Alors qu’en ce sixième jour de festival, toutes les thématiques commencent à se mélanger (inédits, ciné-concerts, films issus des cartes blanches, raretés bizarroïdes), nous nous sommes précipités pour aller voir ce qu’il en était de « Super » (+3) de James Gunn (« L’Armée des morts », « Horribilis »), film de super-héros sans pouvoir que certains vont inévitablement comparer à « Kick-Ass ». Si le thème n’est effectivement pas nouveau (on en trouve des traces dans le « Defendor » de Peter Stebbings ou « The Mystery Men » de Kinka Usher ), « Super » s’inscrit dans une vaine plus réaliste dans laquelle ni la violence, ni le sexe ne sont dissimulés. Franck d’Arbo (joué par l’excellent Rainn Wilson, le Dwight de « The Office ») a des visions christiques déstabilisantes et pense ainsi être un élu de Dieu. Le jour où son ex-femme (Liv Tyler) part avec un odieux Baron de la drogue (Kevin Bacon, génial en salaud intégral), Franck va devenir Crimson Bolt, un vengeur masqué vite rejoint par une jeune acolyte, fan de comic-books légèrement psychopathe (Ellen page, très amusante) qui répondra au surnom de Boltie. De ce scénario aussi déjanté que l’est le fabuleux générique d’animation qui ouvre le film, James Gunn (issu des productions Troma – le scénario de « Tromeo & Juliet » c’est lui !) tire une comédie trash et ironique, sombre et désespérée où les problèmes mentaux des personnages ne font aucun doute. Malgré toutes les références citées ultérieurement, « Super » fait davantage penser à l’univers bricolé de Michel Gondry, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour cette production qui tire le meilleur de son ambivalence humour/cruauté.
Assez contents de notre début de soirée, c’est en terrain inconnu que nous avançons pour voir un premier film belge, « Bullhead » (+3) de Michael R. Roskam, qui nous est présenté par le président du festival, Frédéric Temps, comme l’un des plus beaux films de l’année. Deux heures plus tard, tous les doutes sont effacés : le jeune réalisateur a effectivement signé un premier film totalement abouti (bien qu’un peu obscur dans son premier quart), qui réussit à faire converger ses différents thèmes (le polar agricole avec trafic d’hormones, le traumatisme d’enfance qui empêche l’homme de grandir) ainsi que les relations entre les personnages, vers un final qui tient autant des coïncidences des actes que de leur conséquences directes. Ambiance lourde émaillée de quelques scènes à l’humour bien dosé, esthétique grise et froide, contribuent à la force dramatique d’un film qui prouve qu’il se passe quelque chose du coté du cinéma belge.
Les fous de sons et d’images réunis sont également à la fête à l’Etrange Festival lors de ciné-concerts où un artiste effectue une performance musicale sur un film muet. Hier soir, c’était Boyd Rice (aussi connu sous le nom de Non) qui appliquait sa musique industrielle sur « Dementia – Daughter of horror » (+4), un chef-d’œuvre admiré, entre autres, par Jean Cocteau, Luis Bunuel, David Lynch ou encore John Waters. Seul film de son metteur en scène John Parker, ce polar cauchemardesque aux relents psychanalytiques latents a ainsi trouvé une nouvelle jeunesse, plus de 55 ans après la partition initiale de Georges Antheil.
Onirique, surréaliste et hautement angoissant, « Dementia – Daughter of horror », ballade fantasmée d’’une « gamine » dans les rues de Los Angeles, a trouvé un allié de taille en la personne de Boyd Rice, figure controversée de la contre-culture américaine, qui a su insuffler au film une terreur sonore faite de tonalités stridentes et de samples ressemblant à des cris. Dernier plaisir de la journée (mais pas des moindres), ce ciné-concert fabuleux a clôturé une journée placée sous le sceau de la félicité.
Source: Christophe Hachez
08/09/11
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