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Depuis son dépôt de brevet en 2013 par Hon Lik, la cigarette électronique s’est imposée comme un phénomène mondial. Pour un cinéaste comme Jan Kounen, l’objectif est autant de casser les fausses idées sur cette pratique que d’en révéler avant tout sa véritable nature : devenir un outil de lutte contre le fléau du tabac…
Sortie directe en DVD et Blu-Ray le 23 juin 2017
Avant même d’avoir lancé le générique de début, Jan Kounen nous alerte d’emblée : « Si vous êtes non fumeur, ne vapez pas. Si vous êtes fumeur ou que vous connaissez des fumeurs, regardez ce film ». Ouf ! Notre crainte première – celle d’assister à un documentaire prosélyte en faveur de la pratique soi-disant saine du vapotage – part en fumée dès les cinq premières secondes. Parce que le sujet de ce documentaire polémique – privé de sortie salle et de diffusion télé – est à appréhender en prenant soin de ne pas se tromper d’angle : si la cigarette électronique présente un caractère positif, c’est avant tout vis-à-vis des fumeurs les plus indécrottables qui souhaiteraient trouver une porte de sortie à leur addiction. Ce que Jan Kounen, ayant réussi à mettre fin à un tabagisme de 30 ans suite à sa découverte de la « e-cigarette », se fait un devoir d’analyser et d’argumenter dans un documentaire totalement à son image, c’est-à-dire riche, libertaire, divertissant et totalement frappadingue. Après un long silence radio depuis son adaptation inégale mais intéressante du "Vol des cigognes", le plus space des cinéastes français trouve une fois de plus un sujet pleinement connecté à sa vision du monde et de la société.
Au début, on sent Kounen un poil assagi lorsqu’il expose l’historique du tabac avec moult informations à l’appui. De son utilisation médicinale par les Indiens d’Amérique jusqu’à son appropriation branchée par la société occidentale, en passant par l’action des puissants lobbys (un sujet déjà abordé dans le très rigolo "Thank you for smoking" de Jason Reitman) et le descriptif précis de sa nocivité, tout est recensé et analysé avec la rigueur journalistique qui s’impose. C’est dès que le vapotage est introduit comme alternative bienfaisante que "Vape Wave" change alors de structure, alternant les entretiens fouillés et les déviations barrées avec un aplomb considérable. Il y a certes du Michael Moore dans l’attitude d’un Kounen décidément sale gosse jusqu’au bout (et c’est ce qu’on adore chez lui), qui ne peut s’empêcher d’investir un terrain labouré – la question du vapotage reste encore très actuelle – pour y creuser un tunnel vers le terrain d’à côté, c’est-à-dire celui de la satire contemporaine. Tout comme "D’autres mondes" se voulait moins un éloge du chamanisme qu’une invitation à poser un regard neuf sur le lien entre science et spiritualité, "Vape Wave" finit lui aussi par révéler sa vraie nature : intégrer la communauté saine des « Vapers » pour façonner une attaque sans pitié contre un système gangrené par l’hypocrisie de ses institutions et le ridicule de ses « vérités » (le fameux mythe de la cigarette électronique explosive est ici démonté avec brio !).
Un combat très actuel est ici révélé : celui d’une création neuve et moins dangereuse qui tente de s’imposer face à une industrie du tabac carnassière qui fait son business sur la consommation et la mort. Le regard de Kounen sur le vapotage n’étonnera guère ceux qui ont fini par s’habituer à son regard acide et mystique sur les sources alternatives d’épanouissement et de communion avec la nature – "Blueberry" et "99 Francs" avaient plus ou moins fait le tour de la question. Pour le cinéaste, vaper est moins une forme de frime qu’un mode de vie à part entière, prônant de ce fait une liberté et un besoin d’émancipation, en accord avec une nature que l’humain a trop souvent tendance à souiller. D’où l’idée fracassante d’utiliser les prévisions d’Isaac Asimov couplées à des plans de SF en mode "Blade Runner" afin d’extrapoler de façon drôle et ludique sur un futur toujours plus intolérant, portant en étendard des lois liberticides qui ostracisent à l’heure actuelle tous les Vapers de la planète. Ajoutez à cela un Kounen qui renoue avec l’esprit frondeur d’un Michael Moore (son imitation de Marisol Touraine est un régal) et une poignée d’apartés décalés où les potes du cinéaste s’éclatent à singer les néophytes du vapotage (Antoine Basler, Dominique Bettenfeld, Carole Brana…), et le résultat claque autant la rétine que l’intellect. "Vape Wave" est ainsi fait et défini : un ovni déjanté qui n’enfume pas mais qui dégage de jolies vapeurs.
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