Lettre ouverte
Ami(e)s héros, super-héros, personnages de cinéma, extraterrestres et croisements humain/chien de l’année, je me permets de me plaindre auprès de vous.
Après cette épuisante fin d’année 2015, je me sens un peu comme Edith Cushing à la fin de "Crimson Peak" : épuisé par tant de violence gratuite et imméritée. Ou comme ces malheureux qui ont survécu (ou pas) au "Green Inferno". J’ai l’impression que c’est la Terre entière qui a subi les horreurs du manoir Sharpe ou de la jungle amazonienne, et qui en ressort groggy.
2015 a terminé comme elle a débuté : dans le sang. À Paris, Copenhague, Bamako, Tunis, Ankara et j’en passe, des terroristes commandités ou non par l’État islamique, inspirés ou non par l’idéologie sectaire et crétine du calife autoproclamé al-Baghdadi, ont massacré des innocents de tous bords, de tous âges, de toutes confessions.
Où étiez-vous, amis héros et super-héros, pendant ce temps-là ? Les "Avengers" jouaient à « je te tiens par la barbichette » avec un robot puéril, les "4 fantastiques" faisaient les geeks dans leur laboratoire, Caine Wise (l’ami moitié homme, moitié wouf-wouf) reluquait la plastique impeccable de Jupiter Jones et les Jedi, eux, ont disparu de la surface de la galaxie avec Luke Skywalker.
Quant aux espions, il faut reconnaître qu’ils ont eu pas mal de boulot. Le Valentine de "Kingsman" (photo ci-contre) mérite bien le titre de grand méchant fictionnel de l’année (et qui sait, peut-être qu’al-Baghdadi zozote, lui aussi ?), ce qui explique que Lancelot et Galaad n’aient pas vraiment eu le temps de s’occuper de nous. Et on excusera volontiers Ethan Hunt, pris dans les jupes d’Ilsa Faust. J’aurais bien compté sur James Bond, mais là, franchement, il n’est plus que le "Spectre" de lui-même. Sa résolution pour 2016 ? La même que Proust : se coucher de bonne heure.
Pendant ce temps-là, le monde continuait de tourner. Dans le mauvais sens. Des explosions gigantesques secouaient un entrepôt portuaire de Tianjin, en Chine, et une cyberattaque visait TV5 Monde : Nick Hathaway a dû s’échapper du film de Michael Mann pour trouver le fautif. Et James Donovan n’aurait pas cru possible que la Russie de Poutine puisse ressembler autant à l’URSS du "Pont des espions", avec l’assassinat de l’opposant Boris Nemtsov, et tout. Quant au séisme terrible qui a fait plusieurs milliers de victimes au Népal, même Dwayne Johnson, "San Andreas" ou pas, n’aurait rien pu faire pour l’empêcher.
Amis héros, vraiment, ce monde ressemble de plus en plus à la "Réalité" vue par Dupieux (photo ci-contre) : dénué de logique et de sens. Absurde, en un mot, presque autant que "Terminator Genisys" ; et en plus, les acteurs qui nous dirigent, ces politiciens et ces diplomates, ils jouent au moins aussi mal la comédie que Emilia Clarke et Jai Courtney. C’est dire si on est dans la mouise, même si nos terminators à nous ressemblent plus au Kim Jong-un de "L’Interview qui tue". Le mystérieux Alejandro avait raison, mais en pire : c’est toute la planète qui est devenue un territoire pour les loups, et nous, on finit comme Emily Blunt dans la conclusion de "Sicario" : sonnés, déchirés, désolés.
Je me demande souvent : si l’on pouvait plonger dans la tête de ceux qui font le mal, terroristes ou assassins, comme dans "Vice versa", qu’y verrait-on ? Seulement des « Anger » ? Quelques « Fear » apeurés ? Ou des « Sadness » cachées dans un coin ? C’est ça, le moteur du monde, la tristesse ? Avec le réchauffement climatique, la Terre va finir par devenir comme nos cœurs : aride. Et on se demandera, à la "Mad Max", mais trop tard : qui a détruit le monde ?
Je ne vous cache pas que j’aurais bien envie d’être "Seul sur Mars", tiens. Ou de m’envoler vers Neverland avec l’ami "Pan". Et pourtant, non, il faut poursuivre. Continuer à faire vivre l’espoir. Et partir, en 2016 plus que jamais, "À la poursuite de demain".
Je vous embrasse, et dites bonjour à Batman de ma part !
Eric Nuevo
TOP films
1. Le Pont des espions , de Steven Spielberg
2. Crimson Peak , de Guillermo del Toro
3. Sicario , de Denis Villeneuve
4. Vice-Versa, de Pete Docter et Ronnie del Carmen
5. Snow Therapy, de Ruben Östlund
6. Mission : Impossible – Rogue Nation, de Christopher McQuarrie
7. À la poursuite de demain, de Brad Bird
8. Mad Max : Fury Road, de George Miller
9. Réalité, de Quentin Dupieux
10. Amour fou, de Jessica Hausner
FLOP films
1. Terminator Genisys, de Alan Taylor
2. Spectre, de Sam Mendes
3. Jupiter : le destin de l’univers, de Andy et Lana Wachowski
4. Avengers : l’ère d’Ultron, de Joss Whedon
5. L’Interview qui tue, de Seth Rogen et Evan Goldberg
TOP acteurs
1. Tom Hanks, dans Le Pont des espions (photo ci-contre)
2. Matt Damon, dans Seul sur Mars
3. Johannes Bah Kuhnke, dans Snow Therapy
4. Benedict Cumberbatch, dans Imitation Game
5. Tom Hiddleston, dans Crimson Peak
TOP actrices
1. Jessica Chastain, pour Crimson Peak et Seul sur Mars
2. Charlize Theron, pour Mad Max : Fury Road
3. Rebecca Ferguson, pour Mission : Impossible – Rogue Nation
4. Lisa Loven Kongsli, pour Snow Therapy
5. Imogen Poots, pour Broadway Therapy
TOP réalisateurs
1. Steven Spielberg, pour Le Pont des espions
2. Guillermo del Toro, pour Crimson Peak
3. Ruben Östlund, pour Snow Therapy
4. Ridley Scott, pour Seul sur Mars
5. Jessica Hausner, pour Amour fou
TOP thématique : les idées bizarres des traducteurs des titres originaux qui n’ont aucun sens
1. Snow Therapy, pour Turist en version originale. Pour la petite histoire, lors de présentation à Cannes en 2014, le film portait le titre « Force majeure ». Mais celui-ci étant déjà pris, les distributeurs ont pensé que ce serait formidable de traduire à nouveau… avec un titre anglais. La « thérapie de la neige », vraiment ?
2. Broadway Therapy, pour She’s Funny That Way. Bien que ce sympathique et rafraîchissant film de Peter Bogdanovich manque un poil d’ambition, ce n’était pas une raison pour lui affubler ce titre sans intérêt, passe-partout et réducteur. Une autre thérapie après celle de la neige ?
3. The Hit Girls 2, pour Pitch Perfect 2. Le « pitch », en l’occurrence, c’est la tonalité de voix parfaite : celle des super nénettes qui forment le groupe mis en scène par Elizabeth Banks. Encore un exemple de traduction de l’anglais à l’anglais, sans doute parce que « Hit Girls », ça parle plus que « Pitch Perfect ». Allez, un peu de courage, messieurs les traducteurs, il faut tenter des trucs.
4. Renaissances, pour Self/less. La traduction du titre du dernier Tarsem Singh est à l’image du film : pas très réussi. Au moins l’appellation originale tentait-elle de faire passer une idée (« être moins soi-même »), quand sa traduction est aussi banale qu’un plat de jambon-nouilles.
5. Hacker, pour Blackhat. Injustement méprisé à sa sortie, l’opus de Michael Mann est pourtant à la hauteur de la carrière de son réalisateur. Le seul hic, c’est que ce titre « français » tout à fait quelconque non seulement le rabaisse à un vulgaire film de série B, mais en outre soulève un contresens : Blackhat fait référence au type de programme utilisé… par un hacker.
Révélation de l’année 2015
Rebecca Ferguson, dans Mission : Impossible – Rogue Nation.
Parce que son personnage féminin, Ilsa Faust, est simplement époustouflant.
Parce qu’elle tient la dragée haute à Tom Cruise. Et qu’elle le dépasse, même.
Parce que c’est le meilleur personnage féminin de toute la série des Mission : Impossible.
Parce qu’elle est fascinante et ébouriffante.
Eric Nuevo
Cinémas lyonnais
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