En plein EURO, tout n’était pas question de ballon rond sur la « plus belle avenue du monde », la capitale ayant également vécu au rythme du cinéma indépendant. Pour sa cinquième édition, le Champs-Élysées Film Festival avait décidé de célébrer ses noces de bois avec Alexandre Aja et Nicole Garcia en maîtres de cérémonie, en invitant également pour la première fois un jury composé de jeunes talents français (Félix Moati, la fraîchement césarisée Zita Hanrot, Vincent Rottiers, Sophie Letourneur et Déborah François), accompagnés du romancier Philippe Jaenada. Avec Abel Ferrara et Mia Hansen-Løve mis à l’honneur, et une compétition riche en surprises et films forts, l’événement se referme après une semaine des plus animées.
La compétition
Grand Gagnant de l’édition, avec une Mention spéciale du Jury et le Prix du public, "From Nowhere" n’a pas volé ces distinctions tant le film impressionne par sa sobriété et la puissance de son scénario. Chronique adolescente sur trois jeunes sans papiers à la fin de leur lycée, le métrage nous plonge dans la triste réalité du droit d’asile aux États-Unis où l’on est jugé sur son passé tragique plus que sur le présent et son comportement. Acerbe et juste, le réalisateur Matthew Newton nous a offert la claque de ce festival. Néanmoins, cela n’a pas suffit pour le sans-faute, puisque le Prix du Jury est revenu à "Weiner" de Josh Kriegman et Elyse Steinberg, un documentaire passionnant sur un homme politique plus connu pour ses frasques sexuelles que ses idées politiques. Autopsie du système américain, cette saga politique est à la fois le portrait d’un homme et d’un pays perdu dans des contradictions qui l'empêchent d'affronter les maux qui le tourmentent.
Coup de cœur de beaucoup de festivaliers, "Kate Plays Christine" de Robert Greene nous invitait à pénétrer une œuvre hybride où la réalité du documentaire se mêlait aux artifices du cinéma. Le film revenait avec rythme sur la mort en direct d’une journaliste sur une petite chaîne locale, manière pour le cinéaste de réfléchir à la perception de ce genre d’événements, aussi bien d’un point de vue médiatique que sociétal. Jeff Feuerzeig nous a, quant à lui, fait découvrir l’atypique JT Leroy, muse et amie du milieu underground des années 90 avec "Author: The JT LeRoy Story". Si "Morris From America" de Chad Hartigan avait opté pour le prisme de la comédie afin de nous relater le choc des cultures, "White Girl" d’Elizabeth Wood évoquait aussi un déménagement. Mais dans ce deuxième, la jeune fille du titre ne part pas en Allemagne, mais simplement à New-York, où elle plongera progressivement dans l’enfer de la drogue. Film coup de poing, et porté par un casting impressionnant, "White Girl" fut l’un des grands moments de cette édition.
Si la chronique mafieuse et violente de Daniel Grove, "The Loner", remplit le cahier des charges, la seule déception de cette compétition est venue finalement du film le plus attendu, le loufoque "The Alchemist Cookbook" de Joel Potrykus. Conceptuel et fantaisiste, l’histoire de ce jeune garçon se rêvant alchimiste se perd dans des digressions métaphysiques et une présence trop forte du surnaturel. Dommage, mais heureusement les nombreuses avant-premières nous ont vite remonté le moral.
Les Avant-premières
Dès le premier jour, les festivaliers étaient ravis de pouvoir découvrir le très attendu nouveau film du déjà très réputé Jeff Nichols, "Loving". Soit la peinture sans concession de l’Amérique ségrégationniste des années 50 vue au travers de l’amour interdit d’un homme blanc (excellent Joel Edgerton) et d’une femme noire (excellente Ruth Negga). Forcément déchirant. Également poignant et également passé par Cannes, "La Danseuse", premier film de Stéphanie Di Giusto, nous invitait à revivre le destin tragique de la danseuse Loïe Fuller. L’épopée de Jesse Owens aux Jeux Olympiques de 1936 était quant à elle retranscrite par Stephen Hopkins dans "La couleur de la victoire (Race)". Si le métrage rend un bel hommage au sportif, son aspect académique et son scénario sans surprise atténuent quelque peu le propos.
Après "La Bataille de Solférino", Justine Triet a confirmé tout le bien qu’on pensait d’elle avec "Victoria", un portrait saisissant d’une femme un peu perdue. Virginie Efira rayonne et impressionne dans le rôle de cette avocate incapable de gérer ses relations amoureuses. Le très rare Whit Stillman nous a invité à la Cour anglaise de la fin du XVIIIème siècle, sur fond de manipulation et de séduction. Si la reconstitution est magnifique, le scénario de "Love & Friendship", adapté de Jane Austen, s’avère moins perverse que prévu, bien qu’efficace. Après la Quinzaine des Réalisateurs, le "Tour de France" de Rachid Djaïdani se poursuit avec toujours autant de succès, et de rires à la clé. Dire que "The Witch" de Robert Eggers était attendu après son triomphe à Sundance est presque un euphémisme. Et le résultat est largement à la hauteur de nos espérances, car plus qu’un film d’horreur, cette pépite indé développe une atmosphère glaçante sur un scénario extrêmement intelligent.
Pascal Bonitzer nous transporte lui dans l’univers impitoyable de la finance avec "Tout de suite maintenant". Si le cinéaste n’évite pas certains écueils scénaristiques et des situations un brin caricaturales, il a le mérite de filmer comme personne sa fille Agathe. Et après les projections de "Layla in the Sky" de Micah Magee, "Tourner pour vivre" de Philippe Azoulay et "Soy Nero" de Rafi Pitts, cette cinquième édition du Champs Élysées Film Festival s’est refermée avec Guillaume Canet et Charlotte Le Bon. Car pour son premier film, Marie Madinier, a proposé aux deux comédiens un drôle de projet, une sorte de conte moderne mêlant fantastique et romantisme à la manière d’un Michel Gondry. Si la jeune cinéaste n’a pas le même talent que ses aînées, "Le Secret des banquises" a eu le mérite de clore cette édition d’une belle manière.
Christophe Brangé
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