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champs-elysees-film-festival 2014 - Bilan


Cette troisième édition du Champs-Élysées Film Festival fut belle et riche, avec de très nombreux « coups de cœur », et presque aucun « coup de gueule ». Mais en plus des différentes projections, on retiendra également les rencontres avec Bertrand Tavernier et Jacqueline Bisset, ainsi que la venue de Keanu Reeves, gardant toujours le sourire malgré des questions parfois surprenantes. Ces moments de partage avec des réalisateurs ou des comédiens sont toujours appréciés du public, et cette année Agnès Varda, Whit Stillman et Mike Figgis se sont également prêtés au jeu des questions-réponses.

Parmi les longs métrages en compétition, c’est "Fort Bliss" de Claudia Myers sur le retour d’une mère célibataire après une mission en Afghanistan qui a gagné le cœur du public, tandis que le documentaire "American Promise", déjà récompensé à Sundance en 2013, est reparti avec le prix du jury. Si nous sommes plutôt d’accord avec ce palmarès, il nous appartenait de revenir plus en détail sur ces 7 jours de festival pour mettre en lumière les autres pépites de cette édition.

Une compétition extrêmement relevée

Les neuf métrages sélectionnés nous ont offert de vrais beaux moments du cinéma, même si on regrettera peut être de ne pas avoir reçu de véritable claque. Mais le film qui s’en approche le plus est certainement "The Magic City" de R. Malcom James. Ce réalisateur de clips pour Chris Brown, Nas et Flo-Rida notamment, démontre la même aisance et la même originalité avec son premier long métrage. Film solaire, la caméra de l’américain sublime le quartier sensible de Liberty City et nous plonge au cœur d’une amitié naissante entre trois jeunes filles. Pudiquement, et avec sobriété, le cinéaste développe une belle leçon de vie profondément humaniste, sans jamais tomber dans les clichés qui peuvent incomber à certains films se déroulant dans des « ghettos ».

Autre drame, "1982" de Tommy Oliver bénéficie également de qualités évidentes, même si son aspect larmoyant réduit son efficacité. Et l’histoire poignante d’une mère toxicomane qui délaisse sa famille pour s’enfermer dans la spirale de la drogue devient presque anecdotique, tant des artifices viennent polluer le récit. En ce qui concerne les comédies, si "Summer of Blood" et "See you next Tuesday" ont échauffé nos zygomatiques, c’est "Obvious Child" qui viendra déclencher les fous rires. Après le court-métrage éponyme, Gillian Robespierre met une nouvelle fois en scène l’histoire délirante d’une humoriste qui perd son job, se fait larguer et découvre qu’elle est enceinte. Les gags figurent à foison dans ce vaudeville survitaminé où les répliques cocasses et l’humour pinçant de la protagoniste principale mettent un bon coup de fouet aux comédies américaines.

La jeunesse était à l’honneur avec les deux documentaires de la compétition. "American Promise" contait le destin de deux jeunes enfants pour s’intéresser en toile de fond au système scolaire américain tandis que "Rich Hill", chronique de trois adolescents, s’intéressait aux conséquences de la crise, et à la vie en milieu rural pour des jeunes à la dérive. Le film nous plongeait dans leur dure réalité pour diffuser son message d’espoir, pour montrer comment ces gamins essayaient de s’en sortir et comment ceux-ci gardaient malgré tout leur joie de vivre.

Les avant-premières américaines

Parmi la pléthore d’avant-premières « made in USA », on retiendra les deux délirants "Albert à l’Ouest" et "Nos pires voisins" où humour graveleux et gros délires visuels se marient parfaitement. Les deux comédies déjantées font la part belle aux vannes en dessous de la ceinture, et le vent de totale liberté qui souffle sur ces bouffonneries en fait de savoureux divertissements. "Jersey Boys", l’une des belles surprises du festival, voit Clint Eastwood revenir à la hauteur de sa légende. Il met en scène une comédie musicale entraînante bien plus profonde que ce qu’on imaginait. Sur les notes des chansons des "The Four Seasons", le cinéaste s’interroge sur les concessions que nécessite la carrière de musicien, et développe une réflexion sur l’être humain avec ironie et sensibilité. Captant l’atmosphère d’une époque où tous les rêves étaient permis, le réalisateur crée une ode à la joie enchantée qui ne fera pas tâche dans sa filmographie.

Mais c’est bien "Locke" de Steven Knight qui gagne le prix du meilleur film projeté. Ce hui-clos extrêmement intelligent enferme l’excellent Tom Hardy dans l’habitacle de sa voiture. En temps réel, le spectateur va alors le suivre sur la route et voir sa vie basculer au fur et à mesure des différents coups de téléphones. Avec un souci méticuleux du détail, le réalisateur parvient à maintenir une tension dramatique constante. Intense et terriblement authentique, ce drame met en lumière Tom Hardy dans un rôle moins physique qu’à son accoutumée, prouvant qu’il n’a pas besoin de ses muscles pour démontrer son talent. Et les agissements de cet homme qui cherche simplement à bien se comporter, à faire les « choses justes » nourrissent une réflexion passionnante.

Si "Ping Pong Summer" où le ping-pong et le hip-hop se marient parfaitement, et "Test" sur la peur engendrée par le VIH dans le San-Francisco des années 80 nous ont offert de beaux moments, on s’attardera plus sur l’intrigant "Under the Skin". Dans cet objet filmique non identifié, Scarlett Johansson joue une extraterrestre tuant les hommes en les séduisant. Visuellement somptueux, le film de Jonathan Glazer poursuit son exploration de notre monde et de sa brutalité avec virtuosité, dans une approche fantastique qui lui est propre. Après "Her" où elle n’était qu’une voix désirable, la pulpeuse comédienne enchaîne avec un rôle où cette fois, elle n’est plus qu’un corps. Mais si son physique est au cœur de l’intrigue, la richesse du scénario emmène le métrage vers une expérience sensorielle et onirique, confirmant le renouveau de la carrière de l’actrice.

Les avant-premières françaises

Si la programmation américaine nous a enchanté, les films français n’étaient pas exactement au même niveau, la plupart d’entre eux constituant de bons moments à défaut d’être de grands films. La fantaisie de Robert Guédiguian "Au fil d’Ariane" nous a amusé, mais sa longueur a finit par lasser ; "Fastlife" permet à Thomas N’Gijol de nous offrir un one man show délirant, mais les ficelles scénaristiques trop apparentes et le manque de profondeur des seconds rôles ont déçu ; tandis qu’"Ablations" subjugue par ses envolées lyriques et sa dimension onirique, mais énerve profondément par ses tics esthétiques et ses situations rocambolesques absolument pas maîtrisées.

Malgré ces dernières petites réticences, cette troisième édition du Champs-Élysées Film Festival a été une belle célébration du Cinéma, aucune catastrophe cinématographique n’étant à déplorer. Et après le succès des deux précédentes éditions, cet événement s’impose de plus en plus comme un rendez-vous incontournables de la capitale, parvenant à réunir aussi bien les cinéphiles que le grand public sur la « plus belle avenue du monde ». C’est donc avec impatience qu’on attend déjà de revenir l’année prochaine.

Christophe Brangé

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