DOSSIER

Affiche

FOCUS SUR "MISSION : IMPOSSIBLE" (2/3)


"MISSION : IMPOSSIBLE 2" de John Woo
Avec Tom Cruise, Thandie Newton, Dougray Scott, Richard Roxburgh, Ving Rhames, John Polson, Rade Serbedzija, Anthony Hopkins…
Sorti au cinéma le 26 juillet 2000


L’histoire : Lors d’un vol Sydney-Atlanta, un commando mené par Sean Ambrose (un ancien membre de l’IMF) élimine le docteur Nekhorvich et dérobe un mystérieux virus nommé « la Chimère ». Ethan Hunt doit alors interrompre ses vacances pour retrouver ce virus avant qu’Ambrose n’en fasse mauvais usage. Son équipe inclura cette fois-ci Nyah Nordoff-Hall, l’ancienne petite amie de Sean, dont il finit par tomber amoureux…

Le rapport avec la série : En choisissant John Woo – qui n’avait jamais caché son aversion pour les suites et les remakes – pour poursuivre la franchise, Tom Cruise faisait un calcul audacieux : changer de style à chaque film allait devenir la coutume. Du coup, même si le cinéaste de "The Killer" met cette fois-ci la pédale douce sur la violence et la furie visuelle, son style transparait néanmoins dans chaque plan, donnant l’impression d’avoir intégré le moule de la franchise sans pour autant avoir fait figure de rupture sèche avec ce qui a fait le sel de la série télévisée. Mais est-ce vraiment le cas ? Certes, on reste en terrain connu, puisque les mises en scènes à base de masques et de tromperie font toujours partie de l’intrigue. Mais quelque chose d’autre semble s’être infiltré en douce dans le processus, à savoir un goût évident pour la romance, le lyrisme et la pure chorégraphie de gestes. Un détail qui ne surprend pas de la part de Woo (fan de Jacques Demy, le cinéaste rêve encore de réaliser une comédie musicale) et qui fait toute la différence : le déluge d’action chorégraphiée et le triangle amoureux autour desquels se bâtit ce second long-métrage offrent à l’univers de la série télévisée une composante qu’elle n’avait jusque-là que très peu intégrée. Tout n’est ici qu’une question de style, pour le coup dévorant et souvent électrisant. Celui d’un grand cinéaste qui reste fidèle à sa réputation de virtuose et pour lequel « action » rime toujours avec « émotion ».

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L’impression globale : La rupture est un acte qui se doit d’être pleinement consommé, tout particulièrement en ce qui concerne une franchise de cinéma censée proposer un point de vue de cinéaste à chaque nouveau film. De là vient le principal reproche que l’on peut faire à "Mission : Impossible 2", grosse machine d’une efficacité affolante et perfusée à l’adrénaline, mais où la patte d’un cinéaste inspiré croule parfois sous le poids d’un Tom Cruise producteur à l’influence visiblement écrasante. Ce qui résulte de ce second film est une légère sensation de formatage, finalement assez proche de celui opéré sur la saga "James Bond" : Cruise y entérine ici sa réputation de star casse-cou qui monopolise en permanence le cadre, laissant ainsi à John Woo le soin de mettre en valeur son brushing Pétrole Hahn, de conférer un impact saisissant à ses cascades les plus risquées et d’assurer à l’ensemble une classe visuelle indéniable. En l’état, c’est excellent, mais on reste loin du travail d’un Brian De Palma qui, de son côté, avait réussi à faire plier la série et Tom Cruise à son propre système de manipulations en tous genres. D’autant que chez John Woo, le déguisement par masque n’est plus tant un vecteur de perception faussée qu’un gimmick répété ad nauseam (à peu près un tous les quarts d’heure), qui plus est lorsque la dualité entre Ethan Hunt et le très vilain Sean Ambrose se limite à un banal jeu de cache-cache, utilisant le seul personnage féminin comme appât. Le tout au service d’une intrigue de thriller bactériologique qui aurait pu convenir à n’importe quel épisode de James Bond. Bref, le spectacle est assuré, la franchise valide tous ses acquis, mais la présence d’un cinéaste capable de transcender la série pointe ici aux abonnés absents.

La scène qui tue : Les scènes d’action, John Woo, c’est son dada. En cela, il propose dans "Mission : Impossible 2" un grand nombre de scènes fabuleuses. Mais au-delà d’un cambriolage héliporté, d’une poursuite à moto survoltée et d’un combat final musclé, c’est indiscutablement le générique de début qui surpasse tout : on y voit Ethan Hunt escalader à main nue (et sans trucage !) un relief montagneux de l’Utah, menaçant à un moment de chuter dans le vide et s’accrochant de justesse à la paroi, le tout sur fond d’un excellent remix de Iko Iko par Zap Mama. Très impressionnante en l’état, la scène sent aussi à plein nez la mise en valeur narcissique des performances physiques et des muscles luisants de Tom Cruise. Nul doute qu’à l’instar de l’involontairement hilarant "Top Gun", les chercheurs d’allusions crypto-gay auront de quoi s’en donner à cœur joie !

La réplique qui tue :
« La prochaine fois que vous partez en vacances, monsieur Hunt, ayez le réflexe de nous dire où vous allez.
– Si je devais vous le dire, ça ne serait plus des vacances ! »

(dialogue entre Ethan Hunt et son supérieur)

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"MISSION : IMPOSSIBLE III" de J.J. Abrams
Avec Tom Cruise, Philip Seymour Hoffman, Ving Rhames, Jonathan Rhys-Meyers, Maggie Q, Simon Pegg, Billy Crudup, Laurence Fishburne, Michelle Monaghan, Keri Russell
Sorti au cinéma le 3 mai 2006


L’histoire : Ethan Hunt pensait avoir tourné la page de l’IMF en devenant simple formateur et en se consacrant pleinement à sa vie avec son épouse Julia, mais l’assassinat brutal de son ancienne recrue Lindsey lors d’une mission à Berlin le pousse à changer d’avis. Il doit désormais s’attaquer à Owen Davian, un redoutable trafiquant désireux de mettre la main sur un mystérieux objet appelé « patte de lapin »…

Le rapport avec la série : C’est incontestablement l’épisode de la franchise qui renouait de plein fouet avec la dimension feuilletonnesque de la série télévisée, tant en terme de récit que de mise en scène. Tout le mérite en revient à J.J. Abrams, à l’époque jeune scénariste et producteur réputé avant tout pour son expérience télévisée sur des séries comme "Lost" ou "Alias", et qui s’est retrouvé catapulté réalisateur de la chose, ce qui n’était pas forcément rassurant – passer après Brian De Palma et John Woo était une sacrée gageure. Or, le travail d’Abrams sur des séries télévisées est ici à la fois une (petite) faiblesse et une (grosse) force. Une faiblesse car le film, exclusivement shooté à travers une longue focale et une caméra à l’épaule qui génèrent des cadres souvent chaotiques, s’adapte aux critères d’une mise en scène télévisuelle, où la profondeur de champ est bannie au profit des plans rapprochés. Mais c’est aussi une force puisque les récits mystificateurs qui faisaient le sel des séries d’Abrams rejoignent en tous points les éléments de la série "Mission : Impossible" : le scénario multiplie les pointes d’ironie et les rebondissements, l’objectif de la mission est un authentique MacGuffin qui restera à l’état de mystère irrésolu (c’est quoi, cette fameuse « patte de lapin » ?) les personnages sont attachants et bien plus développés qu’avant, et la dynamique d’un montage surexcité offre à la franchise la dimension frénétique qui lui manquait. Du fun à l’état pur, en somme.

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L’impression globale : De par sa dynamique de récit hallucinante et le trait d’union qu’il trace avec le style de la série d’origine, "Mission : Impossible III" ne pouvait que s’incarner en actionner ultra-fun, quasi globe-trotter, qui laisse quelque peu de côté le relief politico-stratégique initialement mis en place par Bruce Geller au profit d’une intrigue menée à cent à l’heure qui ne laisse strictement aucune minute de répit. On aura beau juger que la mise en scène d’Abrams peine à s’affranchir du format télé, elle se révèle ici d’une efficacité redoutable pour jauger les inégalités de rythme et de tension. C’est aussi avec ce film que le personnage d’Ethan Hunt gagne en richesse émotionnelle, et ce en raison de son statut d’époux, désireux de laisser de côté son travail d’espion mais incapable de s’en défaire lorsque l’imprévu sonne à sa porte sous la forme d’un message destiné à s’autodétruire. On découvre alors sa vraie nature, à savoir celle d’un authentique cousin éloigné de John McClane, antihéros toujours au mauvais endroit au mauvais moment, qui n’a pas d’autre choix que de tenter l’impossible et de prendre des risques de plus en plus insensés afin de rester en vide et de conserver sa logique. Telle est la recette gagnante de cet excellent opus 3 : un équilibre savant et maîtrisé entre action et émotion, qui ne délaisse jamais la fibre théorique de la franchise. Son relatif échec commercial – que certains attribuent encore aux frasques de Tom Cruise pendant la promo du film – n’en apparaît donc que plus regrettable.

La scène qui tue : Là encore, il y a l’embarras du choix, le film étant tellement spectaculaire et nerveux qu’il interdit la moindre pause pipi. À tout prendre, on retiendra surtout le saut dans le vide d’Ethan Hunt pour atterrir sur un immeuble jugé infranchissable de Shanghaï : accroché à un câble fixé à l’immeuble voisin, le voilà qui effectue alors un sidérant mouvement de balancier lui permettant d’atteindre le toit de l’immeuble. Le seul détail incongru de cette séquence se déroule en fait dans la scène de préparation du saut, durant laquelle Hunt se livre à un calcul d’intégrale afin de contrôler la distance et la hauteur entre les deux immeubles. En effet, les matheux auront pris le temps de remarquer qu’un calcul d’intégrale a pour utilité de déterminer une aire sous une courbe dans un graphique, ce qui veut dire que ce calcul, dans le cas présent, n’a pas la moindre utilité pour Ethan !

La réplique qui tue :
« J’ai un explosif dans ma tête. Je vais mourir si tu ne me tues pas ! »
(paniqué et en danger de mort, Ethan Hunt explique à sa femme ce qui lui arrive !)


Lire la critique de "Mission : Impossible 3"

Lire la première et la troisième parties de l'article.

Guillaume Gas

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