Autre thématique prégnante cette année, le totalitarisme, oppressant l'individu. Qu'il s'agisse d'une dictature d'entreprise, militaire ou d'État, de période passées, contemporaines ou futures, les films ont porté des regards stylisés sur leur violence sournoise ou exprimées dans le sang.
Deux films d'anticipation ont développé cette thématique. D'abord le très original film indien "Island city", présentant une société faussement soucieuse du bonheur de ses employés, et leur offrant une journée de joie forcée, comme carotte face à un boulot abrutissant. Dictature du bonheur à tout prix et la consommation reine, le film fait mouche autant qu'il surprend. Beaucoup moins original "Equals" invente un monde où il est interdit de ressentir la moindre émotion appréhendée par les autorités comme aussi dangereuse qu'une maladie. Mangeant à tous les râteliers, le film lorgne du côté de « Pleasantville », « The Island », ou encore « Bienvenue à Gattaca ».
Parmi les films historiques, "Beasts of no nation" raconte avec violence l'endoctrinement des enfants africains pour en faire de véritables machines de guerre. Si le sujet n'est pas nouveau, le traitement est réaliste et le casting remarquable. Autre film tourné vers l'histoire passée, "El clan" de Pablo Trapero contait avec cynisme les enlèvements, séquestrations et assassinats perpétrés par une famille argentine, et soudain confrontée à la fin de la dictature et donc du système qui les protégeait. Enfin, "Francofonia" de Sokourov abordait les arrangements de la dictature nazie avec l'art, ou comment les relations partiellement complices entre deux dignitaires de chaque bord permirent la protection du patrimoine du Louvre. Une œuvre intéressante mais laborieuse, souffrant de reconstitutions poussives.
Tourné vers un monde plus contemporain, "A peine j'ouvre les yeux" raconte la Tunisie d'avant la révolution arabe, au travers de la surveillance et le harcèlement dont fait l'objet une jeune fille libérée, adepte de musique moderne et d'expression libre. Un beau portrait plein d'illusions. "Interrogation" raconte le quotidien d'une minorité qui se trouve persécutée car considérée comme immigrée dans une province d'Inde. Visant certes avec acuité la toute puissance de la police et des hommes d'argent, le film fait preuve d'une certaine complaisance vis à vis de la violence qu'il montre de manière inutilement frontale.
Terminant par deux œuvres de fictions qui tentent chacune une approche différente de la dictature. Oeuvres de fiction, "The childhood of a leader" et "Interruption" imaginent chacune à leur manière la naissance d'un mouvement fascisant. Le premier s'attache à ce qui peut faire qu'un garçon devient un esprit totalitaire, filmant les détails de son enfance et ses élans caractériels. Si la démonstration est peu convaincante, le mélange des genres que propose le film, à la limite du film d'horreur, est une vraie proposition de cinéma. Le second est certes beaucoup plus systématique, mais avec l'irruption d'un groupe armé qui prend le contrôle d'une pièce de théâtre, c'est surtout à la capacité de contrôle des foules qu'il s'intéresse, sans pour autant non plus sembler aller au bout de son propos.
Olivier Bachelard
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