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Festival de Cannes 2010: Jour 9 - Irresponsable guerre en Irak dans Fair Game et Route Irish et rôle en or pour Elio Germano dans La nostra vita


Photo Festival de Cannes 2010: Jour 9 - Irresponsable guerre en Irak dans Fair Game et Route Irish et rôle en or pour Elio Germano dans La nostra vitaJeudi 20 mai 2010

Manipulation étatique

Doug Liman ("La mémoire dans la peau") débarque en compétition avec un film politique plutôt appuyé, intitulé "FAIR GAME". Centrée sur les mensonges qui ont présidé à la seconde guerre en Irak, l'intrigue réunit des personnages ayant réellement existé: Valérie Plame, agent de la CIA dont l'identité a été volontairement dévoilée dans le but de briser sa carrière et Joe Wilson, son mari, ancien diplomate. Guerre de communication impitoyable, le scénario reste assez didactique, détaillant à la fois les rouages de la CIA et du pouvoir central, autour de la falsification de preuves orchestrée par Washington et l'administration Bush concernant un supposé approvisionnement en uranium auprès du Niger.

Le couple vedette est interprété par Sean Penn et Naomi Watts, le premier n'ayant pas pu faire le déplacement à Cannes. Mis en mal jusque dans leur intimité, ils doivent faire face à un déchainement médiaque des plus ordurier, et choisir entre se résigner et organiser une légitime riposte. Leurs colères sont des plus crédibles, mais comme l'affirme le personnage de Sean Penn, dans le privé ou dans la vie publique, "est-ce toujours celui qui cri le plus fort qui a raison ?" Très ciblé public américain, le film a le mérite de réaffirmer qu'une démocratie n'est jamais aquise de manière permanente, et qu'il appartient au peuple de la maintenir.

N'est pas mafieux qui veut

Daniele Luchetti est l'auteur du très remarqué "Mon frère est fils unique", présenté à Un certain regard, se retrouve cette année en compétiton avec "LA NOSTRA VITA". Histoire d'un père de famille confronté à la mort en couche de sa femme, le film vaut surtout pour l'interprétation d'Elio Germano, désarmant lorsqu'il entonne une chanson au cours d'une magnifique scène d'enterrement, où lorsque sa famille décide de lui venir en aide financièrement. Sur fond d'immigration clandestine, la question de l'intégration des roumains étant un sujet brûlant en Italie, le scénario développe aussi une intrigue immergeant le spectateur dans les rouages du milieu de la construction.

Corruption, travail au noir, importance des syndicats, délais impossibles à tenir, non application des normes de sécurité, tout y passe, le héros décidant subitement de devenir lui aussi un mafieux. Mais le naturel reviendra au galop. Certes un brin moralisateur, "La nostra vita" touche autant qu'il inquiète sur l'avenir d'un pays culturellement gangrené par la corruption et le non respect des lois. Une réplique symbolise particulièrement cet état de fait: "bien sûr on travaille au noir, on est des gens comme il faut".

Film dans le film

Dans la salle Debussy, Pascal Greggory est venu assisté discrètement à la projection de "REBECCA H. (Return to th dogs)", dans lequel il partage la vedette avec Géraldine Pailhas. Nouveau film de Lodge Kerrigan, auteur de "Claire Dolan" et de "Keane", "Rebecca H" est une sorte de mise en abîme du cerveau d'une actrice malade voire schizophrène, au travers d'un film dans le film, impliquant le réalisateur lui-même. Difficile de distinguer le faux du vrai, certaines scènes étant filmées en temps réel, comme la dispute initiale pour de l'argent, ou l'errance finale dans une zone industrielle, alors que d'autres sont répétées plusieurs fois, à force de "coupez" et de conseils du metteur en scène.

D'une durée limitée à 1h15, le film a cependant pleinement le temps d'agacer, préférant un plan séquence de près de 12mn sur Géraldine Pailhas en train de marcher, de dos, dans une zone industrielle, au développement de réels indices sur l'état psychologique de l'actrice. Seuls quelques soudains flashs, sortes de cauchemar dans lesquels l'actrice se retrouve étouffant, un sac plastique sur la tête, peuvent nous mettre sur la voie.

Exactions de mercenaires

"ROUTE IRISH", nouveau film de Ken Loach, sélectionné à la dernière minute en compétition, était montré aujourd'hui dans le Grand Théatre Lumière. Certainement l'un des films les plus décevant du cinéaste anglais, le film trouve son titre dans le nom de la route qui relie l'aéroport de Baghdad à la zone verte, route réputée la plus dangereuse au monde. Etonnament proche dans le sujet de départ, du film danois "Everything will be fine" présenté à la Quinzaine des réalisateurs, le scénario s'intéresse aux images sauvegardées par un mercenaire disparu lors de la guerre, son meilleur ami tentant de comprendre si celles-ci ont un lien avec sa disparition.

Sensé montrer les dérives de l'emploi de mercenaires, à des salaires exorbitants, ayant presque tous les droits et se comportant comme des bouchers envers les populations locales, "Route irish", formidablement bien interprété par ambigu à souhait, surtout dans son rapport fraternel au défunt, finit par sombrer dans le film de bas étage, orienté vengeance facile. Il semblerait que Ken Loach se soit un peu égaré dans son désir de voir la justice triomphe, lui qui fait pourtant d'habitude dans la mesure. Dommage.

Vu également:

La Quinzaine des réalisateurs offre au festivaliers un film allemand sur les centres de détentions pour adolescents. Sans grand intérêt pendant les trois quarts du récit, le scénario de "PICCO" aligne les poncifs sur la prison: brimades, sodomie, visites, attente du courrier, promenade, jusqu'à un déroutant basculement psychologique du personnage principal. Extrêmement violente, cette dernière partie du film, faite de torture autant psychologique que physique, met le personnage face à un choix lié à la survie: se joindre à la meute ou non. On ressort du film mal à l'aise, imprégné par la tristesse de lieux sans perspective (la direction artistique, toute dans les gris, est frappante de cohérence), et l'implaccable certitude que dans la vie c'est parfois en effet: "lui ou toi". Mais celà justifie-t-il de devenir soi-même bourreau ?

Source: Olivier Bachelard

21/05

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