DOSSIER

Affiche

FOCUS SUR "MISSION : IMPOSSIBLE" (3/3)


"MISSION : IMPOSSIBLE – PROTOCOLE FANTÔME" de Brad Bird
Avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg, Paula Patton, Ving Rhames, Michael Nyqvist, Josh Holloway, Léa Seydoux, Tom Wilkinson, Anil Kapoor, Michelle Monaghan
Sorti au cinéma le 14 décembre 2011


L’histoire : Impliquée dans un terrible attentat terroriste au cœur même du Kremlin, l’IMF est totalement discréditée. L’opération « Protocole Fantôme » est alors lancée : Ethan Hunt et son équipe sont privés de ressources et de renfort, et ont donc pour unique objectif de blanchir l’agence et d’identifier les vrais coupables. La situation se complique encore lorsqu’une tueuse mystérieuse entre dans l’équation et qu’Ethan se retrouve forcé de s’associer avec une équipe de fugitifs de l’IMF dont les motivations restent incertaines…

Le rapport avec la série : De prime abord, ce quatrième épisode peut laisser croire que la logique ludique et survitaminée du précédent film va se prolonger sans trop de soucis. C’est en réalité un piège malin dans lequel on ne tombera cependant pas, puisque l’originalité suprême du film de Brad Bird est de faire en sorte que chaque mission se complique vite par une suite de catastrophes. Cet entrisme salutaire, finalement pas si éloigné de celui opéré par Brian De Palma dans le premier film, s’amuse d’entrée à désosser la mécanique du genre en question pour mieux la mettre en perspective. Il suffit d’imaginer un monde d’espionnage où rien ne marcherait, où l’IMF se retrouverait soudain voué à l’extinction, et où l’équipe d’Ethan Hunt, privée de ses ressources et équipée de gadgets qui tombent sans cesse en panne (même le message de mission ne s’autodétruit pas comme prévu !), ne peut plus compter que sur une seule chose pour s’en sortir : naviguer en dehors du système, tels des fantômes flippés qui ne savent parfois pas vers où ils se dirigent, et se confronter collectivement au risque pour mieux s’en sortir et, accessoirement, sauver le monde. D’où un Ethan Hunt débarrassé pour de bon de son étiquette trompeuse de super-héros invincible, et qui, dans le cas présent, ne peut compter que sur son prochain s’il ne veut pas finir par chuter dans le vide de l’individualisme. Rien d’étonnant à ce qu’un tel parti pris rappelle ce que Brad Bird avait abordé dans "Les Indestructibles", chef-d’œuvre animé où une famille de super-héros sauvait la planète par l’association de leurs atouts respectifs et la résolution de leurs problèmes personnels.

Photo2

L’impression globale : Si le choix de Brad Bird n’a donc rien de surprenant au vu du propos exploré par le récit, le choc produit par ce quatrième épisode aura malgré tout pris tout le monde par surprise. Plus encore qu’avec la noirceur inaugurale du film de Brian De Palma, "Protocole Fantôme" entérine cette idée d’un monde d’espionnage régi par un chaos incontrôlable et contraint d’infliger à ses propres règles un reloaded on ne peut plus douloureux. Ne reste alors qu’une seule option : opérer en silence, se fondre dans la masse, investir une illégalité bien plus affirmée que d’habitude, et remettre l’humain au centre des enjeux de la mission. En cela, ce quatrième film ne se contente pas de surpasser ses prédécesseurs sur tous les domaines. Il est avant tout plus habité, plus stratégique, élaboré de façon discrète et dans ses moindres recoins comme un anti-blockbuster décalé, qui fait mine de rentrer dans le moule de la saga "Mission : Impossible" pour la faire finalement évoluer vers la métaphore d’un monde menacé d’apocalypse (il suffit de voir l’objectif du méchant incarné par Michael Nyqvist), que seule l’union d’individus antagonistes peut guérir pour de bon. Et au-delà d’une virtuosité hallucinante dans chaque strate de fabrication (du récit au découpage en passant par la mise en scène, tout fait état d’une exigence de fabrication imparable), le simple fait de voir un Ethan Hunt frustré par l’échec et stressé à l’idée de devoir improviser l’impossible en un temps record suffit à conférer une jubilation incontrôlable, tout en faisant état du besoin qu’a l’être humain de se tourner vers l’Autre pour trouver son propre chemin.

La scène qui tue : La scène qui a fait la réputation du film est sans conteste l’une des scènes d’action les plus hallucinantes jamais vues sur un écran. Le nouveau défi d’Ethan Hunt est ici d’escalader une petite partie de la façade du gratte-ciel Burj Khalifa de Dubaï afin d’atteindre le 130ème étage, le tout en utilisant simplement des gants équipés de ventouse. Et quand l’un des gants se révèle défectueux à mi-chemin, que les communications avec l’équipe tombent parfois en panne, que le vide s’avère plus vertigineux que tout ce que l’on peut imaginer (la caméra de Brad Bird joue à merveille sur la subjectivité d’Ethan lors des plongées aériennes) et qu’une tempête de sable se profile à l’horizon, on vous laisse imaginer la tension monstrueuse qui en découle dans la salle et sur l’écran.

La réplique qui tue :
« C’est facile : quand c’est bleu, t’accroches.
– Et quand c’est rouge ?
– Tu te crashes »

(Benji explique à Ethan la signification des voyants lumineux sur les gants-ventouses)

Lire la critique de "Mission : Impossible – Protocole Fantôme"

Photo3

"MISSION : IMPOSSIBLE – ROGUE NATION" de Christopher McQuarrie
Avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg, Rebecca Ferguson, Ving Rhames, Sean Harris, Simon McBurney, Alec Baldwin, Tom Hollander, Jingchu Zhang
Sorti au cinéma le 12 août 2015


L’histoire : L’équipe IMF est officiellement dissoute et Ethan Hunt se retrouve désormais isolé, alors que le groupe doit affronter un réseau d’agents spéciaux particulièrement entraînés : le Syndicat. Cette organisation sans scrupules est déterminée à mettre en place un nouvel ordre mondial à travers des attaques terroristes de plus en plus violentes. Avec l’aide de son équipe et d’Ilsa Faust, un agent britannique révoqué et qui semble bien connaître le Syndicat, Ethan se lance dans la plus dangereuse des missions qu’il ait dû accepter…

Le rapport avec la série : On ne pouvait rêver ni anticiper meilleure surprise : "Rogue Nation" n’est pas seulement l’épisode le plus proche de la série télévisée d’origine, mais il s’impose comme un véritable ravalement de façade pour la franchise, retournant aux bases de la série en un mouvement ascensionnel inversé par rapport à l’opus inaugural de Brian De Palma (cette fois-ci, toutes les scènes d’action sont placée en première moitié de bobine) et cristallisant son propos sur l’espionnage planétaire par une suite perpétuelle de climax insoutenables où tout s’agite jusqu’à l’explosion. De la part de Christopher McQuarrie, ce n’est guère étonnant : son revival du vigilante avec le brillant "Jack Reacher" et son travail de scénariste adepte du trompe-l’œil insoupçonné (on lui doit le scénario d’"Usual suspects", tout de même !) ne laissaient aucun doute sur sa capacité à jouer avec les codes de la saga. En mettant cette fois-ci l’IMF dans une posture bien plus embarrassante qu’un simple « protocole fantôme » (ici, l’agence est dissoute et l’équipe est traquée par tout le monde), il renoue d’abord de plein fouet avec ce que la série et le film signé De Palma avaient cristallisé : un univers sans terroriste ni menace politisée, mais gorgé de traîtres et de faux-semblants, activant de ce fait une valse vertigineuse de mascarades identitaires à l’échelle planétaire, où les rôles et les véritables intentions de chacun sont désormais impossibles à cerner. Le vertige est total, bluffant, fulgurant, portant la franchise à un degré de transcendance qu’on n’aurait jamais pensé la voir tutoyer.

Photo4

L’impression globale : De par ce vertige identitaire qu’il infuse insidieusement dans chaque strate de dialogue et chaque scène de tension, "Rogue Nation" peut déjà se prévaloir de s’inscrire dans la lignée d’une série qui, sous différents aspects, s’en donnait à cœur joie dans la paranoïa au gré des missions proposées. Ici, la paranoïa est plus insidieuse, puisque l’intrigue ne dévoile ses cartouches qu’a posteriori, laissant ainsi cette tête brûlée d’Ethan Hunt abandonner son sourire Colgate dès la première scène pour ne plus jamais le ressortir, frustré et détruit plus d’une fois par la malchance, l’échec, la trouille et la manipulation. L’autre grande idée du film est de lui offrir un pendant féminin à travers le personnage d’Ilsa Faust (Rebecca Ferguson), qui lui chipe constamment la vedette en raison du triple – voire quadruple – jeu qu’elle semble exécuter et de la fragilité insoupçonnée qu’elle révèle au cours d’un magnifique face-à-face dialogué. Ce personnage offre la clé de ce cinquième – et meilleur – opus : un pur thriller postmoderne qui pousse l’équipe de Hunt à reproduire le schéma du quatrième film (en gros, traverser le chaos avec succès par l’esprit d’équipe et l’improvisation paniquée), mais cette fois-ci dans une situation où le chaos lui-même se révèle être une illusion, pour ne pas dire une simple vue de l’esprit. "Rogue Nation" a cela de magistral qu’il explore l’univers de "Mission : Impossible" pour en pervertir les rouages (dès le début, le fameux message se révèle être un piège) et finalement en inverser la logique. Ethan Hunt n’a ici qu’une seule option : ne pas en avoir, justement, et adopter une logique de fuite en avant, avec le risque et le danger de mort en intraveineuse, tout en jouant aux échecs avec un méchant qui s’imposera de loin comme le plus mémorable de la saga. Peu importe l’action pure (et pourtant, le niveau est ici encore plus élevé !), ce sont les tripes et les neurones qui bouillonnent au milieu de toutes ces « nations dissidentes », au milieu de ce globe où tout n’est bel et bien que faux-semblants, jeux de masques et paranoïa survoltée.

La scène qui tue : La (désormais célèbre) scène d’ouverture qui voit Ethan Hunt s’accrocher au fuselage d’un gros avion au décollage et en plein vol ? Non. Un assassinat silencieux durant un opéra viennois, façon "Quantum of Solace" mais en mille fois mieux ? Non plus. Une séquence d’apnée tournée en une suite de plans-séquences à couper – littéralement – le souffle ? Encore moins. Une poursuite en moto vertigineuse qui renvoie celle de l’épisode 2 à ses leçons de code de la route ? Même pas. Alors quoi ? Et bien, contre toute attente, ce sera une simple scène de dialogue entre trois chaises, avec une tension littéralement insoutenable et une puissance de manipulation sans commune mesure, qui a toutes les chances de vous mettre à genoux. Bien sûr, le contenu de cette séquence, judicieusement placée en fin de bobine, ne sera pas dévoilé ici, sinon je risque de m’autodétruire dans les dix secondes qui suivent !

La réplique qui tue :
« Je ne suis autorisé à affirmer ou à infirmer cette information qu’en présence du ministre »
(Une phrase tout à fait adaptée pour éviter les discussions fâcheuses !)


Lire la critique de "Mission : Impossible – Rogue Nation"

Lire la première et la seconde parties de l'article.

Guillaume Gas

Partager cet article sur Facebook Twitter