De nombreux film présentés sur le Lido revêtaient un aspect politique, direct ou indirect, décrivant un passé peu glorieux, l'état social d'un pays, ou dénonçant des pratiques peu reluisantes.
Un passé peu glorieux
Parmi les films qui tentaient d'analyser ou donner à voir des événements passés, le plus attendu était certainement le film de Fatih akin, première grande fresque traitant du génocide arménien. Malheureusement « The cut », odyssée à travers le monde d'un père rescapé cherchant à retrouver ses filles, privilégie trop l'esthétique au détriment d'un propos qui s'il dénonce les exactions de l'armée turque, ne veut pas prendre position sur le thème de la religion. Trop insistant sur certains aspects du conflit (le mouroir à ciel ouvert...), le film manque de souffle.
Ce n'est pas le cas de « Retour à Ithaque » de Laurent Cantet (« Entre les murs »), gagnant des Venice days, qui au travers d'une réunion d'anciens amis à La Havane, revient avec douleur sur le passé de Cuba, et les pressions qu'ont pu subir les individus. Une œuvre aux dialogues cousus mains, brillante de répartie et de cruauté, posant les choix individuels comme clés d'un renoncement à un idéal pourtant commun, et à une certaine forme de communauté.
Évoquant aussi le passé colonial de certains pays, l'exploitation des hommes par d'autres (le peuple par les puissants, les pauvres par les riches...), Roy Andersson, a signé cette année un nouveau film cynique à souhait, fustigeant une société où chacun doit porter des masques, singeant un bonheur qui n'existe pas. Son film, à l'esthétique toujours aussi reconnaissable, « A pidgeon sat on a branch, reflecting on existence » a remporté un Lion d'or bien mérité.
Un panorama social peu reluisant
Deux films offraient quant à eux une vision de l'état d'un pays, donnant sur la société actuel un point de vue éclaté, par bribes d'histoires personnelles, autour d'un personnage servant de lien ou de relais.
Il en va ainsi de l'iranien « Tales », dans lequel un chauffeur de taxi et un documentariste servent de fil rouge, croisant la route d'autres personnages, tous révélateurs de dysfonctionnement d'une société malade des règles religieuses ou administratives. Offrant quelques scènes viscérales, autour d'une femme battue, ou d'un petit vieux devant faire maintes démarches, le film propose un portrait éclaté du pays, montrant que des populations en frange existent (drogués, malades...), même si le pouvoir en frange nie leur existence.
Au fin fond de la Russie, « The postman's white night » met en scène un facteur desservant en bateau toute une communauté vivant isolée autour d'un lac. Une œuvre solaire, mettant en évidence le décalage actuel entre certains contrées et le reste du monde, et dénonçant au passage un pouvoir investissant dans la conquête spatiale ou le militaire, plutôt que de subvenir aux besoins minimaux de certaines populations. Une vraie réussite récompensée du Prix de la mise en scène pour Andreï Konchalovsky.
Des pratiques condamnables
Enfin certains films, plus que de tenter un portrait global, se contentaient de dénoncer certaines pratiques ayant lieu dans leur pays, voire dans un pays « imaginaire ».
Mohsen Makhmalbaf tentait ainsi de décrire les rouages et la chute d'une dictature, au travers des yeux du petit enfant du tyran, contraint à la fuite avec lui, et découvrant ainsi les souffrances du peuple. Inégal, le film ne convainc pas totalement, laissant un goût d'inachevé, même dans la description de la complicité entre adulte et enfant.
Beaucoup plus percutant, le film indien « Court », récompensé à la fois du Lion du futur (pour un premier film) et du Prix Orrizonti, proposait un portrait au vitriol du système de justice indien. Influencée par des préceptes moraux et des préoccupations de paix sociale, celle-ci semble s'auto-alimenter, cherchant à faire taire toute forme d'expression critique. Au travers de l'histoire d'un professeur, poète chanteur à ses heures, accusé d'incitation au suicide, le film met le doigt sur la corruption, les manipulations politique et au final un système où l'individu a bien peu de valeur.
Enfin, plus centré sur les dérives du capitalisme sauvage, « 99 homes » met en scène un jeune homme expulsé avec sa mère de leur maison, et qui accepte de travailler pour un agent immobilier qui a créé un véritable business autour de cela. Appât du gain, absence de conscience morale, tricheries, le film appuie là où ça fait mal, et bénéficie d'un duo d'acteurs au sommet (Michael Shannon et Andrew Garfield).
Olivier Bachelard
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