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Festival de Venise 2010: Jour 3 - John Woo et Sofia Coppola réchauffent le Lido


On ne peut pas dire que cette année la météo permette de passer ses après-midi à la plage, la température globale étant plus proche des 25 degrés, que des 30. Déception donc pour ceux qui aiment à siroter l'apéritif dans un chaleureux jardin en fin de journée, ou taper leurs articles à l'ombre de quelques feuillages, les pieds dans le sable. Mais pire, en ce vendredi matin, le Lido a essuyé une série d'orages mémorables, dévastant nombres de tentes et parasols mis en place pour le Festival, emportant quelques lions décorant l'entrée du palais, inondant de nombreuses rues et commerces, et obligeant notamment l'espace accréditation et une partie de la salle de presse, à fermer. Espérons que le temps sera plus clément la semaine prochaine.

Vendredi 03 septembre 2010

A la recherche des morceaux du body de Bodhi

On le savait depuis plusieurs mois, après David Lynch et Pixar ce dernières années, c'était John Woo qui aurait cette année l'honneur de recevoir un Lion d'or pour sa carrière. Dans ce cadre, ce réalisateur aux fibres multiples présentait donc à Venise son dernier film, "REIGN OF ASSASSINS", film de sabre dans la plus grande tradition. On éprouve du coup un réel plaisir à s'éloigner des dernières productions de ce genre, plus orientées reconstitution historique, comme justement "Les 3 royaumes" signée du même John Woo, pour retrouver des histoires mythiques, plus fantaisistes, à l'image de ce qu'ont pu être les grands films de Zhang Yimou, "Le secret des poignards volants" ou "Hero". Moins enclin à des prouesses esthétiques, John Woo se concentre sur la noirceur de la secte sensée dominer le monde, les chorégraphies improbables de ses personnages et les pouvoirs magiques d'autres.

On se régale des divers rebondissements, souvent inattendus, inquiet de ce que pourrait bien être le secret des restes de ce fameux Bodhi, dont le corps coupé en deux est l'objet de convoitise de tellement de monde. Entre deux trahisons ou manipulations, John Woo injecte avec malice de délicieuses scènes de pure comédie, qu'il s'agisse des moments où une marchande voisine joue les entremetteuses, proposant à l'héroine des hommes plus laids les uns que les autres, ou lorsqu'on découvre enfin l'identité et les motivations de celui qui tire les ficelles. Original, fantaisite, rythmé, le dernier John Woo épate par sa capacité à surprendre, émerveiller et émouvoir. Que demander de plus.

Retrouver du sens

On est forcément un peu inquiet à la vision des premières scènes de "SOMEWHERE", nouveau film de Sofia Coppola ("Lost in translation", "Marie-Antoinette", "Virgin suicides"), puisque l'ennui du personnage principal nous est renvoyé avec une telle frontalité, qu'on ne peut que prendre d'emblée une certaine distance. Sans poser aucune base quant à la nature même ou la personnalité de cet homme, cette scénariste douée pour relater le spleen, nous le montre tournant en rond avec sa voiture de course, s'endormant face à des jumelles blondes en striptease privé, ou errant au volant, dans des quartiers friqués où les filles sont forcément jolies. Peinture d'une apparente superficialité et oisiveté, "Somewhere" révèle peu à peu les difficultés de Johnny, acteur interprété par Stephen Dorff, à se reconstruire un avenir après la séparation avec sa femme.

Usant comme personne d'un humour pince-sans-rire, Sofia Coppola tisse en toile de fond une peinture d'Hollywood où les acteurs sont volages, et les gens qui gravitent autour pas tous très clairs ni naturels (voir le masseur remplaçant, l'assistante de l'agent toujours enthousiaste même dans les pires situations...). L'opulence ne veut pas dire l'équilibre, et c'est en Italie, lors d'un tournage où Johnny emmène sa fille, que l'esquisse d'un bonheur possible se fera jour, au travers de jolies scènes de complicité avec la jeune Elle Fanning. Il n'y a certainement pas que pour les enfants de gens de cinéma que l'absence des parents provoque une souffrance. Il n'y a pas que les parents qui travaillent dans le cinéma, qui regrettent de ne pas être là pour leurs enfants, et que l'oppulencce ne soulage pas. En cela le dernier film de Sofia Coppola est bien universel qu'il n'y paraît, laissant derrière lui à ceux auxquels il parlera le plus, un espoir de retrouver du sens à une vie devenue morne à force d'absence.

Echangisme ou amour

Après nous avoir proposé un premier film sur les amours et les hésitations adolescentes, Anthony Cordier s'intéresse aux hésitations des adultes, avec "HAPPY FEW", désignant certainement les quelques rares personnes qui peuvent trouver dans l'échangisme, un équilibre, voire un véritable amour, sans forcément en faire un mode de vie. Présenté en compétition, le film a été ici très mal accueilli par la critique, alors que le public semble avoir été plus sensible à cette histoire de trouble réciproque entre deux couples, devenu amis, puis amants, dont certaines scènes s'avèrent d'un érotisme torride (voir la scène de la farine).

On saluera particulièrement le quatuor d'interprètes, composé d'un coté du couple Roshdy Zem / Marina Fois, et de l'autre, du couple Nicolas Duvauchelles / Elodie Bouchez, tous impeccables, exprimant chacun leur tour, lors de courts passages en voix off, les quelques doutes qu'ils peuvent éprouver. Ces doutes, légitimes, concernent des enjeux naturels du couple, tels que la complicité, le mensonge, les secrets réciproques, l'absence de règles, la jalousie refoulée, la routine... Tout cela peut-il durer sans que l'un des quatre en souffre. Chacun connaît déjà la réponse, mais chacun essaye, encore et encore, tant que le naturel est présent. Une jolie histoire, dans laquelle la morale a été laissée de coté un instant, ce qui parfois dans la vie devient une nécessité.

Lire la critique de "Happy Few" (+2) par Sylvia Grandgirard

Une jeune femme de 27 ans en liberté conditionnelle, voit ses beaux parents tenter de lui enlever la garde de son fils, avec lequel elle n'a pas eu de véritable contact direct depuis près de deux ans. Elle rencontre par petites annonces un marin, qui va l'engager comme aide auprès de sa mère dans son entreprise familiale. Histoire d'arrangements, "ANGELE ET TONY" d'Alix Delaporte est un film tourmenté, comme la vie des marins normands, un film dans lequel le contact humain n'a rien de facile. Face à Clotilde Hesme, en jeune femme libérée, prête à tout pour retrouver un fils qui la rejette, Grégory Gadebois joue les marins résignés, dont l'habitude du célibat et le physique enrobé font qu'il ne croit plus vraiment à l'amour, et contrebalancent des pulsions pourtant récurrentes.

Sur fond de révolte contre les quotas de pèche imposés par l'Europe ou l'Etat, ce scénario amène un parfait contraste entre le poids qui pèse sur chacun des personnages, et l'ouverture qu'offre ici la mer et les paysages venteux de Normandie. Cette histoire de la rencontre de deux résignations vient également d'être récompensée par le Prix Michel d'Ornano au Festival de Deauville, et devrait, de par son humanité, faire parler d'elle encore longtemps.

Lire la critique de "Angèle et Tony" (+2) par Olivier Bachelard

Egalement présentés ce jour:

"I baci mai dati" de Roberta Torre

Premier film présenté dans la section "Contrechamps italiens", "I baci mai dati" n'est pas à la hauteur de ses promesses. Pourtant tous les éléments de la comédie italienne étaient réunis : une Madonne, un miracle, un adultère et un maire. Malheureusement la sauce ne prend pas, et le film s'enlise rapidement en une pâle réplique, truffée de clichés, d'un Dino Risi. (commentaire signé Gaëlle Bouché)

"Gorbaciof" de Stefano Incerti

Ovationné de longues minutes par un public résolument sous le charme, le grand acteur italien Toni Servillo ("Il divo") a prouvé une nouvelle fois son immense talent dans ce film totalement taillé à sa mesure. Gorbaciof, surnommé ainsi à cause d'une tâche de vin frontale, est accro aux soirées de poker clandestines. Magouilleur et solitaire, il tombera contre toute attente fou amoureux d'une jeune asiatique. Même si le film traîne parfois un peu en longueur, l'histoire est attachante et la fin surprenante ! (commentaire signé Gaëlle Bouché)

"Incendies" de Denis Villeneuve

Suivie d'une magnifique standing ovation, la présentation du dernier film de Denis Villeneuve confirme qu'il s'agit là d'un film à ne pas manquer. Adapté d'une pièce de Wadji Mouawad, "Incendies" retrace la quête émouvante d'un frère et d'une sœur, pour retrouver leurs père et grand frère, qu'ils n'ont jamais connus. Une histoire bouleversante, qui vous passionnera deux heures durant. Un bon conseil, ne lisez rien sur le film avant de l'avoir vu, celui-ci en sera d'autant plus percutant ! (commentaire signé Gaëlle Bouché)

Source: Olivier Bachelard

04/09/10

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