INTERVIEW

SHUTTER ISLAND

©Paramount Pictures France

SHUTTER ISLAND


Martin Scorsese, Leonardo Di Caprio, Ben Kingsley, Mark Ruffalo, Michelle Williams, Bradley Fisher, Mike Medavoy et Arnold Messer

réalisateur, acteurs, actrice et producteurs


Journaliste :
Comment a commencé ce projet ?

Bradley Fisher :
J'ai ressenti une certaine terreur psychologique à la lecture du premier scénario. En le lisant, j'ai été également surpris par sa profondeur, et son aspect émotionnel. Après l'avoir acheté, nous l'avons développé pendant un an, puis envoyé à Marty and Leo.

Journaliste :
Vous avez travaillé beaucoup ensemble... Qu'est-ce que vous aimez l'un chez l'autre ?

Leonardo Di Caprio :
Tout acteur serait un idiot de ne pas sauter sur l'occassion de travailler avec lui. C'est l’un des réalisateurs les plus brillants qui existe. Il a un amour du cinéma tellement immense. Avec Marty, ça a été une progression constante. Cela fait 10 ans qu'on a commencé à travailler ensemble, et maintenant, avec le temps, on se fait confiance.

Martin Scorsese :
Cela fait en effet 9 ou 10 ans. Mais depuis "Aviator" et "Les infiltrés", nous avons été capables de pousser plus loin cette expérience. Je vois Léo se développer en tant qu'acteur (depuis Gilbert Grape, je savais qu'il serait bon...), confirmer son talent. Avec ces grands acteurs, on aime forcément être dans les alentours pour capturer cette évolution, quand cela se passe. La confiance est réellement la clé, et depuis "Gangs of New York", avec ce personnage si difficile, nous l'avons développée.

Journaliste :
"Shutter island" est un film intense. Quel plaisir avez-vous eu à ce tournage ?

Leonardo Di Caprio :
Le terme "fun" n'est pas vraiment approprié. Je dirais plutôt "challenging", "intense"... Il s'agissait d'un grand puzzle, fait de retours en arrière et de séquences de rêve... comme une série de short stories. Du coup, on avait tous les jours l'impression d'avoir achevé quelque chose. Mais c'était difficile, car on avait souvent chacun les dialogues de son côté... sans connaître ceux des autres. Et puis il y avait la pluie...

Journaliste :
Avez-vous demandé à vos acteurs de regarder des films des années 50, pour qu'ils s'inspirent de la manière de bouger, de parler, des acteurs de l'époque... ?

Martin Scorsese :
J'avais 10 ans en 1952. On peut dire que j'ai expérimenté les 50's, les secrets, la paranoïa due à la guerre froide. Je suis forcément influencé par cela pour ce type de film. Mais pour les références, je dirais qu'il fallait que le personnage de Leo ne regarde jamais les autres dans les yeux, faisant de lui l'un de ces "fantômes" qui hante l'hôpital. Bien sûr je leur ai conseillé de voir des films, de Tourneur pour le mystère, ou encore "Crossfire" ou "Let there be light", qui sont des références à voir, certainement. Mais j'ai dû surtout utiliser la nature même du cinéma pour ce film, tout un vocabulaire racontant cette histoire qui, vue à travers la tête de Teddy, fait forcément référence à des films ou infos de l'époque, qu'il aurait vus...

Journaliste :
Qu'avez vous trouvé de si spécial au roman ?

Martin Scorsese :
J'avoue que j'ai d'abord lu le script, puis le lendemain le roman. Ce qui m'a frappé, c'est l'impact émotionnel des deux dernières scènes, et puis certaines lignes de dialogue entre Leo et Mark, dont les dernières... Et puis j'ai ressenti une immense compassion pour le personnage et la souffrance de tous les gens impliqués.

Michelle Williams :
Il y a forcément des réponses dans le livre, qui vous mâchent un peu le travail... C'est de l'information toujours disponible, et même si on ajoute des indices dans le film, on se réfère toujours aux mêmes choses.

Journaliste :
Voyez-vous une situation sociale semblable à celle de l'époque aujourd'hui dans notre monde post-11 septembre ? Est-ce possible de traiter le même thème, avec les traumatisés de retour de la guerre aujourd'hui ?

Martin Scorsese :
Bien entendu, j'ai été attiré par ce matériau, à cause des années 50, du trauma, de la peur, de la paranoïa. Mais j'ai grandi au sein de ce qu'on nous disait ou nous expliquait à l'époque... Oui, maintenant, avec du recul, je fais certainement le lien avec l'ambiance actuelle...

Journaliste :
A quel point vous êtes-vous inspiré de James Stewart dans "Vertigo" ("Sueurs froides") pour votre rôle ?

Leonardo Di Caprio :
James Stewart a été une grande source d'inspiration en effet... Il y a assez d'ambiguïté dans ce film pour que l'on puisse en avoir différentes perceptions selon qu'il s'agit de la deuxième ou troisième vision. J'ai vu "Vertigo" immédiatement après avoir lu le script. Le personnage qu'interprète Stewart recherche quelqu'un, et devient lui aussi peu à peu parano. Il est également, comme mon personnage, trop connecté directement à cette disparition. D'où l'importance des "back-stories"...

Propos recueillis par Olivier Bachelard
Partager cet article sur Facebook Twitter