Les frères Coen, Joel et Ethan, ont réalisé plus de 15 films ensemble depuis les années 80. Ils se sont rapidement imposés comme des visionnaires dans le monde du cinéma. Ils combinent avec brio l’humour noir, l’ironie, la violence et le mélodramatique. Au fil des années, ils ont prouvé qu’ils n’avaient pas peur de s’essayer à tous les genres : western, films noirs, comédie, thriller…
Les deux frères touchent à tout et veillent, à chaque fois, à laisser leur empreinte toute particulière et reconnaissable entre toutes. Leurs films mettent très souvent à l’honneur les classiques américains - surtout à travers leurs films noirs - mais conservent toujours une touche d’originalité et de modernité.
À l’occasion de la sortie de leur dernier long métrage "Ave, César !", Abus de Ciné revient sur le parcours de ces deux génies de la narration cinématographique.
L’amour du cinéma dès le plus jeune âge
Originaires du Minnesota, Joel et Ethan Coen ont toujours manifesté une fascination particulière pour le cinéma. Alors qu’ils n’étaient encore que des enfants, les deux frères ont fait des économies sur leur argent de poche afin de pouvoir s’acheter une caméra Vivitar Super 8 et ainsi recréer les films qu’ils avaient vus à la télévision avec leurs amis. Plus tard, bien qu’Ethan se soit plutôt orienté vers des études de philosophie, Joel, lui, a suivi sa vocation première et a étudié pendant quatre ans le cinéma à l’Université de New-York. Il a d’ailleurs commencé sa carrière comme assistant monteur sur le tournage du film "The Evil Dead" où il rencontra le talentueux Sam Raimi. (Spiderman 1, 2 et 3).
Leur carrière conjointe commença vraiment en 1984, avec "Sang pour Sang" ("Blood Simple"). Écrit et réalisé par les deux frères, le film raconte l’histoire d’un barman texan qui engage un détective privé pour tuer sa femme et son amant. Du Coen tout craché ! On y retrouve notamment l’actrice Frances McDormand avec qui les deux frères feront d’autres films ("Burn After Reading", "Fargo"…) et que Joel finira par épouser. Leur premier film a connu un succès remarquable et leur a donné le statut de « nouveaux talents ». "Sang pour Sang" s’est même vu remettre le prix du meilleur réalisateur à Sundance et aux Independant Spirit Awards.
En 1987, les Coen reprennent la caméra avec "Arizona Junior" ("Raising Arizona") qu’ils ont écrit, réalisé et produit. Comme toujours, leurs films se démarquent par une bonne dose d’humour noir et de retournements inattendus et cinglants. Les frères Coen aiment tout particulièrement mettre en scène des personnages déprimants dans des situations cocasses et indéniablement amusantes. Ce film signe aussi la première collaboration des Coens avec le grand John Goodman.
Et Le Dude est né…
Les années 90s ont été comme une consécration pour les frères Coen. C’est la période où ils se sont tous deux imposés comme des incontournables du cinéma américain indépendant. En 1990, c’est presque sans surprise que le duo s’est attaqué au thème de la prohibition avec "Miller’s Crossing". Bien que le film ait reçu de très bonnes critiques, il fut tout de même un échec commercial aussi bien aux Etats-Unis qu’en France où il n’a réalisé que 141 518 entrées. Heureusement, ils se sont vite remis de ce fiasco, l’année suivante, avec "Barton Fink" qui relate les déboires d’un dramaturge qui souffre du syndrome de la page blanche. Un film presque autobiographique, car Joel et Ethan se sont inspirés de leur propre difficulté à écrire "Miller’s Crossing". Et pour ajouter un peu plus à l’ironie de la situation, il ne leur a fallu que trois semaines pour écrire le script de "Barton Fink". Encore une fois, le film ne parvient pas à faire de l’argent. Assez étonnamment d’ailleurs, quand on sait que le film a été nominé pour trois Oscars et reçu trois prix au Festival de Cannes, dont la Palme d’Or.
Cela dit, la chance ne tarde pas à tourner. En 1996, les frères Coen présentent au monde le film "Fargo", aujourd’hui cultissime. Pour l’occasion, le duo est revenu aux sources en filmant dans le Minnesota de leur enfance. Fargo raconte l’histoire délirante de Jerry Lundegaard (joué par William H. Macy) qui, pour arranger ses problèmes financiers, s’arrange pour que sa femme se fasse kidnapper, pour récupérer l’argent de son beau-père. Évidemment, son plan tourne mal, et la situation ne fait qu’empirer quand une policière du coin (jouée par Frances McDormand) décide d’enquêter. Aussi drôle qu’intelligent, "Fargo" marque une période forte dans la carrière de Joel et Ethan Coen. Les dialogues et la performance de Steve Buscemi resteront particulièrement ancrés dans les mémoires. Le succès du film est indéniable, tant au box-office que dans les critiques. Et, pour ne rien gâcher, le film remporta deux Oscars, un BAFTA et un prix au Festival de Cannes. Le film a d’ailleurs eu tant de succès que, en 2014, la chaîne FX a décidé d’en faire une série du même nom produite par Ethan et Joel. On y retrouve notamment l’acteur anglais Martin Freeman. La série a eu beaucoup de succès auprès des fans des réalisateurs.
En 1998, les frères Coen réutilisent leur recette miracle pour faire un deuxième film cultissime : "The Big Lebowski". Ce film reste bien évidemment fidèle aux thèmes favoris des deux réalisateurs : l’argent, la corruption et le crime. On y retrouve un Jeff Bridges brillant dans le rôle d’un glandeur attachant qui se retrouve dans une affaire de prise d’otages contre son gré. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, Joel et Ethan sont réputés pour souvent collaborer avec les mêmes acteurs. Et heureusement ! Le duo comique que forment Steve Buscemi et John Goodman font de ce film ce qu’il est. On accordera également une mention toute particulière pour la merveilleuse Julianne Moore et le très grand monsieur qu’était Phillip Seymour Hoffman, dans le rôle du riche excentrique dangereux. Au début, le film a reçu une réception assez mitigée, mais est rapidement devenu un « must-see » pour les cinéphiles aguerris. Il existe d’ailleurs un festival annuel en l’honneur du film depuis 2002, le « Lebowski Fest ».
Dans les années 2000, il est devenu évident que le style Coen a bel et bien su séduire l’audience. Largement inspiré de l’Odyssée d’Homer, "O’Brother" se passe au Mississippi, dans les années 30, et suit les aventures de trois prisonniers qui se sont échappés du bagne et qui vont tenter à tout prix de faire fortune. Si l’on avait une vague idée des talents comiques de Georges Clooney auparavant, ce film n’a fait que confirmer à quel point l’acteur pouvait être désopilant. Les frères Coen ont même presque réussi à nous faire croire qu’il était bon chanteur… Hélas, on apprendra que ce n’est pas vraiment Clooney qui chante dans le film la désormais célèbre chanson « Constant Sorrow » aux accents très Blues. Mais les frères Coen ne s’arrêteront pas là avec Georges Clooney.
Des hauts et des bas
En 2003, Clooney jouera aux côtés de Catherine Zeta-Jones dans "Intolérable Cruauté", une sorte de parodie dramatique des comédies romantiques des années 40. Encore une fois, le maître-mot de ce film est l’argent. L’histoire se focalise sur un couple en instance de divorce qui se bat pour savoir qui aura le plus d’argent une fois le divorce prononcé. Considéré comme un des films les plus mauvais du duo, on peut effectivement lui reprocher un manque d’originalité et l’utilisation d’un humour un peu facile, voir « cheap ».
En 2004, les deux frères se lancent dans un remake de "The Ladykillers" où ils ont la chance de collaborer avec Tom Hanks jouant le rôle principal d’un professeur un peu fou qui va louer une chambre dans la maison d’une vieille dame pour y élaborer un plan compliqué afin de dévaliser un Casino. Un scénario déjanté qu’on croirait écrit spécialement pour eux. Pourtant, les critiques resteront froides malgré la performance remarquablement amusante de Tom Hanks.
Après ces deux petits échecs, le soleil revient chez les frères Coen avec "No Country for Old Men", en 2007. Ceux qui ont eu la chance de le voir au cinéma savent à quel point ce film est puissant, voire inoubliable. Inspiré du roman de Cormac McCarthy, le film se concentre sur Llewelyn Moss (joué par Josh Brolin), un vétéran de guerre, qui tombe par hasard sur deux millions de dollars issus d’un trafic de drogue. Il décide de les garder pour lui et fuit ; s’en suit une poursuite terrifiante et haletante, menée par Anton Chigurh (joué par Javier Bardem) un tueur psychopathe chargé de retrouver l’argent. C’est un film dont on ne ressort pas indemne. Javier Bardem est absolument effrayant dans ce film, sa présence à l’écran vous hante. Une fois de plus, les thèmes de l’argent et l’avarice reviennent avec, en plus, une bonne dose de meurtre. Le cocktail triplement efficace des frères Coen. Et les résultats sont là : le film a été universellement acclamé comme l’un des meilleurs, si ce n’est LE meilleur, de leur carrière. Il a notamment reçu quatre Oscars. Pas mal ! C’est aussi l’un des rares films où l’on ne retrouve pas les éternels habitués : John Goodman, Steve Buscemi, Georges Clonney, Frances McDormand, etc. Comme quoi, le changement peut avoir du bon.
L’année suivante, Joel et Ethan reviennent sur un registre plus léger avec "Burn After Reading", une comédie un tantinet dramatique où l’on retrouve l’un des duos préférés d’Hollywood : Brad Pitt et Georges Clooney. Hilarant à souhait !
Enfin, en 2009, les frères Coen décident de faire un film presque autobiographique à travers "A Serious Man". Un film à petit budget très fortement inspiré de l’enfance de Joel et Ethan dans un quartier juif de Minnesota. C’est une comédie à la fois douce et un peu sombre, peut être la plus sincère et la plus touchante de leur filmographie.
En 2010, le duo s’essaie au western avec "True Grit". Un peu décevant, il semble presque que le film se base uniquement sur un certain rebondissement morbide et assez superflu.
En 2013, "Inside Llewyn Davis" a fait chavirer plus d’un cœur de cinéphile. Cette comédie dramatique focalisée sur la beauté du folk et un chanteur paumé (et un chat tout aussi paumé) est extrêmement touchante et a permis, notamment, de mettre en lumière les talents d’Oscar Isaac, auparavant connu pour son rôle de bandit dans "Drive". Cette fois encore, les Coen nous ont faits cadeau d’un film dont on ne se remet pas tout à fait.
Des talents de scénaristes recherchés
En plus de leurs talents de cinéastes, les frères Coen sont aussi connus pour leurs talents de scénaristes, si bien que beaucoup d’artistes à Hollywood sont désireux de travailler avec eux. Ils ont participé à l’écriture du scénario d’"Invincible" réalisé par Angelina Jolie et sorti en 2014. Ils ont également co-écrit "Le Pont des Espions", de Steven Spielberg, avec Matt Charman.
De plus, Ethan Coen a aussi eu la chance d’écrire deux pièces pour Broadway : une en 2008 « Almost An Evening » qui n’a reçu que des critiques encourageantes, et une en 2011 « Talking Cure ».
Il va s’en dire qu’aujourd’hui la réputation des Coen n’est plus à faire. Bien évidemment, leurs films demandent d’apprécier un certain type d’humour, mais, au final, leur carrière prouve que, au fil des années, ils n’ont fait que prouver leur génie et leur versatilité. Joel et Ethan Coen savent tout faire, mais ce qu’ils savent faire de mieux, c’est du Coen. Et c’est bien pour ça qu’on trépigne tous d’impatience à l’idée de voir "Ave, César !" qui sera, sans aucun doute, un autre succès. Peut-être même un nouveau film culte à ajouter à leur collection.
Justine
Cinémas lyonnais
Cinémas du Rhône
Festivals lyonnais