News Cinéma

Festival de Venise 2010: Jour 8 - Vénus Noire bouleversant et Ben Affleck à coté de la plaque


Mercredi 08 septembre 2010

Les limites entre spectacle et réalité

Deux ans après avoir bouleversé le festival et rafflé le Grand prix avec "La graine et le mulet", Abdellatif Kechiche revient, une nouvelle fois en compétition, avec "VENUS NOIRE". Récit de l'exploitation sonsentie d'une noire sud africaine, montrée dans un spectacle comme une "sauvage" capturée par un blanc, le film est une nouvelle fois un modèle de construction, Kechiche sachant parfaitement graduer la tension au fil de l'histoire. Posant dès le départ la condition finale de cette femme, il nous la fait presque oublier en décrivant ses relations avec tous ceux qui vont l'eploiter d'une manière ou du autre, de l'Afrikaner qui l'amena à Londre, au français qui l'exhibera dans des soirées libertine, en passant par les scientifiques qui voudraient l'observer.

Tout ce beau monde glace le sang. Et Kechiche prend comme toujours son temps pour nous faire ressentir l'humiliation, la dégradation dont est victime son personnage principal. Se concentrant cette fois-ci sur ce seul personnage, son film semble moins complexe que ses précédents. Il n'en provoque pas moins une émotion viscérale, exacerbée en cours de générique de fin, par quelques images d'archives savamment choisie, sur cette fameuse Vénus Hottentot.

Encore faudrait-il y croire

Ben Affleck fait une deuxième tentative coté réalisation, et se donne le rôle principal de "THE TOWN", récit des braquages d'un gang de Charlestown, Boston, présenté d'emblée comme le quartier où il y aurait eu le plus de braquages au monde. Si l'on se moque des statistiques de ce genre, on aurait aimé pouvoir croire à l'histoire de ce gang, et à la prétendue relation amoureuse que lie Affleck avec l'une des témoins de leurs méfaits. Malheureusement, et malgré quelques scènes de braquages plutôt efficaces, on déchante vite. La fauta à un scénario simpliste dont de nombreux éléments ne tiennent pas debout: la rencontre et surtout la poursuite d'une relation avec la témoin, l'emprise du mafieux irlandais (seul avec son unique garde du corps !), la fusillade avec les meilleur ami observée pendant de longues minutes par Affleck...

Mais tout cela n'est rien par rapport au principal défaut du film: l'interprétation catastrophique de Ben Affleck, incapable d'être juste, hormis dans les scènes où il se met en colère. Lors des moments intimes, il pose. Lors des scènes d'interrogatoire, il roule des yeux, avant de balancer une pauvre réplique bien loin de celle que le policier vient de lui asséner. Dire que l'on ne croit pas un instant à son personnage est un doux euphémisme.

Bizarrerie grecque

Après "Canine", primé en 2009 à Un certain regard à Cannes, le cinéma grec semble avoir repris des couleurs, puisque trois films sont présentés à Venise cette année. Coté compétition, c'est "ATTENBERG" de Athina Rachel Tsangari qui joue le rôle de petit film original. Le film s'ouvre sur une scène de patin. Non pas de patin à glace, mais de baiser fougueux ou plutôt clinique, entre deux filles, s'essayant à ce qui les attend plus tard, avec les garçons. L'une est sensée être expérimenté, mais cela fait du coup un peu peur. Ces deux filles sont les meilleures amies du monde et elles aiment à déconner, et parler des choses du sexe. On les retrouvera ainsi régulièrement ensemble, en train de parler d'arbres avec fruits "en forme de bites", de cracher par la fenêtre le plus loin possible ou de chanter du Françoise Hardy.

Déroutant durant les premières séquences, "Attenberg" se révèle progressivement une jolie histoire d'initiation adolscente, sur fond de mort annoncée d'un père malade. La complicité père-fille est remarquablement rendue, tout comme les premiers instants intimes avec un garçon vraisemblablement prévenant. Et la tristesse comme l'espoir sont finalement au rendez-vous de ce film étrange, mais réussi.

Sous-Gomorra

"ET IN TERRA PAX" de Matteo Bortugno et Daniele Coluccini est une poussive histoire de glandeurs et de trafiquants en tous genres. On y suit un ex-détenu, désireux de s'en sortir, mais qui ne trouvant pas d'issue (on ne le voit pas beaucoup chercher non plus), se retrouve à dealer sur un banc devant la barre où il réside, tout en faisant une cour faussement poétique à une belle semi-inconnue. Plans très graphiques sur une barre hlm décrépie, errance des jeunes du coin qui passent leur temps à être insatisfaits de tout ce qu'il peuvent faire (mais jamais jusqu'au bout), le film souffre d'une série de portraits qui ne convainquent pas. Comme si le scénario avait été écrit par des gens qui ne savent absolument rien du milieu sur lequel ils écrivent.

Hommage non dissimulé à Jacques Tati

Un petit régal que ce "ALL INCLUSIVE - 3D" de David Zamagni et Nadia Ranocchi, présenté ce soir hors compétition, et véritable hommage à Jacques Tati, plus dans la forme que sur le fond. Les scènes les plus généreuses en dialogues figurent au début du film, alors qu'une femme accepte un contrat pour diriger un hôtel en bord de mer. Puis, la découverte de l'hôtel et de ses occupants a lieu de manière méthodique, au fil de plans à la géométrie calculée, ceci jusqu'au pétage de plombs final, qui concentre malheureusement l'essentiel des gags. Moins drôle qu'un Tati original, "All inclusive" exploite à merveille les profondeurs de champs offertes par la 3D, le tout dans un très beau noir et blanc.

Egalement présentés ce jour:
"Zebraman" de Takashi Miike

Source: Olivier Bachelard

09/09/10

Partager cet article sur Facebook Twitter