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réalisateur
Journaliste :
Avec « Les Adieux à la reine », vous avez déclaré vouloir faire un film en costumes qui ne soit pas un film d’antiquaires …
Benoit Jacquot :
Pour moi, il y a deux façons de faire des films d’époque : ce que j’appelle les films d’antiquaire, comme ceux de Visconti, filmé comme si on vendait des meubles appartenant à un monde obsolète. L’autre façon, celle à laquelle je m’attache, consiste à établir un lien avec le présent. Je tiens à ce qu’il n’y ait pas d’anachronismes, que la langue soit dans un registre qui la rende « actuelle », d’époque, que les actrices n’aient jamais envie de quitter leurs costumes. Les décors doivent aussi être conditionnés par la lumière, car peu de films d’époque donnent ça. Avec mon chef opérateur, nous avons modulé la lumière existante. Quand la reine brûle des lettres, il fallait que la lumière soit celle du feu, pas une lumière artificielle.
Journaliste :
Comment en êtes-vous venu à faire ce film ?
Benoit Jacquot :
La concentration dans un lieu et dans un temps déterminés m’a d’abord amené à m’intéresser au livre de Chantal Thomas, puis à l’idée d’en faire un film. Mais le film est un faux huis clos, car Versailles est une ville en soi, avec un contraste entre le faste style « Galerie des glaces », et les chambres de bonne ou les cuisines. Cette concentration spatiale et temporelle provoquait une accélération formidable des états physiques, sociaux et mentaux.
Journaliste :
Comment s’est passé le tournage à Versailles ?
Benoit Jacquot :
Ce qui m ‘intéressait, c’est que le décor est comme un personnage à part entière. Après, il fallait faire avec deux contraintes : que notre évocation de Versailles convienne aux responsables du site, ce qui n’a pas posé de problème, et la contrainte du coût. Car filmer à Versailles coûte très cher ! C’est d’ailleurs le personnage le plus cher du film !
Journaliste :
Comment avez-vous choisi vos actrices ?
Benoit Jacquot :
Dans le livre, le personnage de Sidonie a 50 ans. Je voulais une femme pas encore dans le monde adulte, vraisemblable dans sa façon de regarder les choses, avec le point de vue d’un enfant. Et mon choix s’est alors très vite porté vers Léa Seydoux, car je voulais également une actrice exprimant une grande sensualité. Léa, c’est une promesse d’actrice, et j’espère que le film va « cadrer » son image. Pas la figer, la cadrer …
Le choix de la reine, qui est liée de façon organique à Sidonie, est venu après. J’avais envie d’une actrice étrangère. J’avais pensé à Eva Green, mais elle devait tourner dans le prochain Tim Burton et je ne voulais pas décaler mon tournage. Diane Kruger a alors demandé un rendez-vous avec moi quand elle a su que le rôle était vacant. Elle a montré beaucoup d’insistance. Le rôle avait une grande importance pour elle.
Journaliste :
Vous laissez beaucoup de liberté aux actrices ?
Benoit Jacquot :
Elles sont en « liberté très surveillée » ! Je suis très attentif à ce que les décors, les costumes, les dialogues, les lumières sonnent juste, qu’on ait vraiment l’impression d’être à Versailles à cette époque. Quand ce cadre est respecté, je laisse une grande liberté aux actrices.
Journaliste :
C’est pour cela que vous utilisez beaucoup la caméra portée ?
Benoit Jacquot :
Tout à fait. Je voulais qu’on ait un sentiment d’immédiateté, comme si on suivait un caméraman d’actualité pendant un évènement violent. Je voulais que le film soit comme un reportage sur ces évènements. C’est aussi pour cela que je ne voulais pas en faire des tonnes sur le personnage de Sidonie : c’est l’histoire d’une dévotion inconditionnelle avant tout, à chacun d’imaginer ce qui va arriver à Sidonie par la suite.
Journaliste :
Vous retrouvez Virginie Ledoyen, que vous aviez révélée dans « La Fille seule »…
Benoit Jacquot :
Elle me doit beaucoup ! C’est un passage de relais entre elle et ce qu’elle a fait avec moi et Léa Seydoux. Comme cette scène où elles échangent leurs robes … Ce sont les actrices qui légitiment l’univers du film, et qui légitiment le film.
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