© Version Originale / Condor
Un soir, alors quâelle prĂ©pare un plat dans sa cuisine, Mizuki voit son compagnon YĂ»suke apparaĂźtre dans un coin sombre de son appartement. Sauf que YĂ»suke est mort il y a trois ans, noyĂ© au cours dâune expĂ©dition en mer. Le voilĂ qui emmĂšne Mizuki dans un Ă©trange voyage Ă travers le Japon, Ă la rencontre de ceux quâil a croisĂ©s sur sa routeâŠ
Faut-il vraiment commencer Ă sâinquiĂ©ter pour Kiyoshi Kurosawa ? Celui que lâon a tant intronisĂ© comme maĂźtre absolu du film de fantĂŽmes â au sens large â semble dĂ©sormais engagĂ© sur une voie bien moins stimulante pour les inconditionnels de son cinĂ©ma. En effet, depuis le suffocant "RĂ©tribution" en 2007, pas grand-chose Ă se mettre sous la dent entre un sous-Ozu ronflant ("Tokyo Sonata"), une SF relativement plate ("Real") et un diptyque pesant sur le thĂšme de la pĂ©nitence ("Shokuzai"). Ă vrai dire, "Vers lâautre rive" apporte la rĂ©ponse Ă cette inquiĂ©tude, sans pour autant la contrebalancer par une bonne nouvelle, et ce dĂšs le prĂ©-gĂ©nĂ©rique.
Lâapparition dâun mort dans un coin du dĂ©cor, un cadrage fixe qui recherche le trouble et lâinquiĂ©tude, une gestion maline de la basse lumiĂšre et du hors-champ, des acteurs au visage quasi spectral : on est en terrain connu. Puis lâhĂ©roĂŻne se rĂ©veille dans son lit, croyant que tout ça nâĂ©tait quâun rĂȘve. Sauf que non : les cinĂ©philes savent bien que, chez Kiyoshi Kurosawa, le fantĂŽme « existe », prĂ©sent Ă lâĂ©cran dans son enveloppe corporelle, et que le sujet va naĂźtre uniquement de sa coexistence avec le vivant (revoir "KaĂŻro", "SĂ©ance" ou mĂȘme "Loft" pour sâen faire une idĂ©e plus large).
On a souvent pu rapprocher Kurosawa dâun cinĂ©aste comme Shyamalan, et ce nâĂ©tait pas par hasard : chez ces deux artistes, lâĂ©lĂ©ment fantastique, toujours prĂ©sent mais effacĂ© derriĂšre le rĂ©cit intimiste ou psychologique, devient avant tout une sorte de vecteur obsessionnel Ă travers lequel les personnages se confrontent Ă leur nature profonde. Sur lâidĂ©e dâun mari dĂ©cĂ©dĂ© dont le fantĂŽme revient accompagner celle quâil a aimĂ©e (et qui fantasmait sans doute son « retour »), on imaginait bien que Kurosawa nâallait pas nous torcher un remake de "Ghost" ! Mais quâa-t-il donc Ă proposer pour sublimer ce beau sujet ? Pas grand-chose, Ă vrai direâŠ
En fait, plus le film avance, moins la ligne directrice de son sujet sonne comme une Ă©vidence, faisant ainsi du film une sorte dâerrance romantique oĂč les non-dits assouplissent lâĂ©motion quand ils sont entretenus et la dĂ©truisent carrĂ©ment quand ils sont brisĂ©s. Du coup, en raison dâun scĂ©nario qui mĂ©lange tout et nâimporte quoi sans raison (on y voit des raviolis cuisinĂ©s, des journaux distribuĂ©s, de la mĂ©taphysique de bazar dans une salle de classe, etc.), la moindre trace de thĂ©matique en arrive Ă devenir plus fantomatique que le personnage incarnĂ© par Tadanobu Asano (un habituĂ© du cinĂ©ma de Kurosawa : on lâavait dĂ©jĂ aperçu dans "Jellyfish").
Sur la base dâun dialogue entre les vivants et les morts pouvait alors sâajouter de multiples possibilitĂ©s narratives, de la logique de lâinconscient jusquâĂ la mĂ©taphore shintoĂŻste en passant par le retour des attractions charnelles. Des idĂ©es que Kiyoshi Kurosawa nâexplore jamais (ou alors en seulement deux ou trois plans furtifs), se contentant de faire mouvoir ses personnages dâun dĂ©cor nippon Ă un autre, sans que le trouble ne surgisse, sans que lâĂ©motion ne sây installe, sans que la mise en scĂšne puisse sortir de son caractĂšre terne et appesanti. Il est pour le coup rarissime de voir Kurosawa dans un Ă©lan crĂ©atif aussi faible, surtout quand une histoire dâamour tragique rĂ©ussit Ă nous faire friser lâĂ©tat de catatonie. Un renouveau de sa part ne serait vraiment pas de refusâŠ
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