« À l’heure où certains, et je dis bien certains voudraient la cacher, la bâillonner, la tenir dans l’ombre, la rendre captive, la violer, la mutiler, la vendre comme une marchandise, le cinéma, lui, la met en lumière, la révèle… ». Ces mots de Lambert Wilson lors de l’ouverture du Festival, raisonnent comme une terrible évidence, un cri douloureux qui voit l’histoire faire activement marche arrière sur des libertés déjà durement acquises au fil des siècles. Baromètre d’un monde qui se transforme, le cinéma peut à son échelle faire la pluie et beau temps. Qu’ils dénoncent ou qu’ils subliment, les réalisatrices et les réalisateurs sont nombreux à rendre hommage aux femmes. Leur Quinzaine en fait l’écho en sélectionnant quelques perles qui nous enchantent autant qu’elles nous bouleversent.
« MUSTANG » de Denis Gamze Ergüven
L’innocence emprisonnée
Orphelines, Lale et ses quatre surs vivent sous la protection de leur grand-mère. Pour fêter les vacances, les filles courent sur la plage pour chahuter dans les vagues avec leurs copains. Des jeux innocents qui vont faire d’elles des coupables. De simples remontrances en séquestration, les petites filles devenues adolescentes vont petit à petit devenir une monnaie d’échange pour s’offrir une réputation. Un trésor qu’il vaut mieux garder sous scellés sans se soucier qu’il dépérisse. Premier film intensément sensible et touchant, « MUSTANG » dresse le portrait doux amer d’un pays encore ancré dans des traditions d’un autre âge et qui, en parallèle, n’autorise que les femmes aux matchs de foot importants pour éviter tout débordements violents. Certainement l’un des plus beaux films de cette Quinzaine des réalisateurs 2015.
« FATIMA » de Philippe Faucon
L’amour d’une mère
Fatima n’a que 44 ans et semble en faire 30 de plus. Les traits cernés d’un foulard et la silhouette dissimulée sous une grande djellaba, elle ne s’autorise aucun maquillage ou accessoire. Pourtant malgré ça, Fatima est la plus belle des femmes. Coincée entre deux générations, celle de sa mère pétrie de dévotions et celle de ses filles, femmes libres de choisir leur vie, Fatima accepte avec un dévouement attachant d’être le point de jonction de cette émancipation. Sans porter de jugement, elle vit par la réussite de ses filles et de l’amour qu’elle leur porte. Un film tout simple, profondément sincère, qui évoque avec justesse l’une des plus belles choses au monde, l’amour d’une mère pour ses enfants.
« ALLENDE MI ABUELO ALLENDE » de Marcia Tambutti Allende
Une famille marquée par l’Histoire
Le 11 septembre 1973, Salvador Allende se donnait la mort lors du sanglant coup d’état qui renversa son gouvernement. Sa femme et les familles de ses trois filles ont alors été contraintes de s’exiler au Mexique et à Cuba jusqu'à la fin de la dictature au début des années 90. Réalisé par une des petites filles, ce documentaire s’attache avant tout à comprendre l’impact d’un tel événement sur sa famille. Un film profondément émouvant qui évoque surtout la force d’une femme, l’épouse du politicien déchu qui évoque ses souvenirs ponctués ça et là de silences qui en disent long. Un film intimiste plus qu’historique, porté énergiquement par une cinéaste qui casse les non dits pour libérer sa famille de sa douleur passée. Passionnant.
« MUCH LOVED » de Nabil Ayouch
Être une femme libérée, ce n’est pas si facile
Un tempérament volcanique, un aplomb ciselé, Noha dirige d’une main de fer une petite entreprise d’escort-girls à Marrakech. Entre corruption, humiliation par les clients et une famille qui la méprise tout en acceptant son aide pécuniaire, la jeune femme partage son quotidien avec ses surs de cur Randa et Soukaina. Trash par la réalité du quotidien de ses héroïnes, « MUCH LOVED » révèle aussi des très beaux moments d’affection indispensables pour survivre dans ce monde superficiel et agressif. Un film sans concession qui montre qu’on peut être une femme libérée au Maroc, du moment qu’on en paye le prix.
Gaelle Bouché
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