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Venise 2006 - Jour 3 - Verhoeven signe un grand film de guerre


Vendredi 01 septembre 2006

8H30 - Hors compétition - THE CITY OF VIOLENCE de Seung Wan Rhyo

"The city of violence" s'ouvre avec la mort d'un homme, assassiné alors qu'il poursuit trois jeunes malfrats ayant fait irruption dans le bar dont il est le propriétaire. Ses amis se retrouvant à l'occasion de son enterrement (un policier venu de Séoul, son frère...) vont essayer de retrouver ses agresseurs. Le film ouvre cette année la série des films de minuit, séances très courues à Venise, et regroupant films de genres: horreur, policier, arts martiaux. Et celui-ci s'inscrit à la fois dans les deux dernières catégories. Usant des codes habituels des films policiers asiatiques (mafias, bandes de jeunes délinquants, policiers sur-entraînés...), le film utilise certains lieux pour des objets bien spécifiques comme le sauna pour effectuer les tortures.

L'histoire met en permanence nos deux héros en danger, et l'on se demande quelle sera la prochaine qui les attend. Non dénué d'humour, le film apparaît du coup d'une violence calculée, confinant plus à l'inquiétant qu'à la véritable peur. Ainsi lorsque dans la rue le policier se fait attaquer par un groupe de smurfeurs, on s'amuse des positions ahurissantes prises par ceux-ci. Mais lorsqu'une fois débarrassé d'eux nos deux compères doivent affronter trois équipes de différents sports (dont le hockey et le baseball), on est plutôt inquiet, comme eux, devant la masse. Histoire de copains et de rivalité, "The city of violence" semble donc empreinter des chemins déjà connus mais fait preuve pour une fois d'un certain réalisme dans les conséquences de combats. Ici les combattants saignent, ont des bleus. En bref, ils souffrent, et cela se voit à l'écran.

10H45 - Compétition - BLACK BOOK de Paul Verhoeven

Tant attendu depuis des années le retour de Paul Verhoeven, espéré à Cannes, présent à Deauville nous a permis de découvrir un grand film de guerre et de résistance. Après une incursion rapide en 1956 en Israël, le personnage principal, Rachel, se souvient, et le film se déroule en un long flash back. Quelques images suffisent pour accrocher l'oeil du spectateur par un bucolique paysage, dans lequel une jeune fille étendue au bord de l'eau, rencontre un jeune homme, beau, torse nu, qui accepte de l'accueillir sur son bateau. On croirait voir naître une histoire d'amour. C'est à un récit de séparations, manques et faux semblants que l'on va assister.

Un avion passe, larguant quelques bombes et le film bascule dans la noirceur de la guerre. "Black Book" nous conte ainsi un destin hors du commun, celui d'une jeune juive hollandaise devenue résistante. Intelligemment le scénario huile un à un les rouages de la collaboration ou de la résistance, selon de quel point de vue on se place. Entre rapprochements et multiples trahisons, il mêle l'intime et l'humain à la grande Histoire et provoque indignation, dégoût comme compassion. On se prend d'affection pour cette femme volontaire à qui il ne sera fait aucun cadeau et notre coeur balance entre le néerlandais et l'allemand pas si net. Une chose est sûre, Verhoeven a bien fait de revenir à ses racines. En sa Hollande natale, il nous livre une grande fresque sur les dessous pas si simples de la libération de son pays.

14H30 - Compétition - DARATT de Mahamat Saleh Haroun

Il est toujours difficile de juger un film africain, dont la forme et la poésie souvent nous échappent. Dans un pays fraîchement sorti de la guerre civile, une commission décide d'amnistier les criminels de guerre, provoquant indignation et renfroçant le désir de vengeance. "Daratt" nous propose de suivre le voyage d'un jeune homme vers la ville dans l'espoir de retrouver l'assassin de son père.

Film sur la capacité de chacun à pardonner, "Daratt" ressemble en situation inversée au "Fils" des frères Dardenne. Mais humiliation volontaire suprême c'est ici la victime par ricochet qui travaille sous les ordres du bourreau. Politiquement engagé, il installe un climat extrêmement malsain entre ce jeune garçon renfermé aux accès de violence extérieurement incompréhensibles et l'homme malade qui l'emploi, faussement fragile et désireux de faire le bien. Une oeuvre troublante.

18H00 - Horizons - THE HOTTEST STATE de Ethan Hawke

Du côté de la section Horizons, le festival nous réserve une belle surprise avec le second film de Ethan Hawke ("Le cercle des poètes disparus", "Before Sunset"). "The hottest state" est une séduisante et envoûtante histoire d'un amour de jeunesse qui verra le garçon avant même ses 21 ans, "avoir le coeur brisé". Passant en revue les différentes étapes d'une toute neuve relation, le film nous offre une part de rêve conscient en permettant à son couple de réaliser nombre de classiques fantasmes (s'embrasser sur le palier pour le plus simple, faire l'amour dans les toilettes d'un restaurant pour le plus osé), ceci sans jamais tomber dans le cliché inutile.

Car ici toute situation, même la plus anodine (le dîner avec la mère) sert le propose sur comment se positionner en tant qu'homme vis à vis des femmes, comment acquérir de l'expérience sans se brûler les ailes. Et cela donne lieu à quelques discussions mémorables... dont celle où les deux amoureux se lancent à la gueule de classiques motifs (ou excuses) de séparation. On se délecte de ces mots, tout droit venus de la plume de l'auteur du roman dont est tiré le film, et on se laisse bercer par la musique qui baigne en permanence le tout. Et pour les récalcitrant il y aussi le plaisir de découvrir un jeune acteur à suivre ( Mark Webber ) touchant de naïveté et de sérieux assumé.

22H30 - PEURS PRIVEES PARTAGEES - COEURS (Private fears in public places) d'Alain Resnais

Pour finir la journée, la France entre dans la compétition et fait pale figure avec du théâtre filmé (adapté d'ailleurs d'une pièce) signé Alain Resnais. Si l'on peut saluer le travail sur les décors aux coloris somptueux, ce ne sont pas les quelques belles idées de mise en scène, comme le fait de plonger le film sous la neige, avec parfois la pénétration de celle-ci dans les scènes d'intérieur, provoquant quelques belles scènes d'intimité, qui sauvent le film d'un statisme effrayant.

Car malgré une grande distribution (Pierre Arditi, Lambert Wilson, Sabine Azéma, André Dussollier...), les pérégrinations des nombreux personnages sont plutôt pénibles à suivre, et l'on bien du mal à distinguer les "peurs privées" exprimées dans le titre. Bien sût, on rit volontier des extravagances érotiques de la secrétaire - aide à domicile (Sabine Azéma qui minaude comme elle sait si bien le faire). Mais même les jurons incessants du père d'Arditi, alité, n'amusent qu'un instant (n'est pas Tatie Danielle qui veut). D'autant que l'exagération sonne bien souvent à la porte d'un scénario déjà peu passionnant. Vivement le Benoît Jacquot.

Source : OB

02/09/06

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