(GENERATION KILL)
série créée par David Simon et Ed Burns
avec Alexander Skarsgard, James Ransone, Lee Tergesen, Billy Lush, Jon Huertas, Stark Sands…
2003, invasion de l'Irak par l'armée américaine. "Generation Kill" suit un bataillon de reconnaissance d'US marines, de la frontière du Koweit jusqu'à la prise du centre de Bagdad.
Et de deux! A peine un an après leur monument télévisuel, "Sur Ecoute", qui s'était achevé en 2007 après cinq saisons fantastiques, Ed Burns et David Simon changent totalement de sujet et nous délivrent une brillante mini-série sur l'invasion de l'Irak. Se décomposant en sept épisodes d'1h05, "Generation Kill" débute par l'entrainement des marines US aux frontières du Koweit pour nous faire suivre un bataillon de reconnaissance, la "First Recon Unit", jusqu'aux portes de Bagdad.
Alors, oubliez les séries ou les films sur la guerre que vous avez pu voir auparavant. On est ici loin du spectacle d'un "Band of Brothers". Même si la scène d'ouverture est impressionnante par sa pyrotechnique, il y a très peu de combats dans "Generation Kill". Ce n'est pas la seconde guerre mondiale confrontant plusieurs puissances militaires équivalentes. C'est plutôt David contre Goliath. La supériorité tactique offerte par la technologie et l'appui aérien de l'armée américaine est dans pareille dans le camp de Saddam. A contrario de la série produite pas Steven Spielberg, celle de Simon et Burns décrit plutôt la routine de la guerre et l'on assiste plus à une critique et à une contestation de la hiérarchie qu'à une menace de la part des ennemis. D'ailleurs, le principal intérêt de la série reste ses dialogues superbement écrits et composés. De même, vous n'y trouverez pas de versant mélodramatique ou introspectif trop appuyés par de grandes mélodies lancinantes et tire-larmes. C'est bien simple, il n'y a même pas de musique de fond. Logique: on n'a pas le temps d'écouter les Doors quand les balles sifflent autour de nous (n'est-ce pas Coppola?). Comme pour "Sur Ecoute", les créateurs évitent par tous les moyens de nous prendre par les sentiments.
On a finalement l'impression d'assister à un documentaire, mais en mieux car beaucoup plus immersif. Cette impression trouve certainement son origine dans la source qui a inspiré la série puisqu'elle est tirée d'un recueil d'articles d'Evan Wright, un reporter de "Rolling Stones Magazine" qui se retrouve d'ailleurs dans la série sous les traits de Lee Tergesen (que l'on a aussi pu apprécier dans "OZ"). Les créateurs ont, une fois de plus, fait preuve d'une incroyable objectivité. On sent, d'une part, la précision du travail journalistique en amont, mais d'autre part, que son adaptation reste imprégnée de réalisme et évite brillamment de tomber dans la glorification du soldat au contraire de "Over There" une autre série sur la guerre en Irak produite en 2005 par FX Network.
Comme à son habitude, la chaîne HBO sait faire dans la nuance: aucune diabolisation, aucun angélisme sur les marines américains. Les multiples personnages sont creusés en profondeur et sont incarnés par d'excellents jeux d'acteurs. Parmi eux, Alexander Skarsgard, que l'on a pu aussi découvrir sous les traits d'Eric dans "True Blood", est, pour moi, la grande révélation de l'année télévisuelle de 2008. Il est tout bonnement débordant de charisme en sergent Bradley "Iceman" Colbert. Bref, gâchette facile ou personne réfléchie, chacun possède ses propres valeurs et son propre tempérament, à l'image du caporal Ray Person, véritable bout en train quelque peu raciste sur les bords.
A ce titre, les premiers épisodes traduisent à la perfection cette espèce de sentiment de supériorité et de dédain que les soldats éprouvent à l'égard des irakiens. A l'origine de ce méprit, on se rend compte qu'il s'agit bien souvent l'ignorance face à ceux qui sont dépeints par les médias américains comme des terroristes arriérés (n'oublions pas que les faits se passent en 2003). C'est au fur et à mesure des épisodes que l'évolution de la mentalité de certains marines se révèle. Les réflexions se font de plus en plus critiques et réfléchies comme celle du sergent Colbert suite au meurtre des chameaux d'une famille de civils irakiens. Très vite, les soldats vont se rendre compte que, bien plus que les combattants irréguliers qui leurs tendent des embuscades, ce sont les choix stratégiques et moraux de l'armée américaine sont plus à même à mettre leurs vies en danger.
Cette évolution au fil des épisodes est très certainement ce qui scotche et ce qui fascine autant dans cette série. Au fur et à mesure, les protagonistes se révèlent être plus que des soldats formatés par l'armée, jusqu'à un final magistral tenant du chef d'œuvre et qui résonne encore après le générique. A ce moment de grande solitude, sachant que l'aventure avec ces lurons est belle et bien finie, on n'a qu'une envie: découvrir la prochaine création de David Simon, "Treme", narrant la reconstruction de New Orleans après les ravages de Katerina et programmée en 2010 sur HBO. Cela promet d'être tout aussi grandiose que les deux chez d'œuvres qu'il nous a écrits avec son acolyte Ed Burns.
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