Le lundi étant le jour de fermeture du Forum des Images, L’Étrange Festival a rejoint, avant-hier, un autre lieu (le cinéma Le Méliès à Montreuil) pour deux petites projections mais pas des moindres : « 22nd of May » de Koen Mortier et « Viva la Muerte » de Fernando Arrabal.
C’est justement « Viva la muerte » (+3) que nous avons choisi de voir en ce début de mardi après-midi, l’autre choix possible étant constitué du second programme de courts-métrages en compétition. L’occasion rêvée de voir si le film antifranquiste et anticlérical qui a sonné la fin de la censure totale en France (grâce au pouvoir de Jack Lang, a souligné Jean-Pierre Mocky qui a choisi le film dans le cadre de sa Carte blanche) n’avait rien perdu de sa force et de son pouvoir subversif. Que nenni ! Situé en Espagne au lendemain de la guerre civile, le métrage narre la vie d’un enfant d’une dizaine d’années, Fando, qui tente de trouver une explication logique à la disparition de son père alors que ce dernier a été dénoncé par sa mère et exécuté pour ses positions antifascistes. Les fantasmes de Fando donnent lieu à une multitude de scènes filmées au travers de filtres colorés. Poétique et surréaliste comme peut l’être « Le Chien andalou » de Luis Bunuel, le métrage continue, plus de quarante ans après sa réalisation, à mettre le spectateur mal à l’aise avec ses scènes imaginaires absurdes, incohérentes et le plus souvent atroces. Tiré du livre autobiographique de Fernando Arrabal « Baal Babylone », « Viva la muerte » témoigne à quel point le comparse de Roland Topor (qui a signé le superbe générique du film) et d’Alejandro Jodorowsky au sein du mouvement « Panique », a été traumatisé par le meurtre de son père par le régime franquiste.
Tout aussi original et étrange est le nouveau film des Hollandais Maartje Seyferth et Victor Nieuwenhuus, « Meat » (+2), un ofni à l’esthétique glacée et à la mise en scène lente et contemplative, dans lequel un inspecteur prend lentement la place du mort sur lequel il enquête. Résolument expérimental, le métrage est hypnotique, mais sa narration un peu désordonnée peut en laisser plus d’un sur le carreau. Comme son nom l’indique, « Meat » s’intéresse à la viande, celle des corps aux étreintes sauvages et tristes, mais aussi celle qui défile sur l’étal du boucher (la future victime). Pour preuve, cette scène en surimpression dans laquelle un couple fait l’amour sur fond d’image de cochon qu’on installe dans une chambre froide. Sans cesse fascinant par sa mise en scène étudiée et son récit éclaté, le métrage (qui ne fait pas dans la dentelle) apaisera les appétits des cinéphiles carnassiers les plus gourmands, mais risque fort de dégouter les végétariens accros au cinéma qui ne dérange pas.
La soirée se termine avec « El Infierno » (+3) de Luis Estrada, l’un des plus gros succès mexicains de l’année passée (plus de deux millions de spectateurs en deux semaines paraît-il) avec le « Machete » de Robert Rodriguez. Totalement irrévérencieux, ce métrage, sorti pile une semaine avant le bicentenaire de l’indépendance mexicaine, brosse le portrait au vitriol d’un pays corrompu et sans alternative de travail, dans lequel se mélangent les différents cartels, les narcotrafiquants ainsi qu’une police fédérale à la solde des truands. D’une grande drôlerie, le récit s’oriente peu à peu vers le drame mais ne cesse pas pour autant d’être caustique envers la politique hypocrite du Mexique, reflet sans fard d’un pays où les pauvres déconseillent de bosser pour la mafia alors qu’ils sont contents d’en tirer profits et bénéfices.
L’histoire de Benny, de retour au pays après avoir passé vingt ans en prison aux Etats-Unis, semble être monnaie courante pour ceux qui veulent accéder à la réussite. Mais le président Felipe Calderon a demandé, après avoir visionné le métrage, que l’« on soit plus prudent avec le nom et l’image du Mexique afin de ne pas briser l’esprit national ». Gage qu’« El Infierno » est explosif et révèle quelques vérités qu’il n’est pas bon d’énoncer.
Source: Christophe Hachez
07/09/11
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