Samedi 15 mai 2010
Construisant son récit autour d'un couple géologue - psychologue, la cinquantaine, le réalisateur anglais Mike Leigh nous livre un magnifique film sur la détresse des solitaires, le vieillissement et l'incapacité à reconstruire une vie. "ANOTHER YEAR" (+3) fait déjà figure parti des favoris, au moins pour la formidable interprétation de Lesley Manville, collègue de travail aussi envahissante et maladroite que touchante. Portée sur l'alcool, les soubressaults de ses relations amoureuses fantasmées, ses tentatives de compensation par l'achat d'une voiture, sensée la rendre libre, rythmeront la vie d'un couple à la fois compréhensif, compatissant et complice.
Si le constat final reste assez désabusé, Mike Leigh réussit avec des chapitres calqués sur les quatre saisons, à dépeindre une société qui exclut les gens en souffrance, marginalisés par leur comportement auto-centré ou par leur évolution physique. Il n'y aurait donc qu'une seule devise pour les accidentés du couple: "less thinking, more drinking", comme l'arbore avec fierté sur son T-shirt l'un des amis égarés. Mais noyer son chagrin et son incapacité à connecter avec d'autres n'est pas la solution et le film de Mike Leigh nous rappelle cruellement que pour qu'il y ait une histoire, il faut être deux.
Woody Allen a accepté l'invitation du festival de Cannes pour son dernier film, permettant ainsi à Josh Broslin et Naomi Watts de monter ensemble les marches. Son film, "YOU WILL MEET A TALL DARK STRANGER" (+2) est plutôt mineur, jouant les vaudevilles autour d'un couple marié, tenté par deux adultères en parallèle (Naomi Watts avec son patron, propriétaire d'une galerie d'art joué par Antonio Banderas, et Josh Broslin avec une jeune femme qu'il aprçoit tous les jours par la fenêtre).
Malheureusement les personnages secondaires sont moins bien écrits que les dialogues qu'ils ont à déclamer. La mère, devenue fanatique de sa médium qui régente quasiment toute sa vie, n'est presque pas suffisamment allumée. Quant à la blonde qui l'a remplacée dans le coeur d'Anthony Hopkins, elle est trop caricaturale pour provoquer l'empathie. Du coup, on se console avec les quelques twist habiles liés aux tergiversations du mari, qui au lieu de faire chauffeur, voudrait bien que son deuxième roman aboutisse. Et il sera prêt à tout pour cela.
Lire la critique de You will meet a tall dark stranger
par Sylvia Grangirard
Coté Quinzaine des réalisateurs, Ellen Barkin nous invite à une pénible réflexion sur le métier d'actrice. Sous l'oeil de Cam Archer, elle subit une sorte de séance de thérapie, axée sur le vécu de sa première relation amoureuse, lors du tournage de son premier film, relation ayant débouché sur un mariage... "SHIT YEAR" (-1) est un film quasi expériemental, au ton feutré, la plupart des dialogues étant sussurés par l'actrice, qui mène une réflexion sur sa carrière, son incapacité à jouer des personnage éprouvant de la joie, ou sa peur de changer de décors, sorte de petite mort pour l'acteur. Malgré son noir et blanc sublime, tout comme peuvent l'être de nombreux plans (notamment à la piscine...), le film ne parvient qu'à asommer le spectateur par son flot de réflexions, pour la plupart incompréhensibles, sur le métier et la vie personnelle d'une actrice retirée de la vie publique. Hypnotique, le film l'est autant du point de vue esthétique que de celui des musiques de fond qui l'accompagnent et surprendra donc forcément.
Découvert l'an dernier à la Quinzaine des réalisateurs avec "J'ai tué ma mère", le jeune réalisateur québecqouis Xavier Dolan (21 ans) fait son entrée dans la sélection officielle avec "LES AMOURS IMAGINAIRES" (+3) exercice de style sans prétention, présenté à Un certain regard. Conte moderne centré sur un duo d'amis, lui homo, elle hétéro, tous deux irrésistiblement attiré par une connaissance commune, le scénario est un régal de répliques et de réflexions sur le comportement amoureux, analysant avec humour, au travers de quelques interivews qui jalonnent le film, les débordements qu'entraine le désir, ou les fuites face à un être trop insistant ou qui s'avère ne pas correspondre à ses attentes. Certes un peu manièrée, la mise en scène use et abuse des ralentis, mais c'est pour mieux signifier l'attraction qu'exerce le garçon convoité, capable de générer les actes les plus dévoués comme les plus naïfs. Il est alors impossible de ne pas se laisser aller au rythme du "Bang bang" - "my baby shot me down" version italienne. Pour un voyage qui rappelera à tous des souvenirs doux-amers de rendez-vous manqués avec quelqu'un de proche qu'on a, un moment, idolatré. Seul.
Source: Olivier Bachelard
16/05
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