Autre tendance marquante au Festival de Cannes cette année, la mise en avant ou d'utilisation comme élément dramaturgique des rapports ambigus (souvent dominant / dominé) dans les scénarios.
Ce phénomène n'est pas rare dans le cadre d'une relation amoureuse ou familiale. Il en va ainsi de la relation entre Agnès Le Roux et l'avocat conseil de sa mère, Maurice Agnelet, dans « L'homme qu'on aimait trop » d'André Téchiné, présenté Hors compétition. Une relation de dépendance affective, se double ici d'une sombre histoire d'arnaque, pour une célèbre affaire qui n'a toujours pas eu de réel dénouement, le corps d'Agnès n'ayant jamais été retrouvé. Il en de même dans « Mommy » de Xavier Dolan, œuvre choc, bavarde et passionnelle, qui met en avant le caractère conflictuel des relations mère-fils, parvenant ici à un équilibre trompeur. Un film dans lequel le rêve d'accalmie est souligné par un usage du cadre fort intelligent. À vous donner des frissons.
Il en est ainsi également dans trois autres films, situés dans un tout autre registre en terme de relations amour / haine. Il y a d'abord deux filles, une actrice égocentrique et son assistante, cette seconde ayant bien du mal à prendre son envol. Dans le « Sils Maria » d'Olivier Assayas c'est tout en douceur et subtilité, que se dessine la dépendance, sous couvert d'admiration, tissant un étrange rapport de confidence, d'affection et de défiance mêlées. Dans « Whiplash », c'est le rapport entre un élève, prodige de la batterie, et son tyrannique de professeur, qui prend la même voie, questionnant l'attraction – répulsion, et les facteurs qui tirent le talent vers le haut, du travail acharné jusqu'à l'admiration du mentor. Un parallèle évident avec la passion amoureuse, dans lequel le sentiment d'amour laisse place à la haine, pour mieux grandir en s'émancipant. Contant exactement le même parcours, le troublant « Foxcatcher » raconte l'emprise d'un milliardaire déséquilibré sur un jeune champion de lutte gréco-romaine, qu'il prendra sous son aile. Un film où le malaise vient à la fois de l’ambiguïté sexuelle du personnage interprété par Steve Carell et du fait qu'il n'a aucune légitimité à se poser en modèle.
Enfin deux autres films s'amusaient cette année à détourner, voire renverser cette logique de domination pour mieux créer le décalage ou questionner la position de l''homme dans le couple. Dans « Alleluia », le Belge Fabrice Du Weltz donne en effet à l'excellente Lola Dueñas le beau rôle, en amoureuse de Laurent Lucas, arnaqueur professionnel, qui prend le dessus et par jalousie, accomplit des actes plus que condamnables. Une comédie bien noire, mais fortement réjouissante dans son inversion des rôles entre manipulateurs. Et pour terminer, le suédois « Turist » joue avec l'image de l'homme sensé être un héros aux yeux du monde et particulièrement de sa femme. Montrant celui-ci comme un lâche, face à un risque d'avalanche, c'est à une thérapie de couple des plus cyniques que nous invite le film, avec un humour tout nordique. Un film réjouissant et intelligent qui inverse les codes pour mieux en souligner le dépassement.
Olivier Bachelard
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