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Festival de Venise 2010: Jour 1 - Un cygne très noir pour Aronofsky et un Machete bien affuté


Alors que le nouveau palais des Festivals n'est pas encore sorti de terre, la faute à la découverte d'éléments toxiques qu'il faudra évacuer, et qui devraient retarder d'au moins un an son inauguration (prévue maintenant pour 2012), la 67ème Mostra tente de s'organiser autour du chantier, avec cette année une salle en moins (la Sala Perla 2, pourtant créée l'an dernier). Tâchant d'innover pour les festivaliers présents, en ajoutant plus de séances dans certaines salles ou en permettant le retrait d'invitations officielles pour les accrédités, les organisateurs font tout ce qu'ils peuvent pour que le Festival soit, comme chaque année, une fête, proposant, en marge d'une compétition regroupant une fois de plus de grands noms, de célébrer la Comédie Italienne. Viva il cinema !

Mercredi 01 septembre 2010

Triple ouverture hier soir avec la présentation du très attendu nouveau Darren Aronofsky, lion d'or il y a deux ans pour "The wrestler", d'une suite d'un film de Bruce Lee et, en séance de minuit, de l'ultra-violent "Machete", signé Robert Rodriguez.

Le chemin de croix de l'artiste

Natalie Portman incarne la danseuse classique dans toute sa persévérance mais aussi sa potentielle rigidité, dans le nouveau film de Darren Aronofsky, "BLACK SWAN" (le cygne noir). Désireuse de devenir la vedette du "Lac des cygnes", monté par un chorégraphe français (interprété avec une distance venimeuse par Vincent Cassel), elle va devoir faire face à ses propres peurs, comme à des rivales déterminées à lui nuire. Audacieuse, la caméra d'Aronofsky accompagne le corps de sa nouvelle muse, dans chacun de ses gestes, jouant de mouvements de balancier, comme de tourbillonnants effets, qu'il n'hésite pas à stopper net, pour mieux plonger le spectateur dans la recherche d'équilibre de cette jeune femme de plus en plus perturbée par un destin qui la dépasse.

Flirtant sans hésitation avec le fantastique, l'auteur interroge sur l'importance d'une solidité psychique à toute épreuve et la potentielle fragilité des danseuses (ou autres artistes) soudain balancés sous les feux de la rampe. De visages qui apparaissent dans une baignoire, en tableau au visage mouvant, en passant par des tatouages animés, il emmène sa protégée dans un monde cruel où la technique est aussi importante que la chaleur et le naturel, et où la place de chacun se joue à chaque instant. Jalousie, auto-destruction, angoisse, emprise des autres, tout concourre à la construction d'un excellent thriller paranoïaque, où rêves et fantasmes se mêlent à la réalité. Au final, Aronofsky pose deux questions fondamentales liées à la création artistique : quelle est la capacité de chacun à se freiner soi-même dans son désir de réussite (et quelle est donc la part de réel dans son script) ? peut-on réellement fusionner avec l'oeuvre, atteindre la perfection artistique, sans y laisser des plumes ? Heureusement, le cygne, qu'il soit blanc ou noir, en a quelques unes en réserve, et dans ce double rôle Natalie Portman pourrait bien décrocher non pas le Lion, mais la Copa Volpi de la meilleur actrice. Ca démarre fort.

Tiède hommage à Bruce Lee

Pour les 70 ans de la naissance de Bruce Lee, le Festival de Venise a décidé de programmer exceptionnellement un second film d'ouverture, "LEGEND OF THE FIST: THE RETURN OF CHEN ZHEN", résolumment orienté film d'action. Bruce Lee avait en effet tenu le rôle de Chen Zhen dans un film de 1972, tout comme ont pu le faire par la suite Jet Li, ou l'interprète du film actuel: Donni Yen ("Blade 2", "Seven swords"). Le film démarre en 1917, alors que des ouvriers chinois participent en France à l'effort de guerre. La scène d'ouverture est d'ailleurs assez époustoufflante et permet de démontrer son habile usage du couteau, objet qui lui sert absolument à tout: grimper aux murs, découper les torses des allemands, couper les cordes pour jouer les tarzan... Chen Zhen est donc de retour en pleine forme et s'étant fait passer pour mort, revient à Shanghaï, en pianiste provocateur face aux japonais qui occupent la ville.

Le reste du film est assez décevant, nous plongeant dans les méandres d'une histoire de résistance et d'espionnage, durant laquelle les trahisons seront multiples, mais les numéros de Kung-Fu bien moins impressionnants ou originaux. On n'y croit pas vraiment, même lors de la bataille à mains nues dans le fameux Dojo de Little Tokyo. Bref, Andrew Lau a été bien plus inspiré par le passé, que ce soit sur la brillante trilogie des "Internal affairs" ou sur le kitsch "Stormriders".

Ca va couper !

Toujours en séance officielle, et pour les plus courageux à minuit, les fans de Robert Rodriguez pouvaient enfin découvrir son long métrage tiré d'une des fausses bandes-annonces du duo de films "Grindhouse" co-signé avec Tarantino ("Boulevard de la mort" / "Planète terreur") en 2007. "MACHETE" a pleinement réussi à crée l'évènement, grâce à un casting puissant et sexy, en tête duquel on retrouve Danny Trejo et Jessica Alba, tous deux présents sur le Lido. L'histoire est simple, Machete, laissé pour mort après une scène d'ouverture mémorable dans laquelle il combat un trafiquant de drogue, s'est réfugié au Texas, où on lui propose une mallette de dollars pour abattre un sénateur anti-immigration (De Niro, savoureux). Mais la fusillade prévue s'avèrera truquée. Piégé, l'homme n'aura qu'une idée en tête: se venger.

Sur un léger fond politique mettant en avant les incohérences d'un Etat (le Texas) qui prône l'arrêt de l'immigration, alors qu'il en vit, "Machete" est avant tout un film d'action barré et ultra-violent, qui assume jusqu'au bout ses références à un cinéma Z dans lequel les scènes de bastons, plongeant souvent dans le gore le plus gratuit, alternent avec d'improbables scènes de sexes avec des filles, il faut bien le dire, aux formes plus que généreuses. Lindsey Lohan, Michelle Rodriguez et Jessica Alba, entre autres, semblent cela dit se délecter des clichés que leurs personnages charrient (comme avec She l'icône révolutionnaire sexy, directement inspiré du Ché). Ne boudons pas notre plaisir, car morceaux de bravoure et idées saugrenues ne manquent pas, la machète s'avérant un instrument utile, que ce soit pour tourner à gauche ou à droite quand on a transpercé un conducteur par derrière, ou pour s'échapper par une fenêtre, suspendu aux intestins de celui qui était venu vous tuer. "Machete" est donc un film irrévérencieux qui en fout plein la tête à la religion, aux politiques, à la télé et même... à certains immigrants. Incorrect et cradingue.

Beaucoup de bruit pour rien

Une foule dense se presse à l'entrée de la salle Darsena pour la projection du film d'ouverture des Venice days ou Journées des auteurs. Et il s'agit cette année d'un film français, "LE BRUIT DES GLACONS", signé Bertrand Blier, pour lequel seul le réalisateur et la fabuleuse Anne Alvaro ont fait le déplacement. Jean Dujardin y interprète un auteur en manque d'inspiration, cloitré dans sa maison de campagne, et s'adonnant à son passe temps préféré - siroter du vin blanc - , et doit un jour faire face à l'arrivée d'un inconnu, Albert Dupontel, qui se présente comme "son cancer".

Si justement l'arrivée de Dupontel est des plus réussie, car à la fois incongrue et rythmée de dialogues cyniques et percutants, le reste du film ne fait qu'aligner des réparties plutôt veines,
et ne tient que par le début d'une relation entre l'auteur et sa maîtresse de maison, qui rentre peu à peu dans son jeu. Et que dire de la fin, beaucoup trop facile, mais qui a le mérite de revenir sur la bonne idée de départ, reliant intelligemment moral et santé. Certains, au sein de la rédaction sont cependant plus favorables au film, qui récolte chez abusdecine.com, un Pour/Contre.

Lire la critique de "Le bruit des glaçons" (Pour/Contre) par Alexandre Romanazzi et Quentin

Green culture

Présenté également dans la section Journées des auteurs, "THE HAPPY POET" est une charmante petite comédie américaine sur un jeune homme tentant de s'en sortir en créant un stand de vente de nourriture saine et principalement végétarienne. Le réalisateur, Paul Gordon, interprète lui même le rôle principal, celui de Bill, homme plutôt introverti, qui tente d'affirmer son idée, sans être lui-même d'une évidente conviction. Et il doit faire face à la perplexité de son banquier, de ses premiers clients (tous obsédés par les hot dogs), ou même de ses amis, qui acceptent néanmoins de l'aider. Aveugle aux agissements de ceux qui l'entourent (un ami, qui profite des livraisons pour dealer du shit, et un parasite qui fut son premier client, à titre gratuit), on sent rapidement la catastrophe arriver. Mais le scénario contrebalance l'échec vraisemblable de l'entreprise, par une histoire d'amour naissante avec une cliente récurrente.

"The happy poet", du fait du métier de ce sympathique et généreux looser, qui aime à faire partager son goût des bonnes choses, est donc une comédie engagée (contre la mal bouffe, le prix du "bio", la mécanisation de l'agriculture...), doublé d'une véritable comédie, certes bavarde, mais qui sait exploiter chacun des personnages secondaires, comme le "hot-dog nazi" qui veut que sa charrette ne serve qu'à produire ce genre de nourriture, et tirer profit des situations les plus classiques, comme une première soirée intime, où la lecture d'un poème un peu sombre pourrait bien tout gâcher. Un film cuit à point, prêt à emporter, dont on regrettera juste le happy end, en forme de success story un peu trop facile.

Source: Olivier Bachelard

02/09/10

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