Vendredi 21 mai 2010
Une certaine tension
Ce vendredi matin, il a fallu présenter son sac par deux fois à l'entrée du palais. Il a fallu aussi remettre ses bouteilles d'eau aux agents de sécurité. Car c'est en effet le film de Rachid Bouchareb, "HORS LA LOI" qui est présenté en compétition, et qui à cause principalement d'une scène de massacre à Sétif, lors de la libération, vaut à la Croisette son lot de menaces et de manifestations. Si l'on ne nie pas le besoin de renforcer les contrôles, on se demande bien en quoi une barre de céréales représenter un danger ! Bref avec tout cet excessif déploiement, ce sont encore les pré-tendus terroristes qui ont gagné, puisqu'avec rien, ils réussissent à mettre tout le monde à cran.
Coté cinéma, puisque le débat devrait normalement porter là-dessus, "Hors la loi" est une grande fresque familiale, regorgeant de quelques impressionnantes scènes de fusillade, d'une belle facture esthétique, mais dont l'émotion est curieusement absente. Loin de stigmatiser les actions, ou plutôt exactions des deux camps, Bouchareb préfère un récit descriptif, centré sur 3 frères, dont l'un préfère la fibre marchande à la fibre révolutionnaire. Un film efficace, qui a le mérite de mettre en évidence les déplorables conditions de vie des immigrés au lendemain de la guerre.
Magique
Un film d'Apichatpong Weerasethakul regorge toujours de surprises. D'abord parce que l'auteur de "Blissfully yours", "Tropical Malady" et du magnifique "Syndrome and a century" sait mélêre propos social et tradition (voire superstition), ensuite parce qu'il sait adopter une narration autre, faisant apparaître un générique au bout d'une heure de film, ou passant d'une bluette gay à une pousrsuite onirique dans une sombre forêt tropicale. "UNCLEE BOONMEE QUI SE SOUVIENT DE SES VIES ANTERIEURES" ne déroge pas à se principe, et laissera certainement certains spectateurs sur la touche.
Accompagnement d'un homme vers la mort par les siens et par les fantômes de ceux qui ont quitté sa vie (sa femme, qui réapparaît à table... et son fils, devenu singe-fantôme), son film adopte un rythme d'une lenteur apaisante, une étrange séreinité matinée des lugubres apparitions de silhouettes de ces fantômes qui restent attachés aux personnes et non aux lieux. Cet étrange voyage pourrait bien remporter un prix important.
Usurier fatigué
"OCTUBRE" est un film péruvien qui met en scène un prêteur sur gage peu sociable, qui va retrouver un certain goût au contact, grâce à l'apparition d'un bébé dans un panier, vraisemblablement abandonné par l'une de ses anciennes compagnes. Touchant, souvent drôles à force de détails plus visuels que dialogués, "Octubre" est l'une des véritables surprises d'Un certain regard, entre film social faisant une forte place à la débrouille (comment se dégoter un fauteuil roulant gratis...) et comédie pince sans rire. L'acteur principal, à la tête de chien battu, est pour beaucoup dans la réussite du film. Persécuté par une voisine qui voit en lui un potentiel compagnon, il va devoir laisser se craqueler son épaisse carapace, surtout que la belle, en ce mois de processions, va user moyens inattendus pour parvenir à ses fins.
Trafic de semences
Pour finir la journée, la Quinzaine des réalisateur propose un film malaisien d'une grande tristesse. "THE TIGER FACTORY" débute par une scène de masturbation d'un sexe de cochon, pour en tirer la semence, d'une grande valeur. S'en suit alors une terrible histoire de trafic de bébés, le personnage principale ayant perdu le sien, mais acceptant d'être engrossée à nouveau pour pouvoir financer son passage au Japon. Effrayant de détresse ordinaire, troublant d'espoirs déçus, ce film charrie nombre de thèmes comme l'immigration illégale, l'exploitation de l'homme par l'homme, la trahison économique. Intéressant.
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Les moyens du sacrifice
C'est décidément l'année des décès au volant, puisque comme dans le film de clôture, "L'arbre", un parent décède d'un seul coup, précipitant sa voiture dans un champs. Ici c'est la mère qui décède dès les premières minutes du film, laissant derrière elle une fille attardée, et sa soeur, qui va tâcher de s'occuper d'elle. "PIEDS NUS SUR LES LIMACES" fait la clôture de la Quinzaine des réalisateurs et apparaît au fil du récit comme un film d'une profonde démagogie. Certes il n'est certainement pas facile de s'occuper de jeunes adultes déficients, mais la charge contre ceux qui choisissent de sauver leur propre vie face aux débordements incontrolables d'êtres incapables de s'insérer dans la société, est au final tellement appuyée et facile, que l'on en sort plus dégouté pour les personnages rejetés que compatissant envers les deux soeurs.
Car le scénario prend le parti du sacrifice, que certains appeleront amour sans limite, d'une soeur intérprétée par Diane Kruger, divisée entre son mari et celle qui est restée vivre avec sa mère, Ludivine Sagnier. Les deux actrices sont certes formidables, l'été est magnifiquement rendu, mais la conclusion laisse pantois, car tout le monde n'a certainement pas les moyens de se sacrifier de la sorte (une maison à disposition, un métier qu'on peut laisser tomber du jour au lendemain...).
Source: Olivier Bachelard
22/05
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