News Cinéma

Festival de Venise 2010: Jour 7 - La lutte contre le franquisme vue par Alex de la Iglesia


Mardi 07 septembre 2010

Révolution italienne sans souffle

"NOI CREDEVAMO" de Mario Martone était l'un des films italiens de la compétition les plus attendus. Parce que son film d'une durée de 3h24 traitait de la révolution italienne, ou plutôt des tentatives d'unifications de l'Italie. Au travers de l'histoire de deux frères issus de la bourgoisie (Domenico et Angelo), et de leur ami, fils du métayer (Salvatore), Martone évoque près de 40 ans de l'histoire de l'Italie, au coeur du 19ème siècle, sans malheureusement éclaircir réellement le contexte, ni les relations entre les révolutionnaires français et italiens. Découpant son film en quatre parties (une correspondant à chacun des héros, la dernière se concentrant sur la lutte armée), le réalisateur laisse malheureusement trop de places aux dialogues et tractations, aboutissant à une oeuvre qui manque cruellement de souffle.

Le manque de moyens paraît d'ailleurs évident dès la première scène de bataille, totalement éludée sous prétexte d'incendie volontaire, la scène se déroulant entièrement dans la fumée, ne donnant à voir que quelques silhouettes de cavaliers ou quelques combattants en pleine action. Le choix de faire la part belle aux dialogues plutôt qu'à l'action aurait mérité plus de données sur le contexte, et même si l'on apprend beaucoup sur Orsini, Garibaldi ou Massini, seule la tentative ratée d'assassinat de Napoléon III fait office de climax. Bref, malgré la présence de la crème des acteurs italiens (le personnage du torturé Angelo pourrait peut-être valoir un prix d'interprétation à Valerio Binasco) tout cela reste bien obscure au regard du spectateur lambda.

Deux parties inégales

Alex de la Iglesia n'est pas un habitué des grands festivals. Grand Prix à Gerardmer pour "Le jour de la bête", il s'est surtout fait remarquer pour ses comédies excentriques et violentes ("Mes chers voisins", "Le crime farpait" ou "800 balles"). La sélection de son film, "BALADA TRISTE DE TROMPETA" en compétition, était donc un évènement de taille. Le résultat, assez déséquilibré entre une première partie très construite, extravagante mais cohérente, et une seconde totalement explosive, partant un peu trop dans tous les sens. Le film commence en 1937 dans un cirque, sous les bombardements, la troupe étant embrigadée de force pour lutter contre les troupes fascistes de Franco. Le magnifique clown décimant les soldats avec sa machète, habillé en robe rose, est à voir en soi, mais meurt fusillé au bout de quelques minutes. Son fils deviendra un clown triste, engagé par un nouveau cirque.

Histoire d'amour éperdu pour la femme d'un autre, d'une innocence trahie, "Balada Triste de Trompetta" est aussi une charge contre les élans totalitaire ("je suis le clown, je décide ce qui est drôle"), la complicité de l'église, l'hypocrisie face à la luxure. Cynique dans sa première partie, le scénario dérape complètement dans la seconde, avec le pétage de plomb du héros, réduit à l'état d'animal sauvage au sein d'une meute de chiens, puis habité d'une mission divine visant à abattre tous ceux qui se présentent sur son chemin. L'héroine, elle, devra faire son choix entre le violent et autoritaire et l'innocent. L'Espagne, heureusement, est revenue de ce choix là.

Vincent Gallo expérimental

Vincent Gallo est toujours aussi obsédé par un contrôle total de ses oeuvres, puisqu'on lui doit le scénario, le montage, la réalisation, la musique, etc, de son nouveau film. Quelques années après avoir provoqué son petit effet, à Cannes, avec "The brown bunny", film décrié pour sa fameuse scène de fellation, mais qui contenait l'expression d'une vraie souffrance, le voici de retour à Venise, avec "PROMISES WRITTEN IN WATER". L'accueil glacial en projection de presse lundi a visiblement affecté le réalisateur, qui a non seulement annulé la conférence de presse, mais de plus snobé la présentation officielle, à laquelle seule son actrice principale s'est rendue.

Il faut dire que son scénario semble bien minimal, lançant quelques fausses pistes que l'on ne sait comment interpréter. Certaines scènes font d'ailleurs osciller le public entre envie de rire ou retenue face au sérieux apparent de la mise en scène. Ainsi lorsque les amants partent diner et que la femme lui demande s'il a appelé Colette, celui répond plusieurs fois la même chose, changeant de ton, modifiant l'ordre des phrases... Est-on alors dans un tournage de film, Gallo alignant plusieurs prises sans coupure, histoire de saisir le moment le plus naturel. Le film provoque ainsi quelques interrogations qui pourraient faire croire à un montage habile, laissant place au fantasme de la femme parfaite, mais qu'une des dernières scènes vient malheureusement balayer d'un seul coup. Tout cela était donc sérieux et réel ?

Sang pour sang hémoglobine

Difficile de parler de "COLD FISH", de Sion Sono, sans dévoiler les principaux ressorts de l'intrigue. Les patrons d'un magasin de poissons tropicaux se rendent un soir dans le supermarché où travaillent leur fille, accusée d'avoir commis un vol. Clairement embarrassés, ils acceptent l'offre d'un mystérieux homme, patron lui aussi d'un magazin de poissons tropicaux, de l'engager, pour qu'elle prenne plaisir à son travail et revienne ainsi dans le droit chemin. Mais l'apparente gentillesse de cet homme d'une cinquantaine d'années pourrait bien caché des choses, et le père se retrouve très vite à jouer les bras droits pour lui.

Commençant à la manière d'une chronique familiale dans le Japon d'aujourd'hui, "Cold fish" vire dans une deuxième partie au film gore, les petites manies de l'homme de cinquante an et de sa toute jeune femme, plutôt masochiste sur les bords, provoquant le chaos autour d'eux. Ceux qui craignent le moins les flots d'hémoglobines prendront beaucoup de plaisir à ce thriller décomplexé et sadique dans lequel la chair et les poissons ont un rôle bien particulier. On ne vous en dit pas plus.

Egalement présentés ce jour:
"Dad" de Vlado Skafar
Ce petit film slovène, au rythme très posé, nous emmène dans un petit havre de paix où un père et son fils de dix ans se retrouvent pour une partie de pêche. Il s'engage alors entre les deux personnages une conversation en toute honnêteté, au cours de laquelle les langues se délieront, laissant dévoiler la perception qu'a le jeune fils, de la séparation de ses parents. Même si le film adopte un rythme lent et ennuyeux, le petit garçon captive à travers les réponses adultes et pleines de bon sens qu'il donne en réponse à ses parents (commentaire d'Alexandre Romanazzi).

"Notre étrangère" de Sarah Bouyain
Pour sa première fiction, la réalisatrice Sarah Bouyain nous emmène à Bobo, au Burkina-Faso, suivre Aminata, une jeune parisienne déracinée, partie retrouver sa mère. Mise à part la barrière évidente de la langue, le décalage culturel est à peine évoqué pour laisser place à une relation entre Amy et sa tante, assez insipide. Les seuls moments captivants restent l'ensemble des séquences se déroulant à Paris, malheureusement trop rares (commentaire d'Alexandre Romanazzi).

Source: Olivier Bachelard

08/09/10

Partager cet article sur Facebook Twitter