PORTRAIT

JIM JARMUSCH

Réalisateur

Portrait

© Le Pacte

Personnage atypique à la chevelure argentée, Jim Jarmusch suit un parcours cinématographique original, parsemé de lyrisme et de poésie. Très vite repéré pour l’esthétisme et l’inventivité de ces projets, celui qui a été révélé à Cannes dès son premier long-métrage, est aujourd’hui devenu un symbole du cinéma indépendant américain, préférant s’intéresser aux marginaux et s’éloigner des carcans hollywoodiens. Derrière ses fameuses lunettes noires, se cache un des plus grands cinéastes de son époque, à la patte inimitable.

Jim Jarmusch est né à Akron, dans l’Ohio, le 22 janvier 1953, d’un père homme d’affaires et d’une mère critique de cinéma dans un journal local. C’est ainsi très tôt que le garçon va s’imposer comme un grand cinéphile, celui-ci consommant jusqu’à plusieurs films par jour dès son plus jeune âge. Profitant du travail de sa mère, il assiste ainsi à de nombreuses projections, celle-ci le laissant également au cinéma lorsqu’elle désirait faire des courses. Plus le bambin grandit, plus il est attiré par la caméra, il se rêve à devenir un grand réalisateur. Déménageant à New-York à l’âge de dix-sept ans, il étudiera d’abord la littérature à l’université, son amour pour la poésie et les mots étant presque aussi fort que celui du septième Art. Et c’est très naturellement que la littérature occupera une grande place dans sa filmographie, celle-ci irriguant ses métrages. Mais l’élément qui finira de le persuader d’étudier le cinéma est l’année qu’il passe à Paris. Fréquentant assidument la Cinémathèque, il découvre alors les grands chefs-d’œuvre du Cinéma, et en particulier le cinéma japonais dont les films de Mizoguchi et Ozu qui le marqueront profondément.

De retour aux Etats-Unis, Jim Jarmusch sait désormais qu’il ne peut que travailler dans l’industrie cinématographique, sa passion dévorante ne lui laissant pas d’autre alternative. Il s’inscrit alors dans la section cinéma de l’Université de New-York. Mais très vite, les bancs de l’école lui paraissent inconfortables, il aime filmer, redessiner la réalité avec son objectif, et c’est pourquoi il n’obtiendra jamais son diplôme. Il utilise alors sa bourse d’étude pour réaliser son premier film « Permanent Vacation » en 1980, récit d’un jeune vagabond dans les rues de New-York. Cette première œuvre pose les bases de son cinéma futur : son amour des anti-héros et des vagabonds, son attachement à culture punk, sa tendance à décrire une réalité décalée, à s’intéresser à des marginaux, ou encore l’éloge de la musique. Et ce premier essai s’avère des plus concluants, celui-ci étant positivement reçu à de très nombreux festivals. Après avoir été l’assistant du Wim Wenders sur « Nick’s Movie », ce dernier l’aide à financer son véritable premier long-métrage, « Stranger than Paradise », un road-movie contemplatif magnifié par un sublime noir-et-blanc. Présenté à Cannes, le film repart avec la Caméra d’Or, prix récompensant le meilleur premier long-métrage.
Jarmusch devient l’égérie d’un cinéma indépendant baroque, son style inhabituel et son sens de la mise-en-scène lui valant déjà une renommée internationale au sein de la communauté cinéphile. Et son amour avec le festival de Cannes se poursuit dès son deuxième long métrage, celui-ci étant présenté en compétition officielle. « Down by law » en 1986 marque ainsi sa première incursion dans le registre de la comédie, avec cette histoire absurde d’un trio de taulards qui cherchent à s’évader. Tout en continuant de peindre le quotidien de marginaux, avec « Mistery Train » en 1989, le cinéaste ne délaisse pas le court-métrage, genre qu’il affectionne particulièrement. Il réalise ainsi un triptyque de courts métrages, rassemblés en 2003 dans un film unique « Coffee and Cigarettes », projet qui se compose d’histoires courtes dans lesquelles ses amis musiciens et acteurs fétiches (Roberto Benigni, Steven Wright, Tom Waits, Steve Buscemi, Meg White et Jack White notamment) partagent café et cigarettes, le troisième volet du triptyque lui valant la Palme d’or du court-métrage en 1993.

Par la suite, sa culture cinéphile va le pousser à revisiter les codes établis de certaines productions pour y injecter des éléments de son univers décalé. En 1995, il signe ainsi un western onirique magnifiquement porté par Johnny Depp, « Dead Man », et en 1999, il effectue sa relecture des films de samouraïs qui l’ont tant bercé plus jeune, avec « Ghost Dog : la voie du samouraï ». En 2005, il revient au road-movie avec un métrage empli de mélancolie, où Bill Murray déambule en Casanova vieillissant pour retrouver le fils qu’il aurait eu avec l’une de ses nombreuses conquêtes. Multipliant les atmosphères, cette comédie minimaliste douce-amère, moins barrée que ses précédentes réalisations, offre des moments d’une profonde sincérité et lui permet d’obtenir le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes. Après une variation enchanteresse et énigmatique du film noir avec « The Limits of Control », Jim Jarmusch revient en 2013 pour s’attaquer au mythe des vampires dans « Only Lovers Left Alive ». Aussi beau que son titre, ce métrage ultra-référencé dresse le portrait de deux amants éternels dans une atmosphère crépusculaire dessinant en creux notre société moribonde et désabusée.

Dandy du Cinéma, spécialiste des films à sketchs, Jim Jarmusch est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands cinéastes. Persistant dans sa voie anticonformiste, fidèle à ses amis et à ses thèmes de prédilection, cet éternel adolescent a poursuivi sa voie sans se soucier des contingences économiques ou des critiques. Immédiatement identifiables, ses œuvres sont à l’origine d’une filmographie parfaitement cohérente, où chaque projet s’insère parfaitement dans le puzzle qu’est en train de créer le cinéaste. Se renouvelant sans cesse, Jim Jarmusch est l’exemple vivant qu’on peut traiter des mêmes obsessions sans pour autant tomber dans la monotonie ou la facilité.

Le saviez-vous ?

Très grand mélomane, Jim Jarmusch a monté différents groupes de punk. Amoureux du rock, et excellent guitariste, il accorde une importance essentielle à ses bandes-son. Il compose ainsi avec ses amis musiciens la totalité des musiques de ses films, leur proposant souvent également un rôle dans ses métrages. Dans son dernier film, « Only Lovers left Alive », il joue lui-même tous les accords de guitare.

Filmographie

2013 : Only Lovers Left Alive
2009 : The Limits of Control
2005 : Broken Flowers
2003 : Coffee and Cigarettes
2002 : Ten Minutes Older (segment Int. Trailer Night)
1999 : Ghost Dog, la voie du samouraï (Ghost Dog, the way of the samouraï)
1997 : Year of the Horse
1995 : Dead Man
1993 : Coffee and Cigarettes III (court métrage)
1991 : Night on Earth
1989 : Mystery Train
1989 : Coffee and Cigarettes II (court métrage)
1986 : Down by Law
1986 : Coffee and Cigarettes I (court métrage)
1983 : Stranger Than Paradise
1982 : The New World (court métrage)
1980 : Permanent Vacation

Christophe Brangé
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