© Patrice Riccota
réalisateur et acteurs
Comment retranscrire sur papier des propos d’Edouard Baer ? J’en suis rapidement arrivé à la conclusion que c’était mission impossible ! On est condamné à ne reproduire que le fond, sans cette forme si particulière qui lui est propre. Adieu son élocution, son humour inégalable et son talent pour passer d’un ton à un autre comme personne ! Lorsqu’il arrive, il se met à improviser une chanson où il s’excuse d’être en retard, sert chaleureusement les mains et n’en finit pas de parler avec son style inimitable, évoquant autant son film que les détails insignifiants qui lui sautent aux yeux : la boucle d’oreille d’un journaliste, les petits fours qu’on lui offre. Capable d’improviser sur tout avec un naturel déconcertant !
Tout cela avec une étonnante simplicité car Edouard Baer n’a aucune prétention : « Je ne voulais pas faire un film qui se regarde, qui se replie sur lui-même », précise-t-il lorsqu’on évoque la mise en abîme du film. « Il y a tellement d’histoires dans l’histoire qu’au bout d’un moment il n’y a plus d’histoire du tout. Mais je n’avais quand même pas envie qu’on sorte de l’histoire. Il y a 1000 aventures à vivre mais en plus on est dans le film. En fait (la mise en abîme) est très abstraite, c’est comme s’il y avait la guerre, qu’on ne voie pas toujours mais on sait qu’elle est là. Et il y a même le côté making-of et le bêtisier inclus dans le film ! J’aime bien les coulisses de spectacle et cette ambiance de gens entre splendeur et pathétique ». Edouard Baer parle comme son film : en façade ça paraît confus mais au fond tout prend sens.
Quid de ses acteurs et de ses personnages ? « J’aime bien aller contre les gueules d’emploi ; on voit toujours un peu les mêmes types de physique au cinéma. J’ai de la tendresse pour mes personnages mais j’aime mettre en danger des personnages secondaires et avoir l’envie de les suivre un moment, comme lorsque la caméra s’arrête sur Atmen Kelif. Et Poelvoorde, c’est lui l’akoiboniste du film. Quant à moi dans mon film, je n’étais obligé de rien mais ça rassurait la production puisque j’avais fait 2-3 films avec un peu d’entrées, et moi ça m’amusait. Mais je voulais un rôle "par en-dessous", qui me permettrait de me concentrer sur la réalisation. »
Réalisateur pour la seconde fois, comment Baer envisage-t-il son évolution depuis « La Bostella » liée à sa carrière télé : « Est-ce que c’était une esquisse d’Akoibon ? Sûrement un peu. Je voulais que ça ressemble plus à du cinéma, mettre des choses personnelles dans une histoire qui va plus loin, avec du marivaudage etc. Il y a un peu de moi mais c’est d’abord une fiction, un film d’aventure avec une idée ultime : en plus c’est filmé ! » Aventure, un mot qui revient souvent dans ses réponses… mais n’est-ce pas une comédie ? « J’ai voulu une comédie mais j’espère que ça tient narrativement. Il n’y a pas forcément de mécanique du gag. Je ne dis pas au public : la peau de banane elle est là, il faut rire. D’ailleurs certains aiment le film alors qu’ils n’ont pas forcément ri, parce qu’il y a aussi quelque chose de touchant ». Et ce n’est pas sans faire passer quelques messages : « ce n’est pas un film à thèse non plus mais il y a une critique de la télé réalité quand même. Mais en même temps cette télé réalité me fascine : l’hôpital psychiatrique n’est parfois pas loin ! »
OK donc c’est une aventure et pour l’île Edouard Baer aimait bien cette « idée de faire des lieux d’imaginaire, comme si on pouvait se dire : quand ça ne va plus, va sur Santa Esmeralda ! » mais comment a-t-il fait pour emmener tout ce casting sur son navire ? « C’est un paradoxe : on propose toujours les mêmes choses aux acteurs. Marcello Mastroianni ne pensait pas à son image, il voulait s’amuser ! Chiara c’est sûrement pareil et Jean Rochefort, plus on le pousse vers le cracra, le décalé, etc, plus ça l’amuse. C’est lui qui me disait "je veux bien mettre une perruque mais il faut qu’on me voit l’enlever aussi !" Pour Nader, il le dit dans le film : c’est la chance de sa vie (Nader acquiesce d’un sourire timide !). D’ailleurs Marie et Nader, c’est comme mes enfants maintenant, et ils ont intérêt à faire de bons choix de films maintenant ! » Marie Denarnaud rebondit aussitôt : « Moi j’ai accepté pour pouvoir toucher Edouard Baer », « Tu veux dire émotionnellement ? » « Non physiquement ? », « Oh j’suis déçu ! », « Mais c’était très… intéressant ! Je dirais 8 sur une échelle de 1 à 10 ! Et aussi pour l’argent et pour boire du pastis en travaillant : je suis très terre à terre ! Non sérieusement, c’est exaltant de faire un film si bien écrit ».
Quand au choix de Moustaki, « je pensais que les gens ne le connaissaient pas trop et pour le tournage c’était l’hystérie complète dans le port ! Et non seulement il chante bien mais il va bien sur le T-shirt ! On va pouvoir développer tout un merchandising ! » Et des T-shirt Edouard Baer ? « Je n’ai pas de culte de la personnalité et j’en souffre beaucoup ! Pour ça il faut être dirigeant en Corée du Nord ou souffrir d’Alain-Delonite aigue : c’est très grave ! »
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