Mardi 13 février 2007
El Otro
Compétition
niveau +2
Un homme de 46 ans se met à douter de tout, de l'amour qu'il a pour sa femme, de sa propre envie de vivre. « El otro » traite surtout de la peur de la mort. Le personnage principal y est confronté en permanence durant le film (son père dont il doit s'occuper ne peut plus rien faire seul, un homme décède sur le siège d'à coté dans un bus qu'il a emprunté, un de ses noms d'emprun pris au hasard fait l'objet d'une annonce de décès dans le journal...).
La bonne idée du scénario est de faire prendre du recul au personnage, qui profite de son travail pour ne pas rentrer chez lui, et donne à chaque fois un nom différent dans chaque hôtel où il séjourne, ou face à de nouvelles personnes qu'il rencontre. Cela provoque d'assez pittoresques situations. A force de s'inventer d'autres personnalités, le personnage masculin en devient touchant de désarroi. Il est interprété par un acteur impeccable, charmeur et distant à la fois, qui pourrait figurer en bonne place pour le prix d'interprétation.
Irina Palm
Compétition
niveau +4
Une femme d'un certain âge accepte de branler des hommes dans un sex-club, ceci pour payer le voyage de son petit fils en Australie, seul endroit où il pourra être opéré et avoir des chances de survivre. Bien sûr le pitch d'Irina Palm, du « nom de scène » de cette femme à la paume si douce, a de quoi surprendre. Mais toute la tendresse et la distance avec laquelle Sam Garbarski (dont c'est le deuxième film après « Le tango des Rachevski ») font que cette comédie dramatique gagne en charme au fil du récit.
Son ton volontairement décalé, teinté d'une légère provocation, doublé d'un émouvant discours sur le don de soi, la générosité pure, en font le premier véritable prétendant à l'Ours d'or. Interprète de Maggie (Irina), Marianne Faithfull arrive à faire croire à ce personnage de grand mère timorée qui s'installe dans ce métier comme elle le ferait finalement dans un autre. Un film à ranger aux côtés de « Breaking the waves » de Lars Von Trier, pour sa thématique et sa puissance émotionnelle. En plus léger, bien sûr.
The walker
Hors compétition
Woody Harrelson interprète avec rigueur et tenue le rôle principal du nouveau film de Paul Schrader (ici président du jury), « The walker ». Son personnage est un escort homosexuel pour femmes riches. Une fois par semaine, il joue aux cartes avec ses trois principales clientes, jusqu'au jour où l'amant de l'une d'entre elle est retrouvé assassiné, et où il se trouve en première ligne parmi les suspects.
« The walker » est à l'image de son protagoniste principal, un thriller classieux, élégant. Disposant de dialogues cousus main, tantôt humoristiques, tantôt acides, le script entretien le mystère du meurtre, mêlant affaire politiques et de moeurs, et faisant se porter les soupçons sur plusieurs de ces femmes, ou de leurs maris respectifs. Avec sa pleyades d'actrices connues, dont Lily Tomlin, Kristin Scott Thomas, Lauren Bacall il réunit sans conteste l'un des plus beaux castings de l'année. Mais il pourrait surtout pu valoir à Harrelson un prix d'interprétation, s'il avait été en compétition. Mention spéciale donc.
The lake farm
Séance spéciale
niveau 0
« The lake farm » marque le retour des frères Taviani avec une production très européenne, puisqu'on y retrouve de nombreux acteurs de différentes nationalités: Tcheky Karyo et André Dussollier pour la France, Paz Vega pour l'Espagne ou encore Moritz Bleibtreu pour l'Allemagne, sans oublier bien entendu de nombreux interprètes italiens, comme Angela Molina, et arméniens, comme Arsinée Khanjlan (femme d'Atom Egoyan).
Si l'on salue le courage politique de par une évocation frontale du génocide arménien par les autorités turques, le romanesque comme l'épique ne sont cependant pas au rendez-vous. Car le récit est plombé par d'innombrables longueurs, discussions redondantes avec l'action, ralentissant considérablement le rythme, ou tirades d'une certaine lourdeur. Ajoutez à cela une épouvantable post-synchronisation et des passages chantés au traitement sonore tellement hors contexte qu'on se croirait tout à coup dans une église et vous aurez une idée de la déception.
2 jours à Paris
Panorama
niveau +3
Julie Delpy retourne derrière la caméra pour une comédie à la Woody Allen. Elle en interprète avec une légéreté assumé le rôle principal, celui d'une photographe ayant des problèmes de vue, en couple depuis deux ans avec un américain. Sur le chemin du retour entre Venise et New York, ils font un arrêt de deux jours à Paris, l'occasion de rencontrer parents et amis de la petite française. Entre discussions intimes, réflexions sur la vie et la société, on apprend rapidement à connaître et à aimer le tandem que Delpy forme avec Adam Goldberg, comme la floppée de seconds rôles, tous attachants malgré leurs irritants caractères et manies.
Filmé tantôt comme un reportage intimiste, tantôt comme un caléidoscope de moments passés et analysés sur le vif, « 2 jours à Paris » épingle les travers des français (si l'étranger ne parle pas la langue locale, on se moque de lui ou le met de côté, racisme et à priori ambiants, habitude de toujours blâmer les autres...), comme ceux des américains (paranoïa permanente sur l'hygiène, rapport à la nourriture...), le tout dans un délicieux langage à la fois raffiné et romantique. On se régale de l'ironie ambiante, des dialogues bien sentis, et des malentendus bien sentis, qui sèment le trouble autour des nombreux ex-petits amis croisés, ou d'hallucinants parents qui mangent du lapin et parlent de sexe. La conclusion, en forme de déconvenue sur le couple, teintée d'un espoir de longévité, est à la hauteur du reste: brillante.
Source: Olivier Bachelard
14/02/07
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