Si le devoir est une thématique récurrente des films asiatiques, c'est étrangement au travers de « Lettres d'Iwo Jima », réalisé par l'américain Clint Eastwood que cette notion transpire le plus, en lien avec celles d'honneur et de courage. Cependant, avec moins de films historiques, la patrie perd du terrain face à la famille et surtout aux défunts de toutes sortes, sources d'inspiration et donc de sujets valorisant au passage la solidarité face à un individualisme galoppant.
Si « No regret » exprimait avec lourdeur l'humiliation que constitue un mariage forcé entre un homosexuel amoureux d'un tapin et une riche héritière, « Tuya's marriage » (ours d'or 2007) dressait le portrait touchant d'une femme dont le combat pour maintenir sa petite exploitation et nourrir ses enfants, cachait un amour sans faille pour un mari infirme. Plongés dans l'infinie beauté des steppes de Mongolie, les spectateurs berlinois ont eu la joie de découvrir cette comédie, dans laquelle l'héroïne, Tuya, n'a d'autre solution que de divorcer pour se remarier avec un homme valide. De l'incroyable défilé de prétendants naît un humour salvateur, qui contraste avec la détresse du futur ex-mari qui doutera jusqu'au bout de son sort. Une histoire d'amour et de sacrifice hors du commun, qui montre à la fois les difficultés de la vie dans un pays où l'on peut encore égarer une enfant au milieu d'une tempête de neige et où la notion de couple est parfois avant tout, pratique.
Face à la mort ou à son éventualité, les personnages firent preuve cette année d'une générosité exemplaire. Ainsi, dans « Ad Lib Light », une jeune femme acceptait de se faire passer pour la fille d'un mourant, longtemps absente de sa maison. Teinté d'un léger mystère, le film verse dans l'émotion lorsque celle-ci s'implique subitement dans le deuil, délaissant alors les petits jeux du chat et de la souris avec ses anciens prétendus amis. Elle sera finalement la seule à ne pas avoir de linge sale à laver au sein de cette famille faussement unie. Tout au contraire, dans « Faces of a fig tree », le deuil du patriarche d'une fantaisiste famille déchaîne à la fois les convoitises des faux proches et l'incrédulité de sa femme, qui laisse le corps au milieu du salon, continuant à faire comme s'il était vivant. Une fois la torpeur passée, étrange coutume, elle lui cuisine ses plats préférés. Décalé, le film en dit beaucoup sur une douceur de vivre qui semble se perdre et sur un choc de culture en plein essort.
Mais l'émotion vint de films à la fois plus originaux et plus commerciaux. Ainsi, « Getting home » nous contait les faceties d'un malin vieillard qui emmène le cadavre de son ami dans les montagnes pour être enterré auprès des siens. L'ingéniosité simple du scénario surprend à chaque instant, tous les stratagèmes étant bons pour cacher ou transporter le défunt. Et même les pires situations sont décrites avec humour et tendresse, du remplacement d'un épouvantail par le cadavre, à sa sortie de route lorsqu'il est ligotté à l'intérieur d'un pneu de camion. On s'attache à la générosité du personnage principal comme à l'incongruité des figures rencontrées (le braqueur, le vieux qui paye le village pour fêter ses propres funérailles. Et cela donne un road movie hors normes et plein d'humanité.
Autre film un peu à part, le quasi huis clos « I'm a cyborg but that's ok » de Park Chan Wook (« Old boy ») mettait en scène une jeune femme persuadée d'être un robot et internée dans un hôpital psychiatrique. Partant des phobies de la belle, menacée de mort car se privant d'alimentation « pour ne pas âbimer ses circuits », le réalisateur nous entraîne dans l'univers des autres patients qui constitueront sa planche de salut. Cela donne de grands moments de fantaisie, où des coréens chantent du yodel ou s'envolent grace à des chaussons à électricité statique. Mais le film est aussi une vraie réussite dans ses moments de pure poésie, comme lorsque l'amoureux entre dans le jeu de sa belle, et dessine une porte dans son dos, comme une trappe qu'il va ouvrir pour la sauver... et lui fournit les sensations qui vont avec en souffllant délicatement ou en imitant des grincements.
Le monde moderne ne semble finalement avoir que peu d'emprise sur l'univers créatif des cinéastes aisiatiques. Si « Lost in Beijing » s'attaque à la déliquescence de la famille, c'est au travers d'une comédie classique sur la paternité, le viol et les mères porteuses. Enfin, les films purement ethniques, comme « Desert dream » racontant l'inexorable avancée du désert en Mongolie, font preuve de trop de lenteur et de démonstration pour convaincre.
La poésie, la générosité ont donc le vent en poupe côté soleil levant. Et si, comme à Venise l'an dernier, les traumatismes récents sont toujours présents (déshumanisation de la société, barrage des trois gorges entraînant des déplacements de population), ça n'est qu'en toile de fond.
OB
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