Dimanche 05 septembre 2010
Graine de dictature: le Chili de Pablo Larrain
C'est le premier film à véritablement provoquer l'émotion, coté compétition. Avec "POST MORTEM", Pablo Larrain, présent à Cannes il y a deux ans avec "Tony Manero", prend le parti d'une mise en parallèle des agissements privés et professionnels d'un assistant de coronaire, chargé de taper les compte-rendu d'autopsie. Si la première partie ne passionne pas vraiment, elle introduit en douceur l'absence de personnalité de ce personnage, obsédé par sa voisine d'en face, danseuse de cabaret, avec laquelle il lie progressivement une relation respectueuse, mais certainement intéressée. Sans dévoiler grand chose des relations de cette belle femme, le réalisateur esquisse un milieu proche des aspirations du pouvoir alors en place.
Puis le récit bascule. Alors que le personnage principale prend sa douche, l'on entend de manière claire l'irruption de militaire dans la rue et les maisons. La belle a disparu et à l'hôpital, les cadavres s'accumulent, et les autopsies se succèdent, simplifiées à l'extrême. Description des débuts d'une dictature, "Post mortem" porte l'idée d'une république rêvée qui n'est déjà plus, d'une irruption du militaire dans les moindres recoins du quotidien, et l'arrangement de chacun avec ces nouvelles "règles" qu'il serait bon ne pas respecter, mais à quel prix. En deux scènes d'une violence psychologique inouïe, la collègue infirmière nous en donnera un rapide aperçu. Un film chilien simplement bouleversant, qui devrait trouver facilement son chemin vers le palmarès.
La palpitante enquête signée Tsui Hark
2010 sera résolument l'année des films de Sabre, puisqu'avant les "13 assassins" de Takeshi Miike, c'est Tsui Hark qui nous propose son "DETECTIVE DEE AND THE MYSTERY OF PHANTOM FLAME", thriller historique autour du couronnement d'une reine au 7ème siècle. Lors du chantier d'érection d'une statue géante de bouddha, un des régents meurt subitement, victime d'une combustion spontanée. Se sentant menacée, et suite à une prédiction apportée par un cerf sacré, la reine décide de rappeler le Detective Dee pour enquêter sur cette étrange affaire.
L'histoire foisonne de rebondissements, les décors sont magnifiques, les images de synthèses aidant à fournir une vision impressionante d'une immense ville japonaise à la cohérence architecturale indéniable. Les effets spéciaux sont également plutôt réussi, insufflant ce qu'il faut de magie dans cette histoire où la rivalité amoureuse des deux protagonistes principaux est sensiblement palpable. Leur scène de rencontre ne manque pas d'humour, faisant d'eux l'objet d'un combat au corps à corps se terminant par une étreinte contrecarrée par une pluie de flèches, visant à les assassiner. On tremble pour eux de bout en bout, tout en espérant qu'ils trouveront qui est derrière tous ces mystérieux meurtres.
La conquête de louest, version expérimentale
"MEEK'S CUTOFF" de Kelly Reichardt est l'un des films les plus expérimentaux que l'on nous ait donné à voir sur la conquête de l'ouest. Situé en Oregon en 1847, l'histoire est on ne peut plus simple: une caravane de colons, constitiuée de trois famille, s'est laissée parsuader par un certain Stephen Meek, qu'elle peut prendre un raccourci. Mais rapidement le résultat est là: il semblerait qu'ils soient perdus, et que l'eau ne tardera pas à manquer... Film traitant principalement de la nécessité de l'entraide, "Meek's cutoff" se divise en deux parties, avant et après la capture d'un indien.
La première nous permet de découvrir les forces en présence, l'importance des femmes ne devant être négligée. Il s'agit pour le groupe de se faire confiance, de se débarasser des poids morts, de partager, et pour les individus de jauger leur pouvoir (doit on prendre au nord ou au sud). Le tout sur fond de paysages arrides et sauvages. La seconde partie permet à ce petit monde de recentrer sa peur de l'autre, sur ce qui est essentiel à la survie. L'indien menace devient source d'espoir, mais pas forcément de confiance. Les tentatives de dialogue succèdent aux crises de nerfs et autres moments de tension. Et peu à peu la belle Foi du début, présente à chaque instant, de la prière au repas en passant par des lectures, fait place au doute. Un film remarquablement construit, qui permet au spectateur de ressentir l'épuisement de chacun des personnages.
Petites voix venues de Colombie
Dans la section Journées des auteurs, il était indispensable de découvrir le documentaire colombien "PEQUEÑAS VOCES", signé Jairo Carrillo et Oscar Andrade. Réalisé sous forme de dessin animé, le film retrace les entretiens réalisés avec différents enfants faisant partie des populations déplacées, en raison de la guerilla (2,1 millions de personnes dont 1 million d'enfant). Intelligemment, les réalisateurs ont demandé aux enfants de dessiner leur vision de l'enfance, dégageant au passage, de manière subtile, leur vision des soldats et de l'impact de la guerre sur leur famille, donc sur leur pays.
Ce travail, de près de 3 ans, intégre dans une animation fluide des personnages principaux (trois des enfants eux-mêmes, commentant en voix-off leur quotidien), ainsi qu'une multitude de personnages secondaires, crayonnés en 2D. Cela donne un résultat impressionant, enfantin sur la forme, et tout aussi joyeux que dramatique sur le fond. Car malgré les horreurs qui peuvent leur arriver (décès de proches, embrigadement, blessures...), ces derniers gardent toujours un regard positif sur la vie. Une vraie leçon, à méditer.
Source: Olivier Bachelard
06/09/10
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