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Venise 2006 - Jour 4 - La délicieuse Reine de Stephen Frears sauvée par Blair


Samedi 02 septembre 2006

8H30 - Hors compétition - TO LET de Jaume Balaguero

Pour se réveiller, commençons donc la journée par un film d'horreur pur jus. Qui plus est réalisé par un des maîtres espagnols du genre (réalisateur de "Fragile" et "La secte sans noms"), Jaume Balaguero. Son dernier en date, "To Let", qui fait partie d'une collection pour la télévision, nous propose une plongée dans un quartier en pleine déshérence. Un couple attendant un enfant y visite un appartement et se fait séquestrer par la prétendue représentante de l'agence immobilière.

Entretenant par moment le doute entre rêve et réalité, par de savants retours en arrière sous forme de flashs, Balaguero s'amuse avec ses personnages pris au piège. Son scénario peut se résumer en une ligne: "comment s'échapper de cette maison?". Mais l'auteur s'amuse à planter ça et là quelques chausses-trappes et surtout ne leur donne pas le temps de réfléchir. Volontairement tourné vers des affrontements sanglants, n'hésitant pas à montrer blessures et sueur, son film opère caméra à l'épaule, arborant un mouvement permanent, qui met le spectateur au coeur de l'action, comme pris dans les soubresauts de nervosité des personnages.

10H45 - Compétition - THE QUEEN de Stephen Frears

Avec "The queen", Stephen Frears nous offre un double portrait. Double par son duo de visages, celui de la Reine d'Angleterre, mais aussi de Tony Blair, alors fraîchement élu. Double également par la duplicité dont les deux vont faire preuve, par hasard ou par calcul. Judicieusement, il situe l'action lors de l'investiture et principalement autour de la mort de Lady Dy et de l'organisation de ses funérailles.

Dès les premières minutes, il donne une idée de l'affrontement qui couve, et des deux intelligences en présence. Lors de leur première rencontre, assez hallucinante, il fait s'agenouiller Blair, fervent pourfendeur du principe même de la royauté, et le montre contraint à demander à la Reine la permission de devenir premier ministre. Cette subtile parabole de la demande en mariage en dit déjà long.

Le reste du film persiste sur le même ton, offrant quelques scènes hilarantes et une critique mordante du double système anglais. Le script montre comment l'un manipule l'autre et inversement, sans pour autant fustiger les personnes. Stephen Frears donne ainsi une vision très digne du personnage de le Reine (et de sa mère, à moitié gâteuse). Jamais méprisant, son film se concentre sur les jeux de pouvoir, conscients ou non, et les rapports avec les médias et donc le public que l'on découvre avec stupéfaction. Une vraie réussite, et surtout une véritable comédie d'une extrême finesse.

12H30 - Hors compétition - LE BANQUET de Feng Xiaogang

Présenté hors compétition, voici un nouveau film de sabre dans la lignée de "Hero" ou "Le secret des poignards volants". Particulièrement fourni en décors et apparats somptueux (notamment un superbe monastère où l'on apprend le chant et la danse), le film est une nouvelle reconstitution pseudo historique à la gloire de la grandeur de la Chine, basé sur une histoire de succession assez convenue.

Les maints rebondissements sur la fin ne pas forcément les bien venus, allongeant au maximum un film qui ne semble du coup pas comment finir, si ce n'est en éliminant tout le monde, et se termine du même coup sur un dernier plan assez incompréhensible. On se dit que le filon s'épuise peu à peu malgré les (nombreux) moyens mis en oeuvre et les (toujours plus nombreuses) scènes de bataille aux personnages volants et virevoltants. Seule différence peut être notable avec ses prédécesseurs, "Le banquet", s'il donne résolument dans la manigance, fait aussi une place prégnante au sang, qui gicle de toutes part et intègre ici l'esthétique du film à part entière.

17H00 - Compétition - PAPRIKA de Satoshi Kon

Trouver un dessin animé dans la compétition n'est plus chose rare. Cette année à Venise c'est Satoshi Kon qui a droit aux honneurs. L'auteur de "Tokyo Hodfathers" revient ici avec un conte surréaliste et futuriste. A la base du scénario: une invention permet à chacun de visualiser les rêves des autres, mais pas de les vivre, comme ce pouvait être le cas dans "Strange days".

La virtuosité de la mise en scène réside dans la mise en âbime de la réalité et des rêves qui s'entremêle à volonté, semant en permanence le doute dans un récit qui devient de plus en plus complexe. Les dangers liés aux anvancées technologiques et à l'intrusion de la société dans la vie privée sous prétexte de thérapie sont ici fustigés avec discrétion dans un bordel grandissant. Meilleur symbole de celui-ci, la parade des objets inanimés qui évolue dans un joyeux vacarme, mais ne s'en avère pas moins inquiétante. Un film survolté où personnalités multiples évoluent et se croisent dans les mêmes mondes.

18H45 - Horizons - SUELY IN THE SKY de Karim Ainouz

Avec une première partie assez convenue présentant le quotidien peu reluisant d'une jeune mère partageant une maison avec sa grand mère et sa tante, on pouvait craindre le pire de ce film brésilien. Mettant en avant désoeuvrement, attente désespérée d'un amant, père de son gamin, manquant à l'appel, le réalisateur se concentre sur les errances nocturnes de la damoiselle qui se laisse d'abord séduire par un jeune homme du cru, puis décide de prendre son destin en main.

Et c'est là que le film prend un tournant intéressant, dans la loterie que celle-ci décide d'organiser. Le gros lot consistant simplement en une nuit d'extase avec elle. Entre mépris affiché, brimades et humiliation volontaire, contre vents et marées ce personnage va tout mettre en oeuvre pour pouvoir partir, oublier son quotidien. Ce portrait positif fini donc par toucher, d'autant que l'interprète principale donne chair et âme à son personnage de manière authentique.


20H45 - Semaine de la critique - LE PRESSENTIMENT de Jean Pierre Darroussin

Ne délaissant pas son personnage de gentil garçon peu nerveux, Jean Pierre Darroussin s'est lui même attribué le premier rôle de son premier film en tant que metteur en scène. Adapté d'un roman, "Le pressentiment" est une sorte de conte réaliste sur l'isolement volontaire d'un quarantenaire tentant de revivre après ce qui semble avoir été une dépression.

Les dialogues sont assez savoureux, surtout dans les scènes avec ses frères et soeurs, odieux, comme la plupart des personnages secondaires, qui font preuve d'une inadaptation au dialogue assez flagrante. Le personnage principal lui, commente certaines situations ou manières d'agir en voix-off, ajoutant au charme de son comportement d'homme usé et lunaire. Il évolue avec pénibilité dans un monde agressif qui ne cherche nullement à le comprendre et provoque de légers rictus, comme une certaine inquiétude.

Source : OB

03/09/2006

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