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Festival de Venise 2010: Jour 6 - Danis Tonovic prône la réconcialiation et Joaquim Phoenix révèle le hoax de l'année


Lundi 06 septembre 2010

Ré-éducation chinoise: l'ampleur des dégâts

"THE DITCH (Le fossé)", film chinois, produit par la France, est le film surprise de la compétition 2010. Un film partisan d'un certain mouvement de cinéma réalité, qui prend son temps pour expliciter un contexte dans lequel évoluent quelques personnages, plutôt que de construire un scénario complexe. Ici le spectateur est plongé d'emblée dans le froid du désert de Gobi, en 1960, suivant les destins d'un groupe de travailleurs forcés, victime du programme de ré-éducation chinois. Suite aux différentes maladies, au froid et au manque de nourriture, le chantier est arrêté, laissant chacun se débrouiller avec sa faim, certains choisissant de chasser les rats, de manger d'indigestes graines, voire de s'adonner au canibalisme.

Dans la poussière les hommes se comportent eux-même comme des animaux, rampant, se recroquevillant, allant jusqu'à manger le vomit d'une autre, malade. Et cela donne lieu à quelques scènes sont à la limite du suportable. Après une longue installation, c'est la promesse faite à un homme sur le point de mourir, la visite de sa femme, venue chercher la dépouille, qui constitueront le prétexte d'une découverte de l'ampleur du massacre. Un film qui fait froid dans le dos.

Chasse à l'homme

Sélectionné à la dernière minute, "ESSENTIAL KILLING", de Jerzy Skolimowski, met en scène un prisonnier afghan, capturé dans le désert après une fusillade frontale avec des GI's, puis emprisonné dans un pays de l'est de l'Europe. Lors d'un transfert, sa camionette est victime d'un accident, laissant ce dernier s'échapper dans la neige. Commence alors une chasse à l'homme sans dialogues, durant laquelle l'humanité du traqué sera questionnée à minima, le réalisateur proposant seulement quelques flash-back, éloignant le héros comme le spectateur du blanc des étendues enneigées, pour offrir quelques bribes de couleurs, et de bonheur apparent, suggéré notamment par la présence d'une femme et de son enfant.

Malheureusement, ces moments surrexposés ne nous présentent quasiment rien du personnage, ne justifiant en rien sa peur initiale et l'acte violent du début. De plus, ils deviennent même incohérents sur la fin, certes lorsque l'homme hallucine, du fait de l'ingestion de baies non judicieusement choisies, puisque des images de l'avenir apparaissent au milieu de celles du passé. La mise en scène, distanciée, et l'interprétation habitée de Vincent Gallo, permettent de ressentir de manière alternée, ce personnage comme humain, ou comme animal, lorsqu'il tue un chien à coups de couteaux, ou lorsqu'il arrête une femme avec son bébé, pour lui têter le sein. La seule vrai réussite du film, est d'avoir su faire ressentir sa faim.

Les figures du grand bandisme italien sont fatiguées

Avec "VALLANZASCA - GLI ANGELI DEL MALE", Michele Placido s'attaque à la peinture d'une nouvelle figure du grand bandisme à l'italienne. Le film commence en 1981, alors que l'homme est emprisonné en cellule d'isolement. Après un amusant falsh-back sur l'adolescence, le premier gang, on découvre un homme violent, colérique, impulsif, impatient, auquel lequel le spectateur aura non seulement du mal à s'identifier, mais aussi à trouver des excuses. A éviter de réellement développer les autres personnages, tout comme l'entourage direct de Vallanzasca (la femme et le fils sont rapidement évacués), Michele Placido rate pour une fois son coup.

Kim Rossi Stuart ne démérite cependant pas dans son interprétation, réussissant à communiquer la folie intérieure de cet homme, qui n'hésite pas à se taillader le torse pour voir son fils, à avaler des clous pour être transféré à l'hôpital de la prison, ou encore à déclarer une guerre ultra-violente à un clan rival. Le scénario, banal, aligne les braquages et ne réussira à resusciter l'intérêt que dans sa dernière partie, une fois l'année 81 atteinte et l'homme en prison. Quelques scènes de pure comédie viennent alors égayer la noirceur du récit, dont le fameux mariage avec une fan de prisonnier, volontairement médiatisé. Mais il est alors déjà trop tard pour redresser la barre.

Les meilleures intentions

La femme du réalisateur Bille August ("Les meilleures intentions", "Pelle le conquérant") s'essaye à la réalisation, et se retrouve en compétition à la Semaine de la critique vénétienne avec le drame "BEYOND" de Pernilla August. Porté de bout en bout par Noomi Rapace, la Lisbeth Salander de la série "Millenium", ce mélo suédois se concentre sur les secrets de famille d'une mère de famille qui reçoit un coup de téléphone de l'hôpital où sa mère vit ses derniers jours, celle-ci demandant à la voir. Sobrement, Pernilla August décrit, dans une alernance de flash-back, la jeunesse de cette femme, au père alcoolique, et au petit frère décédé, dont l'enfance eut aussi ses moments de bonheurs.

Le sentiment de culpabilité, l'incapacité à parler des évènements passés, même avec l'être le plus proche - le mari -, tout cela est plutôt bien rendu, mais n'apporte rien de bien nouveau parmis la multitude d'histoires de familles brisées par l'alcool, et l'incapacité du conjoint à partir, pour mieux protéger ses enfants. Restent quelques scènes d'une violence désespérée, lorsque la femme se voit contrainte d'évoquer son passé avec la famille qu'elle a choisie. Dur, mais faiblement original.

Avant la guerre

Depuis "No man's land", Prix du jury à Cannes, Danis Tanovic ne s'était pas particulièrement illustré. Son dernier film, "Eyes of war" était une tentative ratée d'internationalisation de son casting et de traitement des traumatismes de photographes de guerre, parfois victimes de dommages collatéraux. Son nouveau film, "CIRKUS COLUMBIA", présenté aux Journées des auteurs, est une oeuvre aussi touchante que drôle, située avant la guerre, dans une Serbie sur le point de déclarer son indépendance, comme la Croatie. Nous sommes en 1989, et un homme revient dans son village, après 20 ans d'exile en Allemagne, où il a pris une nouvelle femme, beaucoup plus jeune.

Forcément, le retour ne se fait pas sans mal, l'homme voulant récupérer sa maison, et faisant mettre à la rue son ex-femme et son fils, qu'il n'a connu que tout petit. Critique des politiques qui ont remplacés les communistes (vendus et profiteurs), "Cirkus Columbia" est aussi une histoire d'un homme et d'une femme, dont les déchirements prennent leurs racines il y a fort longtemps, dans une époque heureuse. La force du film réside justement dans la peinture d'un été doux-amer, où un garçon apprendra malgré lui à connaître son père. "Cirkus Columbia" revêt ainsi un double aspect initiatique, fait preuve d'un humour affirmé (avec notamment les gags récurrents moquant l'ancien communiste persécuté) et prône en douceur la réconciliation. A voir.

Egalement présentés ce jour:
"I'm still here" de Casey affleck
Vous souvenez vous de la déclaration de Joaquim Phoenix prétendant qu'il arrêtait sa carrière d'acteur pour se consacrer au cinéma ? Eh bien Casey Affleck l'a suivi deux années, durant lesquelles Joaquim devenu J.P. s'acharne à devenir rappeur ! Ce flagrant faux documentaire, dans la directe lignée d'un "La vie de Michel Muller", s'avère hilarant d'irrévérences envers le monde cinéma et d'autodérision corrosive. Les fans de Phoenix seront sans nul doute sidérés par les agissements de leur star préférée ! (commentaire par Alexandre Romanazzi)

"El Sicario Room 164" de Gianfranco Rosi

Source: Olivier Bachelard

07/09/10

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