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IL ETAIT UNE FOIS… SOS FANTÔMES, d'Ivan Reitman


Comment ne pas évoquer "S.O.S Fantômes" en 2014 alors que cette année fut exceptionnellement riche en annonces pour ce véritable film-phénomène à l'aura culte increvable. D'abord, le malheureux décès d'Harold Ramis (qui joue Egon Spengler, le savant à lunettes du quatuor), puis la célébration des 30 ans de la sortie américaine du film et, enfin, cette rumeur finalement avérée qu'un troisième volet/reboot composé d'un casting uniquement féminin verrait le jour courant 2015. A l'occasion du trentième anniversaire de la sortie du film en France, en ce mois de décembre 2014, Abus de ciné vous propose donc de faire un bond de plus 30 ans dans le passé pour revenir sur la genèse de ce film de potes qui a ouvert la voie à un autre type de comédies et analyser pourquoi ce film reste autant dans les mémoires de toute une génération.


D'un article sur la physique quantique à un scénario de chasseurs de fantômes new yorkais

L'origine de "Ghostbusters", c'est au scénariste/acteur Dan Aykroyd (interprète de Raymond Stanz dans le film) qu'on la doit. C'est en lisant un article de science pendant son petit-déjeuner sur la physique quantique et la possibilité d'existence d'univers parallèles que celui-ci se met à écrire une première mouture pour Eddie Murphy, John Belushi et lui. Issu du mythique show Saturday Night Live qui nous offre depuis trente ans de véritables perles de comédiens et d'auteurs (comme Tina Fey ou Judd Apatow), Dan Aykroyd cherche une nouvelle histoire pour permettre à son compère Belushi et lui de continuer leurs pitreries sur grand écran après le succès des "Blues Brothers" dont il signa également le scénario. Malheureusement, c'est pendant l'écriture d'une réplique qui lui était tout spécialement destinée que l'auteur apprend la mort de son ami. Sans pour autant jeter l'éponge, Dan Aykroyd finalise sa première mouture avec un autre membre du SNL en tête, beaucoup plus populaire que Belushi : Bill Murray. Celui-ci se montrera vite intéressé à la lecture de la première version sans pour autant s'engager catégoriquement avant le début du tournage.

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Pour la réalisation, il fait appel à Ivan Reitman, alors réalisateur de "Arrête de râmer, t'es sur le sable" et "Les Bleus" (tous deux avec Bill Murray en rôle-titre) qui se montre très séduit par le projet mais ne voit pas le film réalisable tel que Dan l'a écrit. En effet, l'action est censée se dérouler dans un New York futuriste avec des incursions dans l'espace et la 4e dimension. Beaucoup trop cher voire impossible à produire pour l'époque, le ton de cette première mouture est également bien plus sérieux que le résultat qu'il nous a été donné de voir. Le duo se trouve alors un autre auteur, Harold Ramis, le réalisateur de "Golf en folie" (également avec Bill Murray, décidément !) et une fois Frank Price, le chef de la division de Columbia, embarqué malgré un budget faramineux estimé à 25 millions de dollars, les trois cinéastes s'exilent à Martha's Vinyard (surnommée l'île des présidents) et s'affairent à épurer le scénario, resituer l'action dans le New York contemporain et définir les traits de caractères des trois acolytes (Egon le cérébral, Wenkman l'embobineur/charmeur et Ray l'excité). Ivan Reitman déclara a posteriori qu'il s'agissait là d'un des plus beaux moments de sa vie et c'est certainement l'alchimie de ces sessions d'écritures ainsi que les trouvailles de Murray sur le tournage qui ont définitivement donné la patte comique au film que l'on connaît aujourd'hui.

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Redonner ses lettres de noblesse à New York, la ville des gangsters… et de Bill Murray !

Une fois le casting recruté, avec Bill Murray enfin confirmé et Sigourney Weaver, révélée par "Alien" en tête d'affiche pour la première fois dans une comédie, la troupe s'apprête à filmer en plein New York City. A l'époque, la ville ne jouit pas de la même aura qu'aujourd'hui. C'était la ville du crime, décors des films de Scorsese dans lesquels la violence et les gangs font rage. On est loin de l'actuelle image de la célèbre capitale économique et culturelle. "S.O.S Fantômes" est l'un des premiers films qui contribue à redonner à New York ses lettres de noblesses en filmant son incroyable architecture, de la grande bibliothèque publique pour sa mythique scène d'ouverture aux gargouilles de la cathédrale Saint-Patrick en passant par Central Park Ouest et la fameuse université de Columbia.
L'équipe s'acharne donc à tourner les scènes sans autorisation et se fait même courser par des gardiens dans les couloirs du Rockerfeller center. Le tournage de la séquence finale devant le 55 Central Park West a bloqué le trafic de quasi l'intégralité de Manathan, se souviendra Ivan Reitman. Certains en sont exaspérés comme l'auteur de science-fiction Isaac Asimov mais la plupart des new-yorkais restent indulgents car Bill Murray n'est jamais loin. Sa popularité et son sens du contact font mouche auprès des habitants de la ville et surtout des femmes. Mickeal Orvitz, le producteur du film raconte : "Bill était comme le maire de la ville. Il connaissait tous les portiers, avait ses entrées dans tous les restaurants. Il allait retirer des billets et les distribuait aux SDF en marchant dans la rue."

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Nul doute que le film n'aurait pas eu la même saveur et certainement pas le même succès si Bill Murray n'avait été de la partie. Sur le tournage, il fourmille de trouvailles. Sa collaboration avec Sigourney Weaver n'en est que plus productive et une énergie collaborative se dégage du duo. Ivan Reitman et Harold Ramis racontait dans le commentaire audio du DVD que Murray avait embarqué par-dessus son épaule la vedette d'Alien pour lui faire un tour du plateau, le premier jour de leur rencontre. Fort heureusement, le charisme et l'assurance de Bill Murray ne virera jamais à la vanité. Bill Murray vient du SNL où la mentalité était de faire valoir son/ses partenaires de jeu. Finalement, en quelques semaines, le tournage entre New York et le studio de Los Angeles est bouclé.
C'est ensuite à Richard Edlund et son équipe de concevoir les quelques 200 effets spéciaux qui permettront aux fantômes de prendre vie. L'équipe reconnaîtra a posteriori que certains n'étaient pas très réussis (comme le cerbère atterrissant sur la table ou encore les nuages maléfiques autour de la cîme de l'immeuble de Dana). Ils ont même été amusés d'apprendre que certains critiques pensaient qu'il s'agissait là d'un choix esthétique délibéré !

Instantanément culte comme 30 ans plus tard !

Il faut remettre les choses dans le contexte de l'époque. Columbia mise très gros sur ce coup. C'est la première fois qu'une comédie d'horreur est financée à cette hauteur. Même "Les Gremlins" - concurrent direct de "SOS Fantômes" puisqu'il sort quasi en même temps que la production de Columbia Pictures aux Etats-Unis (Juin 1984) et en France (Décembre 1984) - ne dispose que d'un budget de 11 millions de dollars. Frank Price est considéré par ses pairs comme un futur ruiné jusqu'à ce que retentisse le tube de Ray Parker Jr., "Ghostbusters" composé tout spécialement pour le film, dont le refrain "who you gonna call?" devient un gimmick pour bon nombre d'Américains. Lors de la première semaine d'exploitation, le film d'Ivan Reitman termine 1er, talonné par "Les Gremlins", sorti le même jour. Les salles sont bondées durant des mois et les spectateurs rient à gorges déployées. Au final "Ghostbusters" engrange près de 250 millions de dollars sur le territoire et devient le plus gros succès du studio Columbia Pictures. En France et à l'étranger, le succès est moins franc mais tout de même retentissant. Chez nous, même s'il fait finalement moins que "Les Gremlins" (juste en dessous des 3 millions de spectateurs alors que le film de Joe Dante termine sa course à plus de 3 millions et demie), le film termine 10e de cette année fructueuse en succès ("Marche à l'Ombre", Les Ripoux", "Indiana Jones", "Amadeus", entre autres !).


Les produits et séries dérivés affluent et des années après "S.O.S. Fantômes" continue de garder cette aura de "film cool". Pourquoi ? Parce qu'il s'agit avant tout d'un film de potes dont la synergie du casting transperce l'écran. Voir la foule New Yorkaise scander "Ghostbusters" sur Central Park West a quelque chose de stimulant. La clique et la signature du Saturday Night Live est bien présente et bon nombre de critiques américaines considèrent que "S.O.S. fantômes" a contribué à briser les clivages TV/cinéma qui régnaient jusqu'alors. Ensuite, avec "Les Gremlins", "S.O.S. Fantômes" inaugure avec brio les blockbusters comiques ET horrifiques.
Grâce à un savant mélange de second degré et séquences d'épouvantes (Le Bibendum Chamallow piétinant New York en est un parfait exemple), Ivan Reitman et Dan Aykroyd donnent un sérieux coup de jeune au genre en mariant du burlesque aux dernières trouvailles en matière d'effets spéciaux. Le film ouvre un boulevard pour "Retour vers le futur" et "Les Goonies" qui sortiront l'année d'après. Petits et grands y trouvent leur compte et trente ans plus tard, le film reste encore dans les mémoires et les programmations hertziennes. Donc à l'approche des fêtes, si vous tombez dessus, faites-vous plaisir et ne zappez pas !

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Alexandre Romanazzi

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