© Rezo Films
Un projet artistique mêlant paroles de femmes et action picturale sur leur environnement direct. Une approche à la fois sociale et picturale, pour dire la lutte et changer le regard...
Le film commence symboliquement par un accouchement, un moment où la femme donne la vie, dans une souffrance certaine, donnant d'emblée une signification à son titre. « Women Are Heroes » est avant tout la description d'un projet artistique. Considérant que la situation de la femme en dit beaucoup sur la situation même d'un pays, JR est allé filmer des femmes qui ont pris en main leur destin, malgré un contexte où des hommes qui ne leur laissaient que peu de chance de s'épanouir. Principalement situé en quatre lieux, le film débute dans une favela du Brésil, abordant le veuvage sur plusieurs générations, le mépris des autorités (l'armée aurait livré 3 jeunes à une autre favela... résultant en des corps retrouvés découpés) et la violence quotidienne. Puis viennent le Cambodge, avec la destruction des logements de fortune, sans dédommagements pour les familles, et les manifestations liées, l'Inde, avec des femmes fuyant des violences conjugales, et le Kenya, avec un bidonville à proximité de Nairobi, où les manifestations réprimées grâce à des soldats transportés par le train, ont donné lieu à l'arrachage des rails par la population locale.
Le montage est presque systématique. Il consiste à faire parler les femmes, en les présentant à chaque fois par une photo noir et blanc, leur nom inscrit en dessous. Elles racontent leur vie, leurs difficultés, le manque de respect. Puis vient le temps des collages de ces photos noir et blanc, principalement axées sur des visages provocateurs ou un simple regard, à des échelles hors normes, sur des murs, des toits, des bus qui permettent de fuir les maris violents... À chaque fois, la mise en scène s'adapte aux lieux. JR adopte des accélérés, avec virages saccadés, dans les rues labyrinthiques ou les maisons aux multiples couloirs ou encore les escaliers de la favela. Pour la destruction des maisons au Cambodge, il repasse le film à l'envers, symbolisant une dignité qui remonte. Au Kenya, il met l'accent sur la parole d'habitants revendicateurs, alors que ce sont le train – qui symbolise le seul lien avec la ville – et les toits qui recevront un traitement artistique, montrant qu'il y a aussi des gens qui vivent ici.
Bien sûr les installations mises en œuvre visent aussi à porter un message politique ou à changer le regard. Elles mettent en valeur les habitants, qui participent d'ailleurs souvent au projet eux-mêmes. Les Kenyans, après de longues discussions, aideront à monter des structures qui iront sur les toits. Les gens du Liberia accepteront la pose sur des maisons partiellement ensevelies sous les eaux, ou sur le tablier d'un pont écroulé. Et les Indiens utiliseront l'encens coloré pour peindre les yeux des portraits, jusque-là représentés uniquement en noir et blanc.
La musique envoûtante, signée notamment Massive Attack et Jean-Gabriel Becker, adopte un côté répétitif très adapté. Les images sont superbes, et un montage parfaitement calculé permet une montée en émotion, JR choisissant de montrer le résultat d'ensemble seulement à la fin. Cette scène est d'ailleurs précédée par une série de regards d'hommes, surpris, touchés, envahis par ces regards féminins géants qui leur adressent un message. « Women Are Heroes » est donc un récit hors norme d'une aventure internationale à la dimension artistique et sociale indéniable, qui redonne de la dignité à ces femmes, en changeant leur statut, et en les incitant à continuer leurs actions ou luttes.
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