PARADIS : AMOUR
(Paradies : liebe)
de Ulrich Seidl
avec Maria Hofstätter, Margarete Tiesel, Inge Maux...
L'auteur autrichien Ulrich Seidl est un cinéaste singulier qui sait prendre son temps pour composer des plans signifiants et pour créer chez le spectateur un certain malaise, le renvoyant à ses propres attitudes ou comportements. Après « Import - Export » le revoici qui traite de la sexualité et de la prostitution avec la première partie d'une trilogie sur les paradis, intitulée « Amour ». Avant de plonger son héroïne dans un village-vacances de la côte du Kenya, il commence par poser les bases des frustrations de celle-ci : un boulot dédié aux autres, des handicapés, une adolescente scotchée à son portable qui communique à peine, et un surpoids évident.
Il dresse ensuite un constat sans appel de l'apartheid qui règne dans le pays, entre riches blancs oisifs et noirs miséreux, prêts à vendre n'importe quoi, même leur corps, pour quelques sous. En quelques plans où son héroïne désinfecte le moindre recoin de sa chambre et en captant quelques conversations de comptoir avec d'autres touristes argentés, Seidl plante les a priori d'Européens racistes sur un peuple dépendant du tourisme. Il compose ainsi quelques tableaux saisissants, comme celui montrant des vacanciers alignés tels des sardines sur leur transat, et séparés d'indigènes immobiles, debout sur la plage, par une corde que suit un policier chargé de faire respecter la séparation économique et sociale.
La deuxième partie du film, plus répétitive, suit notre héroïne dans ses mésaventures avec des locaux plus intéressés par l'argent que par son cœur. Laissant le temps à ses scènes de distiller un certain malaise, qu'il s'agisse de la pression des marchandages incessants ou de sessions d'apprentissage du sexe virant au strict dirigisme, Seidl épingle le comportement des deux camps, entre système africain totalement vicié par les écarts de revenus et Européennes frustrées et partisanes du moindre effort, capables elles-mêmes de basculer dans une forme de harcèlement et de traiter en objet le premier homme venu. L'argent ne fait pas le bonheur, on le sait, et le sexe non plus, Ulrich Seidl nous le confirme avec douleur et force humour noir.
Source: Olivier Bachelard
18/05/12
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