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cannes 2016 - Le palmares de la redaction


Un palmarès à côté de la palme ! L’équipe d’Abus de Ciné qui a pu voir l’ensemble des films de la sélection officielle en compétition pour le prix suprême a comme un goût amer dans la bouche… et cela n’a rien à voir avec un mojito mal dosé siroté sur la terrasse du Grand Hôtel de la Croisette, non, cette année le jury a décerné un palmarès convenu sans aucune prise de risque ou d’originalité. Tous les habitués ou presque des prix cannois sont montés sur scène récupérer leur nouvelle distinction : nouvelle palme pour Ken Loach, Grand prix pour Xavier Dolan après son Prix du jury, nouveau Prix du jury pour Andrea Arnold, Prix de la mise en scène pour Cristian Mungiu après sa Palme. Même les prix d’interprétation sont si étonnants qu’ils semblent davantage récompenser le réalisateur : Brillante Mendoza (Prix de la mise en scène en 2009) et Asghar Farhadi (Prix du jury oecuménique en 2013). Mais peut-être le problème vient-il d’ailleurs. La sélection de la compétition ne devrait-elle pas offrir plus de places à des cinéastes inconnus ou des talents en herbe afin que Cannes soutienne aussi un certain renouveau du cinéma. Cette année, seuls le Brésilien Kleber Mendonça Filho et l’Allemande Maren Ade ont fait figure de nouveaux visages sur les marches du Palais - ce qui est bien maigre - et ont brillé par leur absence au Palmarès officiel…

Retrouvez le TOP 10 des meilleurs films de la compétition puis le palmarès de la rédaction :

TOP 10 d’Abus de Ciné :

10e // JULIETA, de Pedro Almodovar
Un de ces films magnifiques et bouleversants dont Pedro Almodóvar a le secret. Portrait croisé de plusieurs femmes, "Julieta" est un drame assumé et incandescent où les sentiments et la vie trouvent un écho en d'infinis regrets, autant qu'une incapacité à communiquer entre proches. […] Il retrouve avec ce grand drame la veine de ses plus grands films, tels "Etreintes brisées" ou "Tout sur ma mère" et offre à Emma Suarez l'un de ses meilleurs rôles depuis longtemps.
>>> La critique complète d’Olivier Bachelard :



9e // AMERICAN HONEY, de Andrea Arnold
La réalisatrice se plait à superposer deux idées pendant tout son film : d’une part un désir de liberté qui sonne chez l’héroïne comme un moyen de quitter l’adolescence, d’autre part une perte d’innocence qui rejoint en définitive le tableau d’une fuite en avant dans la délinquance. Cela dit, elle fait néanmoins davantage d’étincelles lorsqu’elle se focalise sur l’histoire d’amour toxique entre l’héroïne et le meilleur vendeur de la bande, ainsi que sur la vénéneuse patronne de l’équipe. Entre passion de l’inconnu et soumission aux règles du groupe, le film effectue un remarquable mouvement de balancier, le tout sous l’effet d’une mise en scène crue et énergique en caméra portée qui rappelle avec bonheur les premiers films de Larry Clark.
>>> La critique complète de Guillaume Gas :

6e ex-aequo // AQUARIUS, de Kleber Mendonça Filho
Clara, la soixantaine, ancienne critique musicale, est née dans un milieu bourgeois de Recife, au Brésil. Elle vit dans un immeuble singulier, l'Aquarius construit dans les années 40, sur la très huppée Avenida Boa Viagem qui longe l’océan. Un important promoteur a racheté tous les appartements mais elle, se refuse à vendre le sien. Elle va rentrer en guerre froide avec la société immobilière qui la harcèle. Très perturbée par cette tension, elle repense à sa vie, son passé, ceux qu’elle aime…



6e ex-aequo // LE CLIENT, de Asghar Farhadi
Contraints de quitter leur appartement du centre de Téhéran en raison d'importants travaux menaçant leur immeuble, Emad et Rana emménagent dans un nouveau logement. Un incident en rapport avec l’ancienne locataire va bouleverser la vie du jeune couple…



6e ex-aequo // ELLE, de Paul Verhoeven
"Elle" se révèle être un thriller particulièrement drôle, usant de multiples sous-intrigues qui mettent à mal le cocon familial bourgeois en grattant là où ça fait mal. À ce titre, les remarques sarcastiques quasi incessantes d’Isabelle Huppert (sur à peu près tout le monde, surtout sa cougar de mère !) et la scène de l’hôpital autour de l’accouchement de sa belle-fille valent leur pesant de rires grinçants. Que ce soit pour titiller les liaisons dangereuses entre sexe et religion ou pour révéler l’hypocrisie d’un environnement parisien égoïste où les coucheries sont aussi récurrentes que les sourires de façade, on sent Verhoeven s’amuser comme un petit fou à pousser le bouchon du vice aussi loin que possible. En cela, il se cale du même coup sur le tempérament déviant de sa protagoniste, laquelle utilise le viol dont elle a été victime dans une quête de libération intérieure et d’insoumission aux normes. Cela vous choque ? Normal, c’est fait pour…
>>> La critique complète de Guillaume Gas :



5e // PATERSON, de Jim Jarmusch
Résumer l’histoire de "Paterson" est bien délicate, car justement il n’y en a pas. Ou plus précisément, il y en a une infinité. Parce que "Paterson" est un instantané de la vie d’un couple, avec tout ce que cela implique. Mais ici, pas question de multiplier les rebondissements ou les artifices scénaristiques, la caméra nous plonge dans un quotidien banal, un rituel incessant de réveils, de trajets, de conversations. Jim Jarmusch s’attache alors à capturer la beauté des poncifs de l’existence, ces petits moments qui parsèment notre chemin sans que plus personne n’y prête vraiment attention. L’amitié, la communauté, l’amour, le travail… Le réalisateur les magnifie en s’attachant justement à les décrire le plus fidèlement possible, enrobant tous ces évènements courants de la douceur des friandises de notre enfance.
>>> La critique complète de Christophe Brangé :



4e // BACCALAUREAT, de Cristian Mungiu
L’histoire est celle d’un homme, bon père de famille, qui va se battre pour le bien de son enfant en prenant une voie qu’il n’a pas l’habitude d’emprunter et qu’il n’a surtout pas l’habitude de montrer à sa fille. Mais qu’est-ce que le bien ? Qu’est-ce qui est mal ? Le mal ne peut-il être parfois une voie pour accéder au bien ? Doit-on enfreindre les règles pour permettre à son enfant d’avoir le meilleur ou, au contraire, doit-on lui inculquer la droiture, le respect et l’honnêteté, sans compromis, quitte à mettre son avenir en péril ? Cristian Mungiu met son personnage principal dans un dilemme et un cas de conscience forts. Le réalisateur roumain interroge le spectateur sur la manière dont nous élevons nos enfants et sur les valeurs que nous leur inculquons. L’éducation et la transmission sont ainsi au cœur de ce grand film. Mungiu y décrit aussi la corruptibilité de notre monde, où les forts utilisent la faiblesse du système et des institutions. Une œuvre en forme de délitement, superbement écrite, qui mérite les félicitations du jury !
>>> La critique complète de Mathieu Payan :



3e // TONI ERDMANN, de Maren Ade
Magnifiquement écrit, "Toni Erdmann" fait preuve d’une justesse de ton, simple et sans emphase qui séduit dès les premières minutes. Sans temps morts, ni faux pas, le film prend le temps qu’il faut pour développer son propos et sa durée de 2h42 est parfaitement justifiée. Une réussite incarnée magistralement par ses deux acteurs quasi inconnus de notre côté du Rhin, mais plus pour longtemps assurément, tant le film marque les esprits. Un chef-d’œuvre largement salué par la critique et le public lors de sa présentation au Festival de Cannes.
>>> La critique complète de Gaëlle Bouché :



2e // MADEMOISELLE, de Park-Chan Wook
La virtuosité gigogne de Park Chan-wook a beau nous cramer la rétine à chaque raccord de plan, elle est surtout au service d’un redoutable échiquier en trois phases de jeu, dont toutes les pièces sont enduites d’un délicieux venin. Très habile en soi, cette construction narrative à la "Rashomon" superpose ainsi trois points de vue différents pour traduire le degré de mensonge et de dissimulation qui entoure cette intrigue. Et bien entendu, comme nous sommes au cœur d’une manipulation par les sentiments, cela implique que l’amour est ici un leurre terrible et que le dialogue est aussi tranchant qu’un poignard. Dans sa sensualité dévorante, dans son esthétique inouïe, dans ses chausse-trappes narratives et dans son ironie violente sur la puissance de la femme face à l’insignifiance de l’homme (très féministe, le Park…), même le "Bound" des Wachowski n’atteignait pas un tel brio.
>>> La critique complète de Guillaume Gas :



1er // THE NEON DEMON, de Nicolas Winding Refn
"The Neon Demon" est une incroyable plongée gothique au cœur des méandres de l’univers du mannequinat. Sophistiqué et éblouissant, ce thriller au formalisme esthétisant permet à son auteur de poursuivre son exploration de l’image comme refuge de ses obsessions. Le métrage se veut alors une déambulation envoûtante au sein d’une imagerie rutilante où le spectateur comme les protagonistes flottent sur les airs électro de Cliff Martinez. Alors qu’on craignait de devoir subir un film publicitaire, froid et sans âme, le réalisateur use de ces codes pour transcender son propos et offrir un voyage étonnant où l’on croise aussi bien des faces patibulaires que des mannequins interchangeables.
La critique complète de Christophe Brangé :

PALMARES d’Abus de Ciné :

Notre Palme d’or :
THE NEON DEMON, de Nicolas Winding Refn

Nos Grand Prix et Prix de la mise en scène :
MADEMOISELLE, de Park-Chan Wook

Notre Prix du jury :
TONI ERDMAN, de Maren Ade

Notre Prix du scénario :
BACCALAUREAT, de Cristian Mungiu

Notre Prix d’interprétation masculine :
Dave Johns dans MOI, DANIEL BLAKE

Notre Prix d’interprétation féminine :
Sonia Braga dans AQUARIUS

Notre Palme du navet :
THE LAST FACE, de Sean Penn

Mathieu Payan

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