À chaque festival son lot de sujets politiques et parfois polémiques.
Si "Taxi" de Jafar Panahi (qui sortira en France en mars sous le titre "Taxi Téhéran") aura mis tout le monde d'accord, remportant l'Ours d'or, c'est qu'il parle à la fois de la censure, du droit à exercer son mériter et à parler ou vivre librement. Usant d'un stratagème ingénieux, le réalisateur de "Le cercle" revient en tant que chauffeur de taxi (il n'a pas le droit d'exercer son métier de cinéaste), filmant à l'aide d'une caméra de surveillance ses échanges avec des passagers pour beaucoup liés à ses précédents films. Ces rencontres affichées comme fortuites, permettent ainsi d'aborder diverses questions sur l'état social de l'Iran et les libertés individuelles dans le pays.
Également iranien, "A Minor leap Down" se concentre sur la condition de la femme et de quelques minorités. Autour d'un personnage féminin incapable de parler de son drame personnel (la perte d'un enfant) avec un entourage enfermé dans ses certitudes, ce sont nombre de conventions sociales que le film analyse, au travers d'une rébellion silencieuse. Montrant l'isolement organisé de celles qui ne rentrent pas dans le schéma classique de la femme au foyer, il réussit un beau plaidoyer.
En prenant la défense d'une minorité indigène en cours d'extinction, Patricio Gúzman ("Nostalgie de la lumière") se concentre sur une mémoire rarement évoquée en son pays, le Chili. Avec "El botón de nacar", initialement centré sur la question de l'eau, il évoque le massacre puis le contrôle d'un peuple, les Patagoniens, dont le destin a toujours été lié à cet élément. Avec lenteur et poésie, il pose les questions qui fâchent, politiques comme citoyens préférant oublier ces minorités qui dérangent.
Loin du documentaire, le film américain "Selma" retrace de manière plutôt académique l'un des événements fondateurs dans la lutte pour les droits civiques aux USA. Prenant pour titre la ville d'Alabama dans laquelle Martin Luther King lança une marche pour le droit de vote des noirs, ce film classique mais porté par un casting impeccable, aborde à la fois des questions de tactique politique comme d'engagement, de risque et de sacrifice personnel. Une chronique engagée qui trouve une certaine résonnance en ces temps d'individualisme galopant.
Mais le vrai choc de ce Festival de Berlin 2015, propre à déclencher des polémiques, aura sûrement été "El Club" de Pablo Larraín. S'ouvrant sur quelques scène crépusculaires d'entraînement de lévrier pour une course, cette œuvre phare du réalisateur engagé de "Santiago 73, Post Mortem" et "No" nous plonge au cœur d'une lutte entre bien et mal. Au travers du portrait d'un groupe de prêtres partageant la même demeure et ayant tous des choses à se reprocher, c'est à la monstruosité de l'âme humaine, aux regrets et à la rédemption que nous fait réfléchir ce chef d'œuvre de noirceur, reparti de Berlin avec le Grand Prix du jury.
Olivier Bachelard
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