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Festival de Venise 2010: Jour 2 - Julian Schnabel contre-productif avec Miral


Jeudi 02 septembre 2010

Amours contrariés

Tran Anh Hung a déjà gagné le Lion d'or en 1996 avec "Cyclo". Il revient cette année en compétition avec "NORWEGIAN WOOD", récit de l'amour impossible entre un jeune homme et l'ex-petite amie de son meilleur ami, suicidé à l'âge de 19 ans. Formaliste indéniablement doué pour la composition de ses plans et pour l'utlisation de couleurs flamboyantes ou sereines, le réalisateur japonais n'arrive ici à éblouir que par la beauté des intérieurs et celle des paysages austères qui jalonnent sa poussive histoire de folie et de jalousie.

La légèreté n'est clairement plus là, même dans les moments d'intimité entre des protagonistes perdus chacun dans leur logique. Et le nouveau trio amoureux, formé avec une fascinante jeune étudiante, n'intéresse pas vraiment. D'autant que finit par s'y mêler une troisième femme. Au final, on s'attardera uniquement sur quelques plans larges fascinant, détâchant quelques silhouettes sur divers fonds: un mur contre lequel le héros s'appuie, une étendue enneigée dans laquelle les amoureux s'étendent, un champs de hautes herbes où ils se promènent, tout de blanc vêtus...

Comment gâcher plusieurs bonnes histoires...

On l'espérait à Cannes, où il avait remporté le prix de la mise en scène pour "Le scaphandre et le papillon". C'est finalement à Venise, et en compétition, que Julian Schnabel présente "MIRAL", film clairement pro-palestinien, qui s'avère totalement contre-productif quant à son message sur une entente possible entre les deux peuples, israélien et palestinien. Le scénario survole en effet les deux existences qui auraient pu faire la véritable richesse du film, celle de Hind devenue patrone d'orphelinat, comme celle de Miral, l'orpheline, elle-même. Débutant avec un intéressant chapitrage visant à présenter trois protagonistes féminins qui auront un impact sur la vie de la jeune Miral, le film se perd ensuite en tentant de donner chaire cette dernière, à compter de ses 14 ans, menant nécessairement à une prise de conscience politique.

Plus ballotée qu'actrice des évènements, elle sera bien entendu forcée de prendre position, entre les partisans de la révolte armée et ceux des négociations. Le problème majeur est certainement que "Miral" sort aujourd'hui, en 2010, et du coup, au regard des négociations ayant donné lieu aux accords d'Oslo en 1993, actant la création d'un Etat Palestinien, il apparaît comme évident que les partisans de la négociation n'ont pas réussi à avoir de véritable résultat. Entre les lourds commentaires sur les colons, "véritable cancer" de la Palestine et la musique qui vient souligner chacun des moments dramatiques de l'histoire du pays, Schnabel se perd en une pédagogie appuyée, qui n'a de mérite que de recadrer une chronologie minimale de 1947 à 1993. Du coup, l'émotion reste à distance, le réalisateur ne sachant trop sur quel pied danser, allant jusqu'à introduire des scènes de pure comédie (la mère palestinienne qui veut dégoûter sa brue israélienne à table), ou des tics de mise en scène agaçants (les focales floues sur les cotés, pour marquer le trouble de certains personnages).

Lire la critique de "Miral" (-1) par Jean-Philippe Martin

Histoire de fous

Dans un asile italien, un homme né durant les "merveilleuses années 60" embrungue avec lui un autre pensionnaire, pour aller faire les courses avec une nonne pétomane. Etrange début pour cette histoire d'un interné psychiatrique, contée majoritairement en voix off par celui-ci, sur fond d'épisodes ayant marqué son enfance. "LA PECORA NERA" est donc le premier film italien en compétition. Signifiant "la chèvre noire", il aurait pu aussi s'intitulé "le bouc émissaire" et l'on n'en comprendra le titre qu'à la fin, après s'être attaché à ce personnage dont le rythme de diction inquiète autant que le cynisme rassure. Car c'est grâce à la multitude de détails que l'on croit à son histoire, la mise en scène s'attardant dans un premier temps sur l'imagination débordante, les vexations et les erreurs qui font le charme de l'enfance, ce malgré les difficultés, ici scolaires et familiales. On a ainsi droit à quelques scènes croustillantes, dont celle où le garçon se voit offrir un costume de lapin par les nonnes, alors que son rival auprès de la fille qu'il aime est déguisé en magicien !

Pince sans rire, délicieusement enfantin, le film revêt un aspect surréaliste plus que social, puisque chacun des personnages, de la grand mère obsédée par "les oeufs sortis du cul fumant de la poule" décrit au travers, à la possible petite amie, en passant par les prostituées martiennes, sont décrits au travers des yeux de l'aliéné lui-même. Mine de rien, le scénario s'attaque à quelques aspects fondamentaux de la relation amoureuse: savoir avoir confiance en l'être aimé, ne jamais s'imposer à l'autre. Les conséquences du manque d'amour peuvent être désatreuses, et mener à la folie. Mais la folie est-elle réellement hériditaire ?

D'un pas bien peu léger

Dans une école de danse chinoise, des élèves font la découverte d'un professeur hors normes, qui leur apprend à "respect la scène et donc respecter la salle de répétition". Tout un programme. "SHOWTIME" de Stanley Kwan se la joue résolument "Fame" version chinoise, sans l'entrain ni les enjeux de carrière, puisque le film se contente d'aligner les discussion sans grand intérêt, d'élèves dont certains sont en couple, d'autres non, certains issus d'un échange avec le Japon, d'autres non... Les scènes un peu fantaisistes où la danse voudrait entrer dans le quotidien de ces jeunes gens, comme lors du nettoyage de la caféteria, amusent un temps, puis s'avèrent vite anecdotique. Il faut dire que les messages sur l'amitié et la jeunesse perdue ne sont pas très léger, à l'image de la chanson de fin (dix ans plus tard) qui évoque "un ami qui ne doit pas partir". Oublions.

Egalement présentés aujourd'hui:

"La belle endormie" de Catherine Breillat
Alors que la journée avait commencé sous les meilleurs auspices ("Black Swan", "Machete"), quelle ne fut pas notre déception de clôturer la soirée avec le fort médiocre film de Catherine Breillat "La belle endormie". 83 longues minutes d'un récit qui re-visite trop librement le conte de "la belle au bois dormant". Un essai plombé de symboles des plus alambiqués, qui n'a abouti qu'à une seule chose: nous endormir nous aussi.

"L'amore buio" de Antonio Capuano
Après une ouverture saisissante et très stylisée, "L'Amore Buio" explore les conséquences psychologiques d'un viol collectif, à la fois du point de vue de la victime et de l'un des violeurs s'étant rendu à la police de lui-même. Il en résulte une dicchotomie en deux parties, l'une très prenante, narrant le besoin de liberté d'un adolescent singulier se réfugiant dans l'écriture, contre une autre un peu plus ennuyeuse, sur une victime, dont le viol qu'elle a subi est un sujet tabou à peine évoqué par sa famille (commentaire Alex Romanazzi).

"Guest" de José Luis Guerin
Le réalisateur José Luis Guerin nous invite à un tour du monde des festivals auxquels il a participé pour présenter "Dans la ville de Sylvia", et met en exergue le contexte social et politique des villes qu'il a visité. On peut ainsi assister aux manifestations des sans-papiers à Paris ou à des cours d'histoire sur les conquistadores donnés par un sans-abri. Malheureusement, Guerin fait tout pour rendre son documentaire de deux heures et quart austère en choisissant un noir et blanc livide et y en insérant des transitions interminables (commentaire Alex Romanazzi).

"A better tomorrow" de Song Hae-Sung
Comme de grands privilégiés, nous avons eu la chance de visionner en exclusivité «Moo-juk-ja» («A better tomorrow») à peine sorti de la salle de montage. Song Hae-Sung remake ici le film hong-kongais de Tsui Hark "Le syndicat du crime". Ce film sud-coréen, mature, nous laisse découvrir le destin de 3 hommes, liés par le sang ou liés par leur histoire, mais dont les modes de vie sont opposés. Une grande réussite à tous les niveaux (commentaire Alex Romanazzi).

Source: Olivier Bachelard

03/09/10

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