affiche film

WHORES’ GLORY


un documentaire de Michael Glawogger

Un triptyque qui suit le quotidien des prostituĂ©es dans l’exercice de leur travail. La ThaĂŻlande, le Bangladesh et le Mexique, trois pays diffĂ©rents, trois façons de voir le sexe, trois maniĂšres de se prostituer



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Photo film

Triptyque polychrome

Le monde du travail et sa comparaison Ă  l’échelle mondiale et Ă  travers les Ăąges, c’est un peu le dada de Michael Glawogger lorsqu’il dĂ©cide de prendre la camĂ©ra pour en sortir un documentaire. AprĂšs « La mort du travailleur » (documentaire dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ© Ă  Venise en 2005), et « Megacities », le rĂ©alisateur autrichien dĂ©barque avec le troisiĂšme volet de sa trilogie, traitant cette fois de la branche de la prostitution.

Une musique omniprĂ©sente et envoĂ»tante, une mise en scĂšne claire, propre, colorĂ©e et stylĂ©e, « Whores’ glory » est impeccable sur la forme. Mais au-delĂ  de l’aspect esthĂ©tique, il s’agit lĂ  d’un extraordinaire travail de fond. Les camĂ©ras de Glawogger ont rĂ©ussi Ă  avoir accĂšs Ă  des lieux clos (notamment le bordel du Bangladesh) qu'on a rarement eu la possibilitĂ© de voir dans un documentaire. Quatre longues annĂ©es de labeur et de rushs lui ont permis de construire ce fantastique document tour Ă  tour voyeur, touchant, aberrant, rĂ©voltant et Ă©tonnant.

Étonnant car on y dĂ©couvre de multiples pratiques et visions de la prostitution qui varient bien souvent en fonction des endroits prĂ©sentĂ©s, celle-ci Ă©tant abordĂ©e parfois sous des aspects inattendus. C’est ce qui confĂšre Ă  cette construction en triptyque tout son intĂ©rĂȘt. Il arrivera sans doute au spectateur de rĂ©flĂ©chir, aprĂšs la sĂ©ance, aux diffĂ©rentes approches par rapport au sexe et aux codes d'une prostitution ancrĂ©e dans la culture de chacun des pays visitĂ©s.

En ThaĂŻlande, la prostitution est cadrĂ©e. Glawogger nous ouvre les portes du « Fishtank », une maison close au dĂ©cor ultra moderne oĂč les hommes vont faire leur marchĂ© disposant d’un large panel de filles qu’ils choisiront Ă  travers l'Ă©paisse vitre qui les sĂ©pare des prostituĂ©es. Celles-ci se disent trĂšs bien traitĂ©es dans cet Ă©tablissement trĂšs chic. Elles restent indĂ©pendantes mais doivent tout de mĂȘme reverser une commission au propriĂ©taire sur toutes leurs passes. PlutĂŽt ouverts d’esprit sur le sujet malgrĂ© la politique d’autruche du gouvernement, les clients expliquent le raisons pratiques voire festives de leur venue au « Fishtank ».

Puis, nous dĂ©couvrons « la CitĂ© de la Joie » aux abords de la ville de Faridpur au Bangladesh, oĂč l’atmosphĂšre est beaucoup plus tendue, et mĂȘme, mĂ©fiante. La photographie s’assombrit et contraste avec la section prĂ©cĂ©dente trĂšs flashy, ambiance boite de nuit. Ici, les allĂ©es sont lugubres et Ă©troites, les petites tenues des thaĂŻlandaises n’ont pas leur place et les filles de la CitĂ© de la Joie, dont certaines ont probablement Ă  peine 14 ans, sont sous le contrĂŽle et l’autoritĂ© d’une maquerelle. Certainement le meilleur segment, le Bangladesh expose ses us et coutumes de la prostitution locale, qui est ici lĂ©gale, Ă  travers les interviews des filles de joie mais aussi des rares clients qui ont bien voulu rĂ©pondre. On y dĂ©couvre un sordide mode de fonctionnement oĂč la voie Ă  suivre est d’épargner assez pour devenir Ă  son tour maquerelle dans son propre bordel afin d’éviter une fin de vie misĂ©rable Ă  toujours essayer tant bien que mal de tapiner ou une reconversion en tant que femme de mĂ©nage dans le ghetto. Beaucoup de dĂ©tresse et d’émotion sont palpables dans les tĂ©moignages pleins de sens de ces filles qui n’ont jamais choisi leurs destinĂ©es, car souvent vendues dĂšs leurs premiĂšres menstruations.

À Rio Grande, au Mexique, au moins, les prostituĂ©es sont adultes, mais l’endroit parait ĂȘtre une zone de non-droit oĂč la consommation de crack est coutume. Les corps parfois dĂ©pravĂ©s (au sens propre comme au figurĂ©) s’exhibent afin d’attirer le chaland rĂŽdant en voiture devant les maisonnettes de « La Zona de la tolerencia », qui comme son nom l’indique, bĂ©nĂ©ficie de l’indulgence de la police. LĂ , le sexe a des allures de pratiques morbides et auto-destructrices. Beaucoup de clients apparaissent comme des prĂ©dateurs sous les camĂ©ras du metteur en scĂšne autrichien, mais les Ă©changes filmĂ©s entre clients et pĂ©ripatĂ©ticiennes sont bien souvent chaleureux, bien loin du manque de respect dont on pourrait prĂ©juger.

À mesure que les segments progressent, Michael Glawogger nous entraĂźne de l’exploitation humaine la plus « acceptable » Ă  la plus sordide, Ă  travers des tĂ©moignages de femmes conscientes de leurs conditions dĂ©crivant des moments parfois difficiles mais trĂšs rarement invivables. L’un des points communs entre les diffĂ©rents segments et particuliĂšrement ceux sur le Bangladesh et le Mexique, reste le rapport des filles Ă  la religion, celle-ci faisant partie intĂ©grante de leur vie. Glawogger nous fait partager leurs croyances, qu’elles soient bouddhistes, musulmanes ou catholiques, dans cette fascinante Ɠuvre Ă  la gloire des prostituĂ©es


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