DOSSIER

LES MEILLEURS FILMS DE 2013 SELON OLIVIER BACHELARD

Que dire de cette cuvée cinéma 2013 ?
Qu'elle aura été déroutante de bout en bout ? Que les films les plus attendus n'auront pour une fois pas forcément déçu, et même dépassé nos expectatives (à l'image de « Gravity », ou du « Hobbit : La Désolation de Smaug ») ? Que mon envie de cinéma s'avère fluctuante (sur 236 films visionnés, seuls 93 m'auront amené à me déplacer dans une salle obscure, souvent lyonnaise, parfois parisienne, le reste se concentrant sur des lieux où la motivation est finalement autre : 113 auront été découverts en festivals, 13 en projo de presse, 5 en avant-première à l'étranger et 12 en DVD). Est-ce l'âge qui entre en jeu, le temps pourri du printemps, la fin d'année maussade, ou le manque d'attractivité des films qui joue à plein ? Il m'a en tous cas été bien difficile d'établir une hiérarchie entre les quelque 20 films qui sortaient du lot. Voici donc les résultats d'une longue, très longue... prise de tête.

Regain d'originalité ?
Même si nombre de blockbusters n'ont pas démérité dans leur genre (« Wolverine, le combat de l'immortel », « Star Trek into darkness », « Elyseum », « Insaisissables » ou « Man of steel »), c'est globalement la faculté à surprendre et à vous embarquer dans d'autres mondes qui a guidé mes choix cette année. Il semble en tous cas se dessiner un regain d'originalité parmi le flot de grosses machines hollywoodiennes, les studios ne tirant cependant pas forcément leur épingle du jeu en termes de rentabilité.

« Upside down », de Juan Solanas, domine ainsi mon classement, avec sa charmante romance entre deux mondes inverses, pleine d'inventivité, aussi puissante dans sa parabole politique que dans sa vision esthétique. En troisième position, la fresque « Cloud Atlas » étale toute son ampleur sur plusieurs siècles, dessinant une véritable légende, entre religion et mouvement contestataire. Quatrième, le pur plaisir geek s'affirme avec le très réussi « Pacific Rim », festival de destructions en tous genres, porté par une 3D époustouflante de détails : on est submergé. Côté immersion, « Gravity » s'impose, et après une longue attente n'aura pas démérité, alliant dans un parfait équilibre moments de tension et portrait d'une femme en renaissance. Quant au « Hobbit », son deuxième épisode tient toutes ses promesses et nous entraîne dans des flots d'aventures trépidantes.

Films d'auteurs à la portée universelle
Face à ces 5 gros budgets, on trouve une flopée de projets arts et essai, dont l'ampleur politique ou humaine fait leur valeur, autant que leur traitement ambitieux. On retrouve ainsi en seconde position un étrange conte écolo, où les abeilles ayant disparu, l'humanité se trouve plongée dans un hiver éternel : « La Cinquième saison ». Suivent une enchanteresse adaptation de Blanche-Neige, version torero, dans un sublime muet noir et blanc (« Blancanieves », 5e), la poignante éclosion d'une jeune femme dans « La Vie d'Adèle » (6e), un passionnant récit de campagne mêlant fond politique et imagination publicitaire (« No », 7e). Alors qu'un enfant qui se cherche un père de substitution ferme la marche, en 9e position (« Mud »), talonné hors classement par des projets tous plus originaux les uns que les autres : « La Tête en l'air », « Renoir », « Le Congrès », « Pieta », « Diaz »...

Portraits émouvants
Côté acteurs, les candidats se comptaient à peine sur les doigts de deux mains. Ce sont finalement les marginaux qui se payent la part du lion, avec un homme sous influence sectaire (Joaquin Phoenix), un loser adepte de la nature (Paul Rudd), un dealer aux dents en or (James Franco, décidément multi-facettes) et un gay devenu la chose de son amant, au point de se transformer en lui, via la chirurgie esthétique (Matt Damon).

Les filles étaient bien plus nombreuses en lice, et si Cate Blanchett, favorite des prochains Oscars pour le dernier Woody Allen, était incontournable, ce sont les nouvelles venues qui tiennent le haut du pavé. Jeunes filles en pleine découverte (Adèle Exarchopoulos, Marine Vacht) ou trentenaire flippée (Greta Gerwig), elles rivalisent avec une jeune femme qui s'est déjà fait un nom : Sara Forestier, époustouflante dans le très physique « Mes séances de lutte ».

Enfin côté réalisateurs, si Cuaron et Kechiche se distinguent forcément, les trois autres brillent par l'originalité de leur point de vue sur le monde. À commencer par l'autrichien Ulrich Seidl, auteur de la remarquable trilogie « Paradis », où il s'amuse à fustiger les concepts d'amour, de foi et d'espoir. Suivent Ari Folman, entre film live et dessin animé, pour un « Congrès » tout en divagations, et Jia Zhang-Ke avec un quadruple portrait de la Chine actuelle, violent et sans concession.

Un festival de sensations
Pas facile cette année de choisir un thème spécifique pour mettre en valeur des films qui me tiennent aussi à cœur, mais qui ne pouvaient se retrouver parmi les meilleurs. Le choix des documentaires ou des films d'animation aurait été trop facile. Du coup, c'est sur des films dont on ne ressort pas indemne que s'est porté mon choix cette année, des films coups de poing traitant de la capacité de lutte et de survie de l'être humain, sujet aussi abordé d'une certaine manière dans « Gravity » d'un point de vue intime (le deuil), ou « No » d'un point de vue politique (la résistance à la dictature et aux pressions). Les 5 films choisis disposent soit d'un scénario brillamment tordu, soit optent pour un parti pris de mise en scène surprenant.

Film politique, « Diaz – un crime d'État » nous emmène au cœur de la répression policière lors du sommet du G8 de Gênes. On en ressort ulcéré. « Pieta » traite avec violence de la culpabilité, du pardon, et du besoin de contact même chez les pires monstres. « Le Congrès » nous invite dans un monde animé, où l'on peut acheter l'image de l'autre et imaginer une vie qui nous conviendrait mieux. Le dessin animé espagnol, « La Tête en l'air », traite de l'oubli, au travers du poignant portrait d'un vieillard atteint d'Alzheimer. Quant au troublant « Trance » de Danny Boyle, découverte tardive en DVD (comme quoi...), s'il semble un peu facile quant à sa description de l'hypnose, il nous offre une fin déchirante, sous forme d'histoire d'amour maudite, tout en questionnant la nature même de l'oubli. Après la projection, reste cette question qui vous taraude sans cesse : si vous pouviez effacer certains souvenirs liés à certaines blessures, le feriez-vous réellement ?

Pour juger d'une année de cinéma, il faut en tous cas en expérimenter le meilleur comme le pire. Et si l'honnêteté de « Super trash » est à mettre en doute, si l'humour de « Tip Top » atterre, si la vacuité de « I want your love » désole, autant que les gags des « Profs » ou les incohérences de « La Chute de la Maison-Blanche », cela n'enlève rien à l'émotion provoquée par la moue d'Adèle, le regard amoureux d'un nain dans « Blancanieves » ou les sanglots rageurs d'un ados en mal de père dans « Mud ». Heureusement.

TOP films
1 - Upside down, de Juan Solanas
2 - La Cinquième saison, de Jessica Woodworth et Peter Brosens
3 - Cloud Atlas, de Andy et Lana Wachowsky, Tom Tykwer
4 - Pacific Rim, de Guillermo Del Toro
5 - Blancanieves, de Pablo Berger
6 - La Vie d'Adèle, de Abdelatif Kechiche
7 - No, de Pablo Larrain
8 - Gravity, de Alfonso Cuaron
9 - Mud - Sur les rives du Mississippi, de Jeff Nichols
10 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug, de Peter Jackson

FLOP films
1 - Super Trash, de Martin Esposito
2 - Tip Top, de Serge Bozon
3 - Les Profs, de Pierre-François Martin Laval
4 - La Chute de la Maison-Blanche, de Antoine Fuqua
5 - I want your love, de Travis Mathews

TOP Réalisateurs
1 - Ulrich Seidl (Paradis : amour, Paradis : foi, Paradis : espoir)
2 - Adellatif Kechiche (La Vie d'Adèle)
3 - Alfonso Cuaron (Gravity)
4 - Ary Folman (Le Congrès)
5 - Jia Zhang-Ke (A touch of sin)

TOP Acteurs
1 - Joaquin Phoenix (The Master)
2 - Paul Rudd (Prince of Texas)
3 - Hugh Jackman (Prisoners)
4 - James Franco (Spring breakers)
5 - Matt Damon (Ma vie avec Liberace)

TOP Actrices
1 - Adèle Exarchopoulos (La Vie d'Adèle)
2 - Cate Blanchett (Blue Jasmine)
3 - Sara Forestier (Mes séances de lutte)
4 - Greta Gerwig (Frances Ha)
5 - Marine Vacht (Jeune et jolie)

TOP thématique : Films coups de poing traitant de la capacité de survie
au scénario brillamment tordu ou aux choix de mise en scène surprenants
1 - La Tête en l'air, de Ignacio Ferreras
2 – Diaz – un crime d'État, de Daniele Vicari
3 – Pieta, de Kim Ki-Duk
4 – Trance, de Danny Boyle
5 - Le Congrès, de Ari Folman