News Cinéma

Festival de Cannes 2010: Jour 5 - Après un Tavernier classique en costumes, les vrais surprises viennent à minuit avec Gregg Araki et Gilles Marchand


Photo Festival de Cannes 2010: Jour 5 - Après un Tavernier classique en costumes, les vrais surprises viennent à minuit avec Gregg Araki et Gilles MarchandDimanche 16 mai 2010

Bertrand Tavernier débarque en compétition avec "LA PRINCESSE DE MONTPENSIER", film plutôt classique, en costumes, doté, hormis Lambert Wilson d'un impressionnant casting de jeunes talents français. Le rôle titre revient à Mélanie Thierry (sensuelle et ingénue), forcée d'épousée le Prince de Montpensier (Grégoire Leprince Ringuet, naïf et vibrant d'espoir), alors qu'elle aimait passionnément l'ainé des fils De Guise (Gaspar Ulliel, ténébreux et combatif). Si comme le dit sa mère dans les premières séquences, "l'amour est la chose la plus incommode du monde", tout réside finalement en le fait de "ne pas se tromper d'étoile" à suivre. Mais comme à l'époque les intrigues et la guerre sont les seules choses qui intéressent ces messieurs, la belle, convoitée par de nombreux galants, en sera pour ses frais.

Tavernier maîtrise l'art des enchaînements, les personnages se contentant par moment de s'éloigner dans un même plan, de sortir par un recoin du champs, laissant la caméra au loin. Il sait aussi dépeindre des scènes terribles, qu'ils s'agisse du chaos des batailles ou des intimités contrariées lors des scènes de coucher. Reste que le parallèle entre la belle et ceux qui gravitent autour et la croyance en l'ordre des astres, chacun sachant rester à sa place, n'est pas suffisante pour faire du film une oeuvre vraiment originale, celle-ci étant notamment loin d'avoir la noirceur de "La reine Margot" de Patrice Chéreau.

Au Tchad, un père et son fils travaillent tous deux à la piscine d'un hôtel de luxe. Alors que la rébellion gagne du terrain, l'hôtel est également sur le point d'être privatisé, entraînant des baisses d'effectifs. Le père est alors relégué au rôle de garde barrière. "UN HOMME QUI CRIE" est le seul film africain de la compétition. Réalisé par l'auteur de "Daratt", il traite de trahison familiale sur fond de guérilla menaçante, mais n'arrive ni à la hauteur d'un "Rosetta" pour le coté social qui rend inhumain, ni de "White Material" de Claire Denis ou "Hotel Rwanda" avec Don Cheadle, pour l'aspect fin d'une époque, le danger étant à peine rendu palpable. Le tout est d'autant plus décevant que les moments les plus intimes, sont anéantis dans leur sensibilité par une frontalité trop évidente, comme lorsque la brue écoute une cassette audio enregistrée par le fils et entonne alors une chanson des plus tristes. Reste un interprète principal formidable, mélange de force et de sagesse contrariée, tiraillé entre l'envie de vivre encore un peu et le devoir de protéger sa famille. Et une très belle scène auprès d'un ami cuisinier, hospitalisé pour son coeur, et racontant avec humour l'entretien préalable à son licenciement.

Après un court métrage sur la différence, intitulé "BERIK", du nom de l'homme atteint d'une rare maladie de peau entraînant des protubérance inhumaines, la semaine de la critique nous offre, une fois n'est pas coutume dans sa compétition, un documentaire danois sur les troupes envoyées sur place au sein de l'ISAF (force internationale). La qualité de la photographie et la stabilité des plans sont tellement impressionnants, que l'on a du mal à croire qu' "ARMADILLO" n'est pas une fiction. D'autant que les réalisateurs s'appliquent à construire un générique à la Guy Ritchie, présentant chacun des protagonistes à la manière d'un film d'action. De l'action, les soldats présents à l'écran en rêvent et vont finir par en avoir.

La débauche de moyens est impressionnante (avion miniature avec caméra à bord, caméras infra-rouges sur le casque, hélicoptères surréalistes...) et apparaît totalement disproportionnée face au résultat. L'ennemi, lui est invisible et imprévisible, et le réalisateur fait ici un parallèle bluffant avec les gens vidéos auxquels semblent nourris ces jeunes soldats, quasi caricaturaux. Semblant jouer à la guerre, pris au jeu pour certains, ils sont confrontés d'un seul coup à leurs responsabilités, dans une dernière partie qui fait froid dans le dos.

Présenté hier soir en séance de minuit (et donc hors compétition), "KABOOM" est le nouveau film de Gregg Araki ("Nowhere", "Mysterious skin"), cinéaste américain indépendant et provocateur. Série Z assumée, aussi ouvertement érotique qu'absurde dans son scénario, "Kaboom" réserve son lot d'effet, entretenant un épais mystère autour d'un jeune gay et de sa meilleure amie lesbienne, récemment installés sur un campus, où il ne fait pas bon rêver. Les fantasmes de jeunes adultes vraisemblablement en chaleur, se mêlent dans la plus grande joie, à des éléments de suspenses, un puzzle fortement improbable, mais assumé, se mettant en place sous nos yeux.

Si l'on peut être légitimement déçus par l'accélération du rythme sur la fin, l'auteur expédiant son intrigue de manière un peu laxiste, on se réjouira du fait qu'il assume jusqu'au bout, et sans tabou, sa liberté de ton, et les clichés charriés par son récit. Chez Araki il y a donc de sexy et inquiétantes sorcières, des gourous peu probables, des tueurs aux masques d'animaux, des surfeurs séduisants mais bêtes, des jeunes éphèbes timides et un héros traumatisé par la disparition de son père... thème décidément récurrent cette année. De quoi stimuler l'imagination des festivaliers les plus frileux.

Pour finir la journée, une autre séance de minuit signée de "L'AUTRE MONDE" de Gilles Marchand, auteur de "Harry un ami qui vous veut du bien" et déjà réalisateur de "Qui a tué Bambi ?" se présente au festivalier endurant. Grégoire Leprince Ringuet est le héros malgré lui d'une sombre histoire de suicide impliquant des dealers et une femme accroc à l'univers virtuel du jeu "Black Hole". Les passages en images de synthèses sont proprement hypnotiques, entre simplicité des silhouettes des avatars des joueurs et stylisation des décors (jusqu'à la fameuse plage noire évoquée au début du film).

Louise Bourgouin est plutôt crédible en séduisante blonde aussi fascinante que vénéneuse. Grégoire Leprince-Ringuet et Pauline Etienne constituent un couple de post-adolescents tout à fait probable, entraîné dans une spirale perverse mêlant goût du jeu et du risque. On en redemande.

Vu également:

De bonnes intentions en perte de crédibilité

La Quinzaine des réalisateurs fait cette année la part belle à un genre en vogue: le documentaire. D'autant que les productions récentes, entre malbouffe, réchauffement climatique et crise financière, ont pas mal de grain à moudre. Malheureusement, tenir un bon sujet et disposer de gens aux meilleures intentions, ne signifie pas nécessairement parvenir à un bon film. "CLEVELAND vs WALL STREET" en est la preuve évidente. Suite au report à une date indéterminée, d'un procès de la ville de Cleveland contre 17 banques, les réalisateurs décidèrent d'organiser une simulation de celui-ci, avec l'ensemble des protagonistes, ou presque.

Un peu sur le même principe que "Bamako", ce pseudo-documentaire bourré de bonnes intentions s'avère malheureusement bien manichéen, se contentant de concentrer une bonne partie des débats sur des argumentaires purement humains et subjectifs, au travers de témoignages de policiers, de victimes d'expulsion et de leurs enfants, incrédules face aux évènements. Si la dissection des mécanismes financiers inventés pour vider les poches des épargnants est plutôt efficace, mais le documentaire s'avère tout de même contre productif, mettant le doigt sur l'incapacité des américains à penser autrement qu'en terme d'endettement.

Source: Olivier Bachelard

17/05

Partager cet article sur Facebook Twitter