Pauvre John Carpenter ! Déjà qu’il avait foiré son come-back en 2012 dans les grandes largeurs avec le pathétique "The Ward", voici que cette fois-ci, c’est carrément à l’un de ses propres films de passer au-delà de la date de péremption ! Désormais, lorsque l’on reverra en DVD le bien-nommé "Los Angeles 2013", pas sûr qu’on puisse regarder la chose de façon sérieuse et sans garder à l’esprit que 2013, ça ne ressemblait quand même pas à ça… !
Bon, blague à part, force est de reconnaître qu’après une année 2012 globalement pauvre en surprises, c’est face à un tsunami de grosses claques que cette année 2013 nous aura confrontés, laissant émerger au cœur de ce vaste chaos des propositions de cinéma hautement prenantes, conçues par des cinéastes en pleine possession de leurs moyens.
Décrocher la lune
De quoi dire que la lune a été atteinte ? A vrai dire, les limites du possible semblent avoir été franchies pour de bon, ne serait-ce que sur le plan technique. La tête du classement ci-dessous accordée au chef-d’œuvre d’Alfonso Cuaron apparaît comme une évidence des plus limpides : loin de se contenter d’offrir aux spectateurs une expérience immersive comme jamais le 7e art n’en avait proposé, le cinéaste tend largement à effacer les limites du possible vers l’infini et au-delà, de l’utilisation de la 3D à la virtuosité sans égal des plans-séquences en passant par un degré de réalisme spatial transcendé par les technologies les plus folles du moment. Un tour de force à la fois visuel et conceptuel dont on n’est toujours pas revenu indemne.
Cartographie des émotions
Dans la même lignée, mais sous un angle axé davantage sur la narration, un trio de cinéastes brillants aura réussi ni plus ni moins que le pari scénaristique le plus casse-gueule depuis un bail : avec "Cloud Atlas" et ses six histoires sur six époques différentes, la notion de « film-karma », englobant toutes les notions imaginables (genres, émotions, identités, époques, sensibilités, etc.) dans un tout d’une cohérence parfaite, semble enfin s’être concrétisée sous nos yeux. Et en termes de grand spectacle, n’oublions pas non plus "Pacific Rim", monumental kaïju-eïga conçu par le demi-dieu Guillermo Del Toro, à côté duquel n’importe quel "Transformers" passe pour un insignifiant spot de pub pour jouets bourrins.
De l’originalité pour les vétérans
Du côté des valeurs sûres, la confirmation a également répondu à l’appel : d’un Nicolas Winding Refn qui poursuit son approche expérimentale de genres codifiés qu’il transcende avec une maîtrise folle ("Only God forgives") à un Terrence Malick qui continue de flotter au-dessus de quasiment tout le monde ("A la Merveille") en passant par un Quentin Tarantino au zénith de ses capacités ("Django Unchained") et un Martin Scorsese qui fait passer le cirque financier pour un gigantesque coït sous cocaïne ("Le Loup de Wall Street"), on aura pris tout le temps de suivre l’évolution parfaitement maîtrisée de carrières placées sous le signe de l’audace, du perfectionnement et du rejet total de toute forme de redite (un conseil que Peter Jackson aurait dû suivre cette année, hélas…).
Cinéma d’auteur au top
Quant aux cinéastes expérimentaux, petites fourmis généralement écrasées sous le poids de dinosaures plus faciles à vendre pour les distributeurs, c’est tout aussi fabuleux : d’un côté, le méconnu Harmony Korine revient en force avec un ovni trash-coloré nommé "Spring Breakers" qui nous aura mis les neurones (et pas que) en surchauffe, et d’un autre côté, le cinéaste mexicain Carlos Reygadas, de plus en plus isolé dans son approche d’un art primitif et libéré de toute convention, poursuit malgré tout son chemin avec l’hallucinant "Post Tenebras Lux", expérience de cinéma géniale et déroutante qui aurait mérité autre chose qu’un rejet discret.
Après Carax en 2012, Kechiche explose à Cannes
Enfin, il était vital de revenir quelques instants sur le festival de Cannes. Au-delà d’un succès critique et public qui n’étonne plus du tout, le sacre de "La Vie d’Adèle" et de ses deux actrices (dont une, Adèle Exarchopoulos, qui aura réussi à éclipser toutes les prestations françaises de l’année) par un Spielberg maître d’un jury fabuleux renvoie d’une certaine manière à l’accueil critique triomphal de "Holy Motors" l’année dernière. Entre Carax et Kechiche, les rapports sont légion : deux cinéastes français aussi rares que radicaux dans leur style, longtemps vénérés au sein d’une bulle critique trop identifiable, mais enfin révélés de façon éclatante à un public beaucoup plus large, au travers d’un film à la fois plus abouti et plus accessible. De quoi continuer de glaner quelques récompenses bien méritées ici et là : on en reparlera sans doute au moment des Césars…
Ne reste alors plus qu’une année 2014 à inaugurer avec du très lourd (le mois de janvier s’annonce de toute beauté) et à vous souhaiter à tous d’excellentes émotions dans les salles obscures… Sur ce, je vous laisse, je crois qu’un Danois complètement cintré me réclame pour une orgie sur grand écran…
TOP films
1) Gravity, d’Alfonso Cuaron
2) La vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche
3) A la Merveille, de Terrence Malick
4) Only God forgives, de Nicolas Winding Refn
5) Spring Breakers, de Harmony Korine
6) Cloud Atlas, de Wachowski / Tykwer
7) Pacific Rim, de Guillermo Del Toro
8) Post Tenebras Lux, de Carlos Reygadas
9) Le Loup de Wall Street, de Martin Scorsese
10) Django Unchained, de Quentin Tarantino
FLOP films
1) Les stagiaires, de Shawn Levy
2) Bad Grandpa, de Jeff Tremaine
3) La vraie vie des profs, d’Albert Pereira-Lazaro & Emmanuel Klotz
4) Une chanson pour ma mère, de Joël Franka
5) Les reines du ring, de Jean-Marc Rudnicki
TOP réalisateurs
1) Alfonso Cuaron (Gravity)
2) Nicolas Winding Refn (Only God forgives)
3) Terrence Malick (A la Merveille)
4) Harmony Korine (Spring Breakers)
5) Jia Zhang-ke (A touch of sin)
TOP acteurs
1) Leonardo DiCaprio (Le Loup de Wall Street / Django Unchained)
2) James Franco (Spring Breakers)
3) Toni Servillo (La Grande Bellezza)
4) Hugh Jackman (Prisoners)
5) Matthew McConaughey (Mud / Le Loup de Wall Street)
TOP actrices
1) Adèle Exarchopoulos (La vie d’Adèle)
2) Sandra Bullock (Gravity)
3) Cate Blanchett (Blue Jasmine)
4) Greta Gerwig (Frances Ha)
5) Jennifer Lawrence (Happiness Therapy)
TOP thématique : Les meilleurs DTV de l’année
1) Love Exposure (Sono Sion)
2) L’image manquante (Rithy Panh)
3) Universal Soldier, le jour du jugement (John Hyams)
4) Soleil Trompeur 2 & 3 (Nikita Mikhalkov)
5) Dredd (Pete Travis)
Guillaume Gas
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