INTERVIEW

VERY COLD TRIP

© Distrib Films

VERY COLD TRIP


Dome Karukoski

réalisateur


Abus de ciné :
Parfois les comédies tombent dans la vulgarité, mais Very Cold Trip ne l’est pas. Comment avez-vous fait ?

Dome Karukoski :
Au début nous voulions faire une fable. Puis nous avons écarté cette idée, ainsi que celle de faire un drame, car cela n’aurait pas été rendre justice à ces habitants. Nous avons décidé de partir de vrais sujets de la vie quotidienne, comme le chômage, qui est très important, mais aussi des relations entre les gens.

Abus de ciné :
Vous n’êtes pas crédité au générique comme scénariste. C’est peu habituel pour une comédie. Qu’elle a été votre participation à l’écriture ?

Dome Karukoski :
En Finlande, 95 % des projets sont développés avec le réalisateur. Pour « Very Cold Trip », l’idée était du scénariste, qui est un très bon ami. Elle tenait sur une page, nous l’avons développée ensemble et proposée à un producteur. Je veux faire des films dans lesquels je me sens impliqué, pas des films qu’un producteur me dise de faire. C’est ma façon de faire du cinéma.

Abus de ciné :
Quand vous écrivez le scénario d’une comédie, comment savez-vous quand c’est drôle et quand ça ne l’est pas ? Faites-vous lire le scénario à votre entourage ?

Dome Karukoski :
En fait, c’est impossible de savoir. Je donne des cours de cinéma, et lorsque je prends une image et que la donne à chacun, sans commentaire, je m’aperçois qu’ils imaginent tous quelque chose de différent. Donc on ne sait jamais quelle sera la réaction des gens. Quand je développe le scénario avec mon scénariste et le producteur, on a déjà une audience. J’ai deux personnes avec qui je peux discuter, et si je lance une idée, ils peuvent me dire si elle est bonne ou non. Et vice-versa. C’est le premier public. Ensuite, la première fois que nous avons montré le film -c’était à Lapland, juste à côté de Toronto- le public a aimé et ri parce qu’il a trouvé que c’était réaliste. Un autre public (Toronto) a ri et aimé parce qu’il a trouvé cela exotique. Après ces deux projections, j’ai su que le public trouverait le film drôle. Mais il est vrai que nous avons écrit le scénario en cherchant simplement des choses drôles pour nous, tout en partant d’une situation vraie et peu drôle (le chômage).

Abus de ciné :
Est-ce plus dur de réaliser une comédie que d’autres genres de films ?

Dome Karukoski :
Oui. J’ai fait trois drames, et ce film a été un changement total. Cependant, j’ai toujours fait des films très humains et très optimistes, qui ont un vrai cœur. Ce sont mes deux buts. Je crois que l’homme est né bon et qu’il a de bonnes intentions, et j’essaie de prouver cela à travers mes personnages. Même concernant le personnage du méchant, j’essaie de le rendre humain et de faire en sorte qu’on ait de la peine pour lui. Donc au final, j’utilise les mêmes éléments dans le drame et dans la comédie. Mais le plus difficile avec la comédie est qu’on s’ennuie vite avec ses propres idées. L’idée que j’ai eue en 2005 finit par me lasser en 2008. On se dit que l’idée ne vaut plus rien, alors que les autres nous disent que c’est une bonne idée. On se teste tout le temps. La partie difficile est donc le montage. On polit les choses et on les teste, mais c’est difficile d’avoir du recul. On ne sait plus soi-même ce qui est drôle et ce qui ne l’est pas.

Abus de ciné :
Avez-vous une influence internationale quand vous tournez ?

Dome Karukoski :
Le titre international « Very Cold Trip » a été choisi par le distributeur international. Le titre que nous, nous avions choisi, sous-entendait que ces hommes ne sont pas tant des héros. En réalité, nous avons tourné en même temps que « Very Bad Trip » et il est sorti quand on montait. Mais la chose la plus importante pour un réalisateur, quand on tourne, est de se préserver de toutes les influences, pour faire uniquement ce qui est bon pour le film.

Abus de ciné :
Vous faites usage du cinémascope, ce qui est peu fréquent pour les comédies. Pourquoi ?

Dome Karukoski :
Tous mes autres films étaient aussi en cinémascope. Je dois dire que j’ai une influence de Sergio Leone, de ses westerns. Je suis aussi influencé par le cinéma français, notamment celui de Jaques Tati. Cela permet d’utiliser la profondeur de champ, et les bordures du cadre, de jouer sur l’espace. Une comédie en cinémascope, c’est un film que l’on veut voir au cinéma. Ça devient plus grand.

Abus de ciné :
Et pour la suite, si ce film est un succès ?

Dome Karukoski :
J’ai plusieurs propositions, dans plusieurs pays, mais je veux pouvoir tourner dans les conditions que je choisis. Un producteur finlandais m’a approché en me demandant ce que je voulais faire. Un producteur américain m’a également approché, mais en me donnant un script et en me demandant ce que j’en pensais. Ce n’est pas la même chose. Je travaille à l’adaptation d’un bouquin qui m’a plu, mais à ma façon… J’ai aussi une histoire dans le même genre que « Very Cold Trip ». Ce n’est pas une séquelle, mais c’est le même univers, et cela retrace un élément important de l’histoire du pays, en 1995. Mais on ne sait jamais, on verra.

Propos recueillis par Ivan Chaslot
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