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Cannes 2014 - Retour thématique sur la 67e édition : Le règne des films politiques


Le Festival de Cannes 2014 aura définitivement été placé sous le signe du film politique, alignant des sujets aussi délicats que la corruption, la tyrannie religieuse, l'immigration, l'oppression des minorités, ou la crise économique, envisagés sous l'angle de la poésie, de la comédie, voire de la parabole osée.

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Le film russe « Leviathan », signé Andreï Zviaguintsev (« Le retour ») nous proposait, au travers du destin de Kolia, menacé d'expropriation, un état d'un pays soumis à la corruption à toutes les échelles, et où la tentation du refuge dans l'alcool est toujours aussi grande. Parlant également de la perversion d'un système, où l'économie parallèle devient la règle, c'est certainement le film ukrainien « The tribe », grand gagnant de la Semaine de la critique, qui a filé une vraie gifle aux festivaliers. Entièrement tourné avec des interprètes sourds et muets, le film ne dispose d'aucune parole. Il présente ainsi le quotidien d'un internat où les filles se prostituent sous l'autorité de garçons formant gang, et où les plus faibles sont réduits au « silence ». Un film choc sur l'état d'un pays où tout vient à manquer, même l'hygiène la plus essentielle (voir la scène d'avortement à l'aiguille, en temps réel, insoutenable).

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Stigmatisant les rejets dont font l'objet les immigrés, « White god » du Hongrois Kornél Mundruczó (« Delta ») choisit une parabole osée pour aborder ce sujet, alors que « Xenia », film grec, préfère le ton de la comédie désabusée. Le premier choisit de raconter l'histoire d'un chien, rejeté par ses maître, enfermé, exploité et choisissant au final la rébellion, pour mieux signifier le destin de ces personnes à peine considérées comme des êtres humains et souvent objet de discrimination. En mettant en scène deux frères d'origine albanaise, recherchant un père grec qui ne veut pas les reconnaître, le réalisateur Panos H. Koutras aborde la montée de l'extrême droite dans une Grèce aux prises avec une crise économique qui n'en finit plus. Un joli film, aux belles scènes orniriques, qui mêle questions intimes et destin national.

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Mêmes questions chez les frères Dardenne, dont « Deux jours, une nuit » a créé l'émotion. Cette durée, c'est le temps dont dispose le personnage de Marion Cotillard (formidable) pour sauver son emploi, en tentant de convaincre ses collègues e renoncer à leur prime. Un principe certes répétitif, mais qui enfonce le clou quant à la spirale infernale de la précarité, faisant perdre à la fois dignité et humanité.


Dans un autre genre, l'Australien Rolf De Heer (« La chambre tranquille ») fait son grand retour avec un nouveau film ethnique intitulé « Charlie's country ». Faisant état de l'exclusion organisée et d'une tribu aborigène maintenue dans une réserve, le film va droit au but. Contrôle des activités traditionnelles de chasse, conséquences de la consommation d'alcool, il raconte la perte des racines et l'impossibilité de s'intégrer, tout comme l'incapacité des autorités à prendre en compte ceux qui ne veulent pas de la civilisation moderne occidentale. Autres porteurs de ce refus, pour ceux-ci condamnables dans leurs pratiques, les islamistes religieux sont au cœur du magnifique « Timbuktu », grand oublié du palmarès. Le nouveau film d'Abderrahmane Sissako, montre en toile de fond les brimades quotidiennes, et la disparition de la culture et des libertés. Une belle œuvre, aussi politique que poétique.

Olivier Bachelard

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