcourent une Bulgarie désespérée où il faut multiplier les petits boulots pour espérer survivre.
La jeunesse difficile
Si elle peut servir à décrier les maux de nos sociétés, la jeunesse a également été utilisée pour décortiquer la cellule familiale. C’est notamment le cas dans "Une vie à l’étroit", dont le titre résume parfaitement la pensée de Ilana, étouffée par une mère qui ne sembler aimer que son frère. Le portrait de cette adulescente incapable de s’épanouir dans une petite ville du Sud de la Russie est aussi poignant que saisissant, dessinant magnifiquement bien les tourments d’une jeune femme rejetée, prête à tout pour aider son frère. Dans "Las Hijas de Abril", c’est une relation mère-fille qui se retrouve autopsiée par le regard aiguisé de Michel Franco. Alors que Clara attend un enfant à 17 ans, l’arrivée de sa propre mère va bousculer son quotidien, une relation perverse s’installant entre elles.
La jeunesse inclassable
Néanmoins, certains réalisateurs ont décidé de renouer avec l’insouciance de la jeunesse pour nous offrir de purs moments de comédie. C’est évidemment le cas de Léonor Séraille qui, pour son premier métrage, offre un rôle en or à Laetitia Dosch. Cette dernière incarne Paula, une "Jeune femme" désinvolte, passionnée, loufoque, épicurienne. Ses pérégrinations et ses péripéties déjantées font souffler un vent nouveau sur les comédies hexagonales, une sorte de mélange entre Lena Dunham et Amy Schumer. "La Fiancée du désert" traite de la journée difficile d’une quinquagénaire. Pourtant, il s’agit bien d’un portrait juvénile, car après avoir travaillé toute sa vie au service d’une famille, Teresa va trouver dans le désert une seconde jeunesse, l’occasion de s’amuser et de s’emmouracher comme elle n’avait jamais pu le faire à 20 ans. Quand à "L’Atelier" de Laurent Cantet, le film est aussi bien un récit d’apprentissage qu’une photographie de notre jeunesse d’aujourd’hui, dans toute l’étendue que cela implique. Capturant les craintes d’adolescents dans une époque particulièrement délicate (montée des extrémismes politiques, menace terroriste) tout comme leurs espoirs, cette fiction flirtant avec le documentaire dégage une grâce poétique et signe un cri d’alerte pour notre jeunesse sans jamais la juger.
Christophe Brangé
Cinémas lyonnais
Cinémas du Rhône
Festivals lyonnais